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Full text of "Revue des documents historiques"

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REVVE 

DES DOCVMENTS 

HISTORIQVES 

SIXIEME ANNÉE 




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U0R AR1ES 
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REVVE 

DES DOCVMENTS 

HISTORIQVES 

SVITE DE PIÈCES CVRIEVSES ET INÉDITES 

PVBLIÉKS AVEC 

DES NOTES ET DES COMMENTAIRES 



PAR 



ETIENNE CHARAVAY 

ARCHIVISTE PALEOGRAPHE 
SIXIÈME ANNÉE 




PARIS 
CHARAVAY FRERES C. MOTTEROZ, IMPRIMEVR 

5i, Rue de Seine Rue du Four, 54 bis 

1879 




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REVUE 



DES 



DOCUMENTS HISTORIQUES 



PIERRE MICHON 



DIT L'ABBÉ BOURDELOT 



Pierre Michon, né â Sens le 2 février 1610, était fils d'un chirur- 
gien et descendait, par sa mère, de Théodore de Bèze. Il vint étudier la 
médecine à Paris, auprès de ses oncles maternels, Jean et Edme Bour- 
delot, dont l'un était maître des requêtes de Marie de Médicis et l'autre 
médecin de Louis XIII. Ceux-ci l'adoptèrent et lui donnèrent leur nom. 
En 1637 il fut attaché en qualité de médecin à la personne du prince 
Henri II de Condé, mais il ne fut reçu docteur qu'en 1642. Neuf ans 
plus tard, en i65i, Saumaise le fit appeler à la cour de Suède : Bour- 
delot donna ses soins à la reine Christine, qui le prit pour premier 
médecin et lui fit obtenir l'abbaye de Massay. Ayant reçu du pape 
Urbain VIII les dispenses nécessaires pour posséder des bénéfices et 
s'étant engagé à exercer gratuitement la médecine, il ne fut plus connu 
désormais que sous le nom d'abbé Bourdelot. 

Bourdelot aimait les lettres et, dès 1645, dans l'hôtel de Condé, où 
TOME 1. 1 



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2 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

il logeait, il tenait des réunions de savants et d'écrivains. Aussi, lors- 
qu'il fut à la cour de Suède, entretint-il une correspondance active avec 
ses anciens commensaux. De plus, il savait faire valoir auprès de sa 
souveraine les œuvres et la personne des lettrés français. Ménage et 
Côstar étaient parmi ceux-là. Ménage avait une réputation presque 
universelle de savant et d'e'rudit, grâce à ses Origines de la langue 
française. Pierre Costar passait pour un écrivain de haut mérite, et les 
beaux-esprits de l'hôtel de Rambouillet le comparaient à Balzac et à 
Voiture et vantaient ses moindres productions. 

Cependant Christine avait abdiqué la couronne en 1654 et s'était 
retirée à Rome. Là, prise d'ennui, elle profita de sa liberté pour venir 
en France (i656). Bourdelot l'accompagna. Le séjour de la reine fut 
court cette fois; Tannée suivante, elle revint, mais, sur l'invitation de 
Mazarin, elle dut s'arrêter à Fontainebleau. Elle s'installa dans le châ- 
teau, en attendant l'autorisation de se rendre à Paris. C'est pendant ce 
séjour qu'elle fit tuer, le 10 novembre 1657, son grand écuyer, Monal- 
deschi, qu'elle accusait de trahison. La nouvelle de ce meurtre fut mal 
accueillie à la cour de France et l'invitation de venir à Paris fut dif- 
férée (1). 

Dix jours après ce tragique événement Bourdelot écrivit à Ménage 
pour lui dire combien la reine Christine avait goûté son dernier ouvrage, 
sans doute les Poemata, publiés en i656. Puis, parlant du meurtre de 
Monaldeschi en termes singuliers, il demanda à Ménage son avis sur 
cette sanglante exécution, ce qui montre combien Christine craignait 
d'être désapprouvée. On sait que la disgrâce de la reine de Suède dura 
peu; Christine obtint la permission de venir à Paris; elle arriva 
le 24 février i658 et fut logée au Louvre, dans l'appartement du 
cardinal Mazarin. 



Monsieur, 

Nostre voyage à Paris se diffère, mais je ne puis différer à 
vous doner avis de la bonne réception que la Reine de Suède 
a faitte à vôstre livre. Elle, qui n'a pas acoustumé d'admirer 
beaucoup de choses, ne s'est peu tenir de dire qu'elle n'a 
jamais veu persone avec une si grande variété de doctrine,' qui 

(ij Cf. les Mémoires de Mademoiselle de Mootpensier et de Madame de Motteville. 




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PIERRE MICHON, DIT l'à'BBÉ BOURDELOT 3 

escrive de touttes matières exactement et délicattement. Elle a 
receu la lettre et les œuvres de M. Costar. Elle leut la lettre 
en présence de M. Gilbert et demoy. Il y a des endroits fort 
délicats et très bien escris. M. de Gillebert(i), entre les mains 
de qui elle fat mise, y doit avoir fait réponse, car il n'apartient 
qu'à un autheur célèbre d'entreprendre de répondre à un au- 
theur d'un mérite si sublime. Sa Majesté a souvent entre les 
mains les livres de M. Costar, et, en vérilé, il a toutte l'élo- 
quence et le tour galand de Balzac et de Voiture. Il a peut 
estre plus de doctrine. C'est un jugement que je laisse aux 
doctes, sur tout à vous, qui estes le maistre des doctes et le 
dictateur des gens de lettres. Vous estes Tune des curiosités 
qui attire la Reine à Paris, mais j'ay peur qu'un malheur 
arivé d'une trahison punie ne nous retarde. Si tant estoit, 
vous fériés bien un tour à Fontainebleau. Après que le Roy y 
sera venu, il n'y aura rien à craindre, car Régis ad exemplum 
totus componitur orbis. Je voudrois bien vous avoir entre- 
tenu sur toutte l'avanture du Monaldeschi, sur ce qui s'en est 
dit, mais sur tout sur ce que vous en dittes. Vous estes 
omniscive jurisconsulte, historien, politique. Mandés moy 
quelques nouvelles de Madame la Marquise d'Orvilers et 
asseurés M r et M° la présidente Amelot (2) de mes obéis- 
sances. C'est une persone toutte à vous qui vous en prie. 
J'espère que l'affaire que vous scavés et où vous avés fait des 
merveilles se terminera à Fontainebleau. Témoignés bien ma 
gratitude à l'homme de la rue de l'Eperon et asseurés noz 
amys de mes services. J'ay receu du préadamite de grands 
baisemains pour M 1 " 8 Launay et Bouillaud (3) et pour vous. Je 
croy qu'on l'aura à Paris, où il désire venir ardemment, 

(1) Gabriel Gilbert, poète dramatique, né versjôio, mort vers 1680, était secrétaire des 
commandements de Christine de Suède. H fit une Rodogvne, comme Corneille, et, avant 
Racine, une Phèdre, sous ce titre bizarre : Hippolyte, ou le garçon insensible. 

{*) Charles Amelot, seigneur de Gournay, président au Grand Conseil, né en i6ao, mort 
en 1671. 

(3) Probablement Ismael Boulliau, le célèbre astronome. 



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4 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

comme tout fideile chrestien doibt faire. Il baise aussi les 
mains à M. Falmonet (?). Rendes luy tous ses bons offices, 
comme aussi à M" de la Motte le Vayer père et fils (1), les 
véritables images de la candeur. Adieu, c'est 




A Fontainebleau, ce 20 novembre 1667. 
A Monsieur, Monsieur l'abé Ménage, demeurant au cloistre 
nostre Dame près du puis, à Paris. 

Bourdelot quitta le service de Christine et revint à Paris, où il recom- 
mença ses réunions littéraires. Il mourut dans cette ville le 9 fé- 
vrier i6S5, à l'âge de soixante-quinze ans. 



(1) François de lt Mothe- Le- Vayer, écrivain et philosophe, membre de P Académie fran- 
çaise, né en i588, mort en 1673. — Il n'eut qu'un fils, l'abbé Le Vayer, auteur d'une 
traduction de Ftaus, mort en 1664. C'est à cet abbé que Boileau dédia sa IV* satire. 



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MICHEL DE. CHAMILLART 



Michel de Chamillart, contrôleur général des finances en 1699 et 
ministre de la guerre en 1701, avait recueilli tout à la fois l'héritage 
de Colbert et de Louvois. Il n'avait ni les talents ni l'intelligence néces- 
saires à ces importantes fonctions, mais son honnêteté, sa modestie et 
son esprit borné (1) lui valurent et lui conservèrent la faveur du Roi, qui 
se complaisait à diriger et à instruire son ministre (2). C'est sous l'admi- 
nistration de Chamillart qu'éclata cette guerre de la succession d'Es- 
pagne, qui amena la coalition de toute l'Europe contre Louis XIV. 
Jamais, depuis Charles VII, la France n'avait été si en péril. Menacée 
de démembrement, dévastée par la guerre et par la famine, elle sem- 
blait bien près de sa ruine. Le vieux roi n'en conserva pas moins une 
fermeté et une grandeur dignes d'admiration. Actif et vigoureux, mal- 
gré son grand âge, c'était au retour de parties de chasse qu'il s'enfermait 
dans son cabinet avec Chamillart et qu'il dressait des plans de cam- 
pagne et expédiait des ordres à ses généraux. En 1 708 il résolut de 
mettre son petit-fils le duc de Bourgogne à la tête de l'armée de Flandre. 
Ce prince partit le 14 mai, passa par Cambrai, où, malgré la défense 
du Roi, il causa longuement avec son ancien précepteur Fénelon, et 
rejoignit à Valenciennes le duc de Vendôme (3). Le début de la cam- 
pagne fut heureux. Gand fut enlevé par surprise (4 juillet) et Bruges 
occupé peu après, mais le 1 1 juillet l'armée essuya, à Audenarde, un 
grave échec, et elle battit en retraite dans le plus grand désordre. Les 
conséquences de ce revers furent désastreuses. L'Artois et la Flandre 
furent envahis. Le duc de Marlborough et le prince Eugène investirent, 
le 1 1 août, Lille, que le maréchal de Boufflers était venu défendre. 
Pendant ce temps le duc de Vendôme et le duc de Bourgogne restaient 
inactifs à Lawendeghen, derrière le canal de Bruges. Louis XIV, que 
le siège de Lille préoccupait fort, donna l'ordre au duc de Vendôme de 

(1) Louis XIV ne s'abusait pas sur les talents de son ministre. Il dit on jour au maré- 
chal de Berwick : « Chamillart croit en savoir beaucoup plus qu'aucun général ; mais il 
n'y entend rien do tout • [Mémoires de Berwick, coll. Micbaod, t. XXXII, p, 394). 

(s) Mémoires de Saint-Simon, éd©« Régnier, t. II, p. a3o. 

(3) Mémoires de Saint-Simon, t. VI, p. aS. 



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6 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

marcher an secours de cette ville! Celui-ci se décida enfin à se rappro- 
cher du maréchal de Berwick. Les deux armées opérèrent leur jonc- 
tion le 3o août, mais Berwick, qui croyait de sa dignité de ne pas 
servir sous les ordres du duc de Vendôme, refusa désormais tout com- 
mandement et se borna à rester auprès du duc de Bourgogne (i). 
Malgré ces dissensions, on marcha vers Tournay, où on passa l'Escaut 
le 2 septembre, pour arriver deux jours après à Mons-en-Puelle. 

Cependant, à la cour, l'anxiété était extrême. On s'attendait à une 
bataille décisive contre Marlborough, chargé de protéger l'armée qui 
assiégeait Lille. On savait que les ennemis, qui ne pouvaient tirer leurs 
approvisionnements que de Bruxelles et d'Ostende, seraient en grand 
péril si on réussissait à intercepter leurs convois, et on ne doutait pas que 
le duc de Vendôme ne manœuvrât en conséquence. Le Roi avait prescrit 
aux évêques de faire des prières publiques ; la duchesse de Bourgogne 
passait ses nuits à la chapelle et les femmes qui avaient leurs maris à 
l'armée ne bougeaient plus des églises. Madame de Maintenon avait 
consulté le maréchal de Villars sur les moyens de sauver Lille, et celui-ci 
avait conseillé, par sa lettre du 23 août, soit de s'emparer d'Audenarde, 
pour couper la retraite à l'ennemi, soit de livrer une bataille, rappelant 
la grande maxime de Turenne « qu'il faut combattre pour sauver les 
places importantes, parce que si vous ne combattez pas pour les pre- 
mières, il faut, malgré que Ton en ait, combattre pour les secondes (2). » 
Louis XIV expédiait de nombreux courriers pour hâter le moment de 
la bataille. Il envoya même Chamillart juger en personne de la situa- 
tion. Le ministre quitta secrètement Versailles le vendredi 7 septembre 
à huit heures et demie du soir, et arriva à Mons-en-Puelle le lendemain 
soir à six heures (3). Aussitôt il assembla un conseil de guerre et récon- 
cilia Berwick avec Vendôme, et ce dernier avec le duc de Bourgogne. 
Le 9, il alla reconnaître, avec les généraux, les retranchements des 
ennemis ; mais, après une marche inutile et une canonnade plus violente 
qu'efficace, il fallut renoncer à rien entreprendre de ce côté contre 
Marlborough. L'armée française battit donc en retraite et vint camper 
le 17 près de Tournay. Ce même jour Chamillart repartit et il arriva 
le lendemain 18 à Versailles, pendant le souper du Roi. Celui-ci tra- 
vailla avec son ministre jusqu'à son coucher. De nouveaux plans furent 
conçus, d'après les renseignements apportés. On conclut à la nécessité 

(1) Cf. Mémoires de Berwick et de Saint-Simon. 

(3) Mémoires de Villars, coll»» Michaud, t. XXXIII, p. 172. 

(3) Mémoires de Saint-Simon, t. VI, p. 1 38 ; — Mémoires de Berwick, p. 399. 



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MICHEL DE CHAMILLART 7 

d'intercepter les convois destinés à ravitailler les assiégeants. Chamil- 
lart transmit, le 25 septembre, au duc de Vendôme les instructions 
royales à ce sujet. Voici le texte de cette importante dépêche (1) : 

A Versailles, ce 25 septembre 1708. 

J'ai rendu compte au Roy, Monseigneur, de ce que vous 
aviés pensé pour vous raprocher de Lisle par la plaine en 
profitent de Pesloignement de l'armée du duc de Malborouck, 
envoient deux ou trois mil hommes pour raser une partie de 
leurs lignes et faisent marcher diligament l'armée que com- 
mande M* le duc de Bourgogne. Sa Majesté est persuadée 
que le succès de ce projet estant incertain et laissent aux enne- 
mis les moiens de tirer leurs convois, dont il semble qu'ils 
ont un besoin très pressent, rien n'est plus capital que de 
suivre le projet que vous avés fait de leurs couper toute com- 
munication avec Ostende et Bruxelles. Je croi cette dernière 
place trop esloignée d'eux pour leur fournir les secours dont 
ils ont besoin. Pour le costé d'Ostende, j'advoiie qu'il me 
fait trembler. Je voudrés bien sçavoir par M r ,le comte de la 
Motte lui mesme qu'il ne craint plus rien et que les trouppes 
qui sont à ses ordres, jointes à la difficulté formée par les 
inondations, oste aux ennemis touts les moiens de commu- 
nication que j'apréhende avec tant de raison, car la prise de 
Lisle en dépend, ou la levée du siège. 

Si vous pouvés, Monseigneur, donner quelque secours à 
M r le maréchal de Boufflers, il en fera un bon usage. Je doute, 
par ce que vous avés vu vous-mesme sur les propositions que 
je lui avois faittes, que vous puissiés faire entrer ceux que 
vous enverrés. Vous devés du moins bien faire reconnoistre 
les passages par lesquels vous croirés pouvoir faire pénétrer 
les trouppes que vous lui destinerés. Je souhaite autant que 
je l'espère que M« r le duc de Bourgogne n'aura pas moins 
d'esgard à tout ce que vous lui proposerés pour le bien du 

(t) Cette lettre fait partie d'une collection qui sera vendue prochainement. 



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8 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

service que M r le Mareschal de Barwick aura de defférence 
pour vos sentiments. Je lui escris dans des termes qui lui en 
font connoistre l'utilité. Il me paroist qu'il en est persuadé. 

Si la blessure du Prince Eugenne est considérable (i) et 
qu'il n'arive point de convois d'Ostende ni de Bruxelles, vous 
verres le siège languir pendant quelques jours et se lever 
ensuitte. De sçavoir ce que deviendra Tannée ennemie, c'est 
dont on ne peut vous répondre. Je ne sçaurés croire que lors- 
qu'ils voudront se retirer chés eux, ils ne trouvent pas moien 
de passer. Ils n'ont besoin que de ponts et je croi qu'ils en 
ont à la suitte de leur armée. Peut estre sera-t-elle en bien 
mauvais estât après avoir mangé nostre pais. A cela près 
qu'ils en fussent dehors et Lisle deslivré, vous auriés bon 
marché de Menin et de Courteray, s'ils prenoient ce parti là, 
peut-estre mesme d'Oudenarde, car il y a toute apparence 
qu'il y reste fort peu de munitions. Tout dépend de la com- 
munication avec Ostende, dont vous me permettrés de vous 
dire que vous devés faire esgallement vostre objet principal, 
comme de Bruxelles. 

M r le mareschal de Tessé verra de près les mouvements 
d'Italie (2). Je croi que les Vénitiens demeureront neutres 
jusques à la paix. Je lui ferai part de ce que vous pensés sur 
les offres que l'on pourroit leurs faire. 

Je suis, Monseigneur, avec un très profond respect, 
Vostre très humble et très obéissant serviteur 




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(1) Je n'ai pas trouvé, dans les Mémoires, la mention de cette blessure du prince 
Eugène. C'était, sans doute, un faux bruit. L'illustre capitaine fut blessé, l'année suivante, 
à Malplaquet. 

(2) Le maréchal de Tessé avait été nommé plénipotentiaire du Roi à Rome et pour toute 
l'Italie, et il était parti pour sa mission le i» septembre. (Cf. Mémoires de Saint-Simon, 
t. VI, p. n5etu6.) 



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MICHEL DE CHAMILLART 9 

Depuis ma lettre escritte, Monseigneur, le Roy m'a ordonné 
de vous dire que si les ennemis ne tirent aucuns convois 
d'Ostende ni de Bruxelles, ils se trouveront dans une néces- 
sité absolue de se retirer et qu'ils ne peuvent passer Y Escaut 
ni le canal de Bruges sans s'exposer à une perte entière de 
leur armée. Mais sa Majesté se persuade qu'ils pourroient, 
en prennent une prompte résolution, vou6 gagner de quelques 
marches, s'ils se déterminoient à marcher du costé de Cam- 
bray. Vous auriés bien plus de chemin à faire qu'eux pour 
leurs barrer l'entre Sambre et Meuse. C'est une vetie qui peut 
estre esloignée et qui peut se raprocher, dont vous ferés 
usage, si le cas y eschet. Je m'acquitte de l'ordre que j'ai 
receu. 

Cette dernière phrase semble indiquer que Chamillart n'approuvait 

pas les ordres du Roi. Quoi qu'il en fût, les instructions données au duc 

de Vendôme demeurèrent sans effet (1). Le comte de la Mothe, dont 

Chamillart attendait si impatiemment des nouvelles, attaqua avec des 

forces considérables, le 28 septembre, à Winindall, un convoi venant 

d'Ostende, mais l'expédition fut si mal conduite, que les Français furent 

repousses et que le convoi vint ravitailler larméede Marlborough (a). 

Aussi, malgré une défense héroïque, le maréchal de Boufflers dut capl* 

tuler dans Lille le 22 octobre tyoB. Le mois suivant, la retraite de 

l'armée du duc de Vendôme termina cette désastreuse campagne, qui 

ne fut que le prélude des terribles revers que la France essuya pendant 

les années suivantes et dont elle ne se releva que par U victoire de 

Denain. 



0) Vuici le jugement ponc sur le duc de Vendôme par les Mèmoiret du duc de Nomtl- 
iet, toit. Michaud. t. XXXIV, p 106 ; 

* Vendôme joignait à ses talens militaire* et à son courage héroïque d*t déliuti tr*t 
dungtrcuji, la négligence et la mollesse hors de radian, et une »cgmïv« confiance qui 

emptfchwt de prévoir les dangers, de prendra tonte» Le» mesure* convenable*. • 
U] Mémoires de Saint-Simon, t. VI, p. 55?. — Mémoires Je Berwick, p« 400, 



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FRÉDÉRIC III 



ROI DE NAPLES 



Vers la fin de l'année 1493 Charles VIT! se prépara à conquérir le 
royaume de Naples, dont il revendiquait la souveraineté. Le vieux roi 
de ce pays, Ferdinand I w , déploya une grande activité pour résister à 
cette invasion, mais il ne put supporter tant de fatigues et de préoccupa- 
tions, et il succomba le 25 janvier 1494, laissant la couronne à son fils 
aîné, Alphonse II. Celui-ci, désespérant sans doute de pouvoir résister 
aux Français, abdiqua le pouvoir en faveur de son fils Ferdinand II, 
le 23 janvier 1495, et se retira en Sicile, où il mourut le 19 novembre 
suivant, au moment d'embrasser la vie monastique. Pendant ce temps 
Ferdinand II défendait bravement ses États, mais, abandonné par ses 
sujets, il quitta Naples, où Charles VIII entra triomphalement le 22 fé- 
vrier 1495. Mais, lorsque ce dernier repartit pour la France, Ferdi- 
nand II, revenu d'Ischia, où H s'était réfugié, parvint à rentrer dans 
Naples le 7 juillet 1495. Il mourut le 7 septembre de Tannée suivante. 
Il ne laissait pas d'enfants, et son oncle Frédéric III (1) recueillit cette 
succession, peu enviable, d'ailleurs. Pendant les cinq ans que ce prince 
passa sur le trône, il n*eut que misères et déceptions. Menacé par les 
Français, il sollicita le secours de son parent Ferdinand le Catholique, 
mais ce souverain, tout en envoyant des troupes commandées par Gon- 
xalve de Cordoue, conclut avec Louis XII un traité secret par lequel 
ces deux monarques se partageaient le royaume de Naples. Au moment 

(1) Frédéric III était le «•oond i]« de Ferdinand I** et le frère d'AlphûOK IL 




FREDERIC III, ROI DE NAPLBS I I 

décisif le traité fut divulgué et Frédéric III, obligé de se défendre à la 
fois contre ses alliés et contre ses ennemis, dut céder à la force. Juste- 
ment indigné de la trahison des Espagnols, il se soumit, en août i5oi, 
à Louis XII, qui lui donna un sauf-conduit pour se rendre en France. 
Là, Frédéric III reçut un accueil courtois de son vainqueur, qui lui 
assura cinquante mille livres de rente sur le duché d'Anjou, à condition 
de ne pas quitter )a France (i). Le roi déchu résida, dès lors, au Plessis- 
lez-Tours. C'est de ce château qu'il écrivit à Anne de Bretagne la lettre 
suivante, qui témoigne des égards qu'on avait pour Frédéric III (2) : 

Madame, je me recommande tant et si humblement que 
faire puis à vostre bonne grâce. 

Madame, j'ay sceu plusieurs foiz par mon chambellan et 
mesmes par mon secrétaire, présent porteur, le bon vouloir 
que avez à moy et le bon et gracieux recueil et responce que 
leur faites quant ilz vont devers vous pour mes affaires, dont 
très humblement . et de tout mon cueur vous mercie. Car, 
Madame, je vous asseure que vous estes tout le confort et 
espérance de moy, de ma femme (3) et de mes enfans (4), qui 
très humblement se recommandent à vostre bonne grâce. 

Madame, ma maladie de goûte m'est, Dieu mercy et vous, 
bien alégée, et treuve vostre maison tant belle et plaisant que 
merveilles. Touteffoiz ma femme s'est trouvée depuis sept ou 
huit jours encza chargée de maladie de rains et de reyme, 
mais, Dieu mercy, il luy est fort amendé, et font mes enfans 
bonne chière. 



(1) On trouve dans le Loyal serviteur (coll. Mi chaud, t. IV, p. 5ia) ce passage sur 
l'arrivée du roi de Naples en France : « Il fut reçeu très bien du Roy; et luy fut baillé la 
duché d'Anjou et d'autres terres, suyvant la composition faictc, et dont il a jouy jusques 
à sa mort. Depuis, sa femme ne rat pas trop bien traictéc, dont il me semble que ce fut mal 
fait, et pour une femme de roy a esté depuis ▼eue en grande nécessité. • 

(2) L'original de cette pièce est actuellement en ma possession. 

j (3) Isabelle, dite Eléonore, fille de Pierre de Baux, duc d'Andria, seconde femme de 

< Frédéric IU. 

(4) Les enfants de Frédéric m étaient : Ferdinand, duc de Calabre ; Alphonse, dit l'in- 
ant d'Aragon ; César et deux filles. Les quatre derniers seuls devaient être avec leur 
père, car le duc de Calabre était prisonnier en Espagne. (Cf. Art de vérifier les dates.) 




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Il REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Vous suppliant* Madame* qu'il tous plaise nous avoir 
toujours en vostre bonne recordation et souvenance, et me 
mander de vostre bonne prospérité et santé. 

Madame, je prie au benoist filz de Dieu vous donner très 
bonne vie et longue. Escript au Plessi le pénultième jour de 
juing. 



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Bord ier. 
A la Royne. 



Frédéric III île survécut pas longtemps à sa défaite. Il mourut au Ples- 
sis-lès-Tours, d'une fièvre quarte, le 9 novembre 1 504, Il n'avait que 
cinquante-deux ans (1). Il fut inhumé dans le couvent des Minimes 
et ce fut Saint François de Paule qui reçut le corps. Aucun des enfants 
du second lit ne laissa de postérité, mais une fille, Charlotte, que Fré- 
déric III avait eue de sa première femme, Anne de Savoie, fut mariée, 
en 1 5oo, à Gui XVI de Laval et lui laissa un fils et deux filles. Une 
"d'elles, Anne, épousa, en 1 5i 1 , François de La Tremoille, prince de 
Talmont, et c'est par cette illustre maison que s'est perpétuée la des- 
cendance des rois de Naples de la maison d'Aragon. 



(1) On lit dans le Loyal terpiteur, p. 55a : « On dit an mourut dorop Fédérie d'Arre- 
goa, an Plessis-1e*-Tours, jadis roy de Naples, qui fut le dernier delà lignée de Pierre 
d'Arragon, lequel sans raison ny moyen usurpa le dit royaulme de Naples. » 



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MADEMOISELLE CLAIRON 



Claire-Josèphe-Hippoly te Legris de Latude, née à Saint- Wanon de 
Condé (Flandre), en 1723, embrassa , dès sa jeunesse, la carrière 
théâtrale, où elle s'illustra sous lé nom de mademoiselle Clairon. Dès 
Tâge de douze ans, en 1 736, elle monta sur les planches, et Tannée 
suivante elle fut engagée au théâtre de Rouen, d'où elle alla à Lille, à 
Gand et à Dunkerque. Ce qu'elle fit pendant ces années de Jeunesse, il 
ne faut en demander le secret ni aux violentes exagérations du pamphlet 
qu'un amant éconduit publia contre elle (1), ni aux vertueuses protes- 
tations des Mémoires que Clairon rédigea dans son âge mûr (2). Suivant 
l'auteur de l'Histoire de Fretillon, la jeune comédienne se livra à 
toutes les débauches, avec l'approbation de sa mère ; selon les Mémoires, 
elle ne prit un amant que tard et seulement pour échapper à un ma- 
riage qu'on voulait la forcer de contracter avec un malotru. Seule, la 
correspondance de Clairon pourrait soulever le voile et nous foire 
connaître la vérité. Mais que sont devenues ces feuilles où la future 
tragédienne épanchait les secrets d'un cœur trop ardent? La plupart 
ont été détruites, mais non pas toutes. J'ai eu l'heureuse fortune de 
retrouver quatre de ces lettres d'amour. Les trois premières, d'un style 
ardent mais d'une écriture malhabile et d'une orthographe fantaisiste, 
ont été adressées au baron de Besenval, capitaine dans le régiment des 
gardes-suisses. Elles furent scellées d'un cachet représentant deux tour- 
terelles, avec cette devise caractéristique : Virons unis» 

Clairon, âgée de dix-huit à vingt ans au plus, avait, on le voit, payé 

(1) Histoire de mademoiselle Cronel dite fretillon, actrice de la Comédie de Rouen 
écrite par elle-même; La Haye, 1740, in-ia en 3 parties. — Ce pamphlet est orné d'un 
portrait de fantaisie an-dessous duquel on lit ces quatre rers ; 

SUnpUciter tibl me, quodcumqne est, dicere oportet; 
Nature est quonism, semper aperta mihi. 
Quisquis habet nummos securâ naviget aurft : 
Quod peto si dederit, qnod petit accipiet 
(s) Mémoires SHyppolite Clairon et réflexions sur tart dramatique publiés par elle- 
même; Paris, Buisson, an VII, in-8. 



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14 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

son tribut à l'uniforme. Ce n'est pas impunément qu'on obtient des suc- 
cès dramatiques dans une ville de garnison. Son amant, d'ailleurs, 
était jeune et brave; dès l'âge de neuf ans, il était entré dans le régi- 
ment des gardes-suisses, dont son père était colonel, et i treize ans il 
avait fait la campagne de 1735. D'un caractère violent (1), il était jaloux, 
et sa liaison avec Clairon ne fut sans doute pas sans orages. Ses amours 
ne l'empêchèrent pas de poursuivre brillamment sa carrière militaire; 
il devint général et joua un rôle dans les premiers événements de la 
Révolution française. 

A l'époque de ces folles amours, mademoiselle Clairon n'avait pas 
encore débuté à la Comédie-Française. Ses lettres sont donc antérieures 
à 1743, date de ses débuts. La première, écrite le 25 novembre à Be- 
senval, est des plus curieuses. La dernière phrase surtout est caracté- 
ristique et justifierait peut-être l'épigramme de Saint-Foix contre 
Clairon (2) : 

Pour la fameuse Frétillon 
On a frappé, dit-on, un médaillon ; 

Mais, à quelque prix qu'on le donne, 
Fût-ce pour douze sous, fût-ce même pour un, 
Il ne sera jamais aussi commun 
Que le fut jadis sa personne. 

Ce ving cinq novembre. 

Tu ne dois pas estre étoné si je cherche à te prouver à quel 
point tu m'es cher, et tu me le deviend de plus en plus. Je 
suis au désespoir que tu n'ais pas voulu me permetre d'aler 
te voir à Lisle. Quel que plaisir que Ton s'éforce de me faire 
goûter, je sens bien qu'il me menque quel que chose. Je suis 
persécuté, mais je te promest que c'est très inutilement. Aucun 
de ceux que je vois ne merevien. Il et très certain que tu m'as 
gattélegout. Je suis très lié avec M r de Gustine, et cependent 
je le trouve plus mausade de jour en jour. Je conte aller à 
Paris dans peux. J'en resens un plaisir extrême puis que je 
suis sure de rt voir. Si tu veux en cor le redoubler, mende 

(1) Cf. lt notice d'Alex.-Jos. de Ségor placée en tête des Mémoires du baron de Besen- 
val, publiés chez Boisson en i8o5, 3 roi. in-8. 
(s) Correspondance de Grimm, lettre du i5 février 1765. 



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^. 




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f. • 



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MADEMOISELLE CLAIRON l5 

moi que ton impasience est egalle à la mienne. Mais je crains 
de te demender plus que tu ne peut promette, mais n'inporte. 
Le moindre désir de ta part fais plus pour moi que tous le 
reste du monde. Je suis au désespoir que tu ne te porte pas 
mieux. Ménages toi. Je te le demende en grâce. Pour moi 
cela va assé bien. 

Adieu, cher amis. Donne moi souvent de tes nouvelles. 
Elles me fond un plaisir que je ne puis t'exprimer. Je ne sais 
pas comme cela ce fait : j'ais plus de plaisir maintenent à 
oestre fidelle, sans même que tu le désire, que je n'en avoîs 
autre fois à faire une infidélité. 

Clairon. 

A Monsieur, Monsieur le baron de Besenvald, cap* dans le 
rég* des gardes suisse, à Lisle. 

La seconde mentionne une rupture avec un de ses amants et donne 
un rendez-vous à Besenval (i). 

Cher amis, je conte avoir le plaisir de te voir vendredi. 
J'ais ronpu avec Monsieur de Fierville. Je t'en dire les raisons 
lors que je te veray. J'irés finir mon année à Dunkerque, où 
je pourés peuestre avoir le plaisir de te voir. Je te pris de me 
garder le segret. Je n'ais pas le tens de t'en écrire davantage. 
Adieu jusqu'à vendredi. Je te conjure de m'aimer toujour. 

Clairon. 

A Monsieur, Monsieur le baron de Besenvald, cap 1 dans 
le rég* des gardes suisse, à Douay. 

La troisième, dont je ne connais malheureusement qu'un fragment, 
semble témoigner d'une certaine froideur dans leurs relations, au moins 
de la part du jeune capitaine. 

Cher amis, tu m'a rendu la vie par la letre que tu m'as 
écrite. Je n'espérois plus recevoir de tes nouvelles ; tu dois 

(i) Ces deux lettret ont été vendues en 1878. Elles font maintenant ptrtie de la belle 
collection de M. Alfred Morrison, de Londres. 



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l6 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

l'avoir vu par ma dernière. Je conte t'aler remercier dans 
peu de ne m'avoir donné que la peur de ton changement. Au 
nom de Dieu ne me mest plus à de pareilles épreuves ; je 
t'aime trop pour n'en pas estre alarmé...* Je te charge de 
bien des choses, mais quelque obligation que je te puise 
avoir, nous ceron toujour en reste, car ton amour est bien 
inférieur au mien (i) 



\ 



La quatrième lettre est, je crois, postérieure aux premières (2). Elle 
est adressée à un autre de ses amants, le comte de Pontvelle, à qui elle 
avait fait une infidélité. Ce comte de Pontvelle ne serait-il pas Antoine 
de Ferriol, comte de Pont de Veyle, qui fut plus tard l'ami de ma- 
dame Du Deffand? 

De Fontainnebleaux, ce 27 septembre. 

J'ai étai obligé de partir dimanche parce que j'ai joué hier 
mardy dans la petitte pièce. Je suis bien fâchés de n'avoir pas 
pu vous voir. La conversation que nous avons eu ensemble 
m'a soulagé. Je suis plus tranquil à présans et je sans que je 
suis bien loin d'estre ce que l'on vouloit que je fuse. Je suis 
partie sans voir l'homme que vous scavez et je croit que je ne 
le vairai pas davantage à mon retour. Je vois bien que mon 
heur n'est pas encor arivée, puis que l'idée de tout abandon 
m'a causé tant de penne. Ce que j'ai soufert ne ce quonsoit 
pas. J'ai eu le cœur déchiré. La penne que j'ai du vous Caire 
a étai mon plus grand chagrin. Vos sentiments pour moi 
doivent estre efacé. Je le sans, mais au moins je mérite votre 
amitiée. Ne me la refusé pas. Dans tous cesy je suis plus 
malheureuse que coupable. Donné moi des nouvelle de votre 

(1) Cette lettre, qui trait trois pages fo-40, t fait partie de la cottection Dolomieu et 
elle a été vendue en 1843. Je publie ce fragment d'après le catalogue. (Cf. V Amateur 
d'autographes, «• 57, p. 137.) 

(3) L'original de cette lettre est entre met mains. 



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MADEMOISELLE CLAIRON 17 

santé et soyé seur que malgré tous ce qui c'est pacé, elle m'a 
toujours étai bien chère. 

Monsieur, Monsieur le comte dé Pontvelle, dans le fau- 
bourg Saint-Honoré, à Paris. 

A la suite de ces piquantes épîtres de la jeunesse de Clairon, j'en 
publie une autre qui date de la période où la grande tragédienne était 
au comble delà gloire. Elle est adressée au comte André de Schouvalof, 
qui fut si longtemps le Mécène des artistes et des littérateurs. L'impé- 
ratrice de Russie, Elisabeth, avait fait demander à mademoiselle Clairon 
de venir à sa cour et de transmettre la même proposition à Lekain et 
à Préville. Celle-ci, tout en remerciant la souveraine de ses avances, 
explique qu'elle n'est pas maîtresse d'elle-même et qu'elle ne pourra 
sans doute pas obtenir du roi la permission de se rendre à Saint-Péters- 
bourg. En même temps elle refuse prudemment de se compromettre 
avec ses supérieurs en transmettant à ses camarades les propositions de 
l'impératrice. 

Monsieur, 

Si j'étois maîtresse de moi-même, Pétersbourg seroit bien- 
tôt ma patrie. L'admiration de toute l'Europe pour votre 
auguste souveraine, la tendresse vive et respectueuse que je 
vois sans cesse pour elle dans le cœur de tous les Russes que j'ai 
le bonheur de conoitre, ce que j'entens publier tous les jours de 
son goût pour les arts et les talens, de sa justice, sa bienfai- 
sence, son humanité, tout me fait croire que c'est sous ses 
loix qu'il faut vivre pour être parfaittement heureux. 

Quel seroit mon bonheur, si mes foibles talents pou voient 
un jour l'intéresser, ou du moins la distraire. L'excès de 
mon zèle me permet de l'espérer. C'est une gloire qu'il faut 
que je vous doive, Monsieur, mais pour réussir, il faut pren- 
dre une autre route que celle que vous me proposez. 

Quoiqu'on vous aye mandé, je ne suis point libre ; et je 

ne puis quitter le spectacle, ni ma patrie, sans la permission 

du Roy. Il est vrai que, lassée de mon peu de fortune et des 

dépences inmences que je suis forcée de faire, j'ai menacée de 

tome 1. 3 



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l8 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

quitter tout à fait, si Ton ne mefaisoit pas un sort plus heureux. 

Lorsqu'un suget important demende sa retraitte, il faut, 
pour l'obtenir, qu'il promette de ne jamais jouer ailleurs, ou 
que Ton refuse de soulager sa misère. 

Je n'ai rien voulu prometre. 

Mes plaintes ont été seues du Roy qui, en m'acordant une 
somme d'argent, a daigné me faire dirtf par mes supérieurs, 
que mes talents lui étoient agréables, qu'il ne vouïoit pas 
m'accorder mon congé, et qu'à la paix il s'ocuperoit lui-même 
de mon sort; 

Cet espoir et de nouvelles marques de bontés me forcent à 
prendre patience. Il n'est qu'un seul moyen de me servir. 
Depuis deux ans, par des raisons trop affligeantes à rapeller, 
le Roy n'est pas venu au spectacle, et celon toutes les apa- 
rences ni viendra de lontems ; on ne le prive donc d'aucun 
plaisir en me demendant ? 

C'est à lui que j'apartiens inmédiattement, non au public. 
Il lui ait donc possible de me prêter? 

On a déjà fait des démarches infructueuses, me direz- vous? 
Cela est tout simple : M r de Lhopital a écrit à M r de Bernis 
que l'Impératrice aimoit le spectacle, et qu'il croyoit qu'on 
feroit bien de me donner la permission d'aller en Russie. Cela 
étoit beaucoup trop vague pour être accordé. Il faut, pour 
obtenir mon congé, faire écrire ou parler à M™* de Pompa- 
dour, et dire positivement que l'Impératrice me désire. 

Cette voie seulle peut me faire avoir la liberté de m'absen- 
ter un an. Si je l'obtiens, j'ose vous demender, Monsieur, 
qu'il ne soit pas question de marché; je veux prouver que 
l'amour de la gloire peut baucoup plus sur moi que l'intérêt 
Si j'ai le bonheur de réussir, il ceras bien plus flateur pour 
moi de tenir un bienfait des bontés de l'Impératrice, que de 
ne devoir mon bien être, quelqu'il soit, qu'à un engagement. 
Quand aux s™ Lekain et Préville, il m'est impossible de me 
mêler d'eux, je me perdrois dans l'esprit de mes supérieurs. 



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MADEMOISELLE CLAIRON 19 

D'aillieurs, je n'ai point ouï dire qu'ils voulussent quitter ; 
ils ne le pouroient pas plus que moi, et je suis sure que 
d'en demander plusieurs empêcherait qu'on en acordat 
aucun. 

Je réclame l'amitié que vous avés bien voulu me témoigner, 
Monsieur, pour obtenir la prefference sur tous mes cama- 
rades; vous la devez, à l'attachement que je vous ay voué, et 
à la retonnoissance éternelle que je vous promets. 



Comme on le voit par le fac-similé ci-dessus et par celui d'une des 
lettres au baron de Besenval, l'édriture de mademoiselle Clairon se 
modifia sensiblement. Incorrecte et gauche d'abord, elle devint régu- 
lière. Depuis, elle ne varia plus, et celle de la lettre au comte de Schou- 
valof est la même que celle de la touchante supplique que Clairon, 
vieille, pauvre et malade, adressa sous la République au ministre 
Chaptal, pour obtenir un secours (1). La célèbre tragédienne, qui avait 
longtemps joui de dix-huit mille livres de rente, se trouva, dans sa 
vieillesse, presque réduite à la misère. Elle mourut à Paris le j8 jan- 
vier i8o3, à l'âge de quatre-vingts ans. 

(1) Cf. V Amateur d'autographes, n° 57, p. i38, n* 7 de l'article Clairon dans le 
Manuel. 



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EXÉCUTIONS DE BRIGANDS 

EN VERMANDOIS (1479-1480). 



Les deux quittances suivantes mentionnent la pendaison, par l'exé- 
cuteur de la haute justice de Noyon, de cinq brigands et « aguecteurs 
de chemins. » Ces brigands, qui faisaient partie de la garnison d'une 
petite ville du Vermandois, Bohain(i), étaient au service du duc d'Au- 
triche, Maximilien, époux de Marie de Bourgogne et adversaire de 
Louis XI. Ils profitaient de la trêve qui existait entre les Français et 
leurs ennemis pour détrousser les passants, et ils exerçaient cette lucra- 
tive industrie entre Faillouel (2) et Saint-Quentin. 

Par devant moy Charles Grelot, tabellion royal, demou- 
rant à Chauny, fu présent en sa personne maistre Regnault 
de Faverolles, exécuteur de la haulte justice, demourant à 
Noion, et recongnut avoir eu et receu de ma très redoubtée 
dame madame la duchesse d'Orléans (3), par les mains de 
honnorable homme Jehan Laffrene, son receveur audit 
Chauny, la somme de soixante solz parisis pour son salaire 
d'avoir exécuté à la justice dudit Chauny ung nommé Adin 
Lengles, brigant et aguecteur de chemins, natif de Bran- 
court (4), estant de la garnison de Boshaing, tenant le party du 
duc d'Autriche, ennemy et adversaire du Roy nostre sire, 
lequel avoit esté prins es bois de Faillouel. De laquelle somme 

(1) Bohain est situé à 22 kilomètres de Saint-Quentin et fait actuellement partit du 
département de l'Aisne. 

(2) Village du département de l'Aisne, faisant actuellement partie de la commune de 
Frières. 

(3) Marie, femme du duc Charles, mère de Louis XII. 

(4) 11 y a, dans le département de l'Aisne, deux villages de ce nom, l'un situé à 20 kilo- 
mètres de Laon et l'autre à 18 kilomètres de Saint-Quentin. 



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EXECUTIONS DE BRIGANDS EN VERMANDOIS 21 

de soixante solz parisis il se tint pour contant et payé et en 

quitta et quitte madicte dame, sondit receveur et tous autres. 

Fait le quinziesme jour de décembre Tan mil CCCC soixante 

dix neuf. 

C. Grelot. 

Par devant moy Jehan de Behencourt, tabellion royal, 
demourant à Chauny, comparut maistre Regnault de Fave- 
roles, exécuteur de la haulte justice, demourant à Noion, et 
recongnut avoir eu et receu de ma très redoubtée dame madame 
la duchesse d'Orléans, par les mains de honnorable homme 
Jehan Laffrene, receveur dudit Chauny, la somme de douze 
livres parisis pour son salaire d'avoir excécuté à la justice 
dudit Chauny trois brigans et aguetteurs de chemins, l'un 
nommé Jaquet des Gardins, natif d'Esmery (i), l'autre nommé 
Estienne Grumelier, natif de Valenciennes, et l'autre nommé 
Perrotin Porquier, natif de Eslemons lez Lisle en Flandres, 
et aussi pour avoir décapité ung nommé Perrotin de Lon- 
champs, natif de Proimont (2), estant en l'obéissance du Roy 
nostre sire, estans tous de la garnison de Bohaing, tenans le 
parti du duc d'Autrische, annemys et adversaires du Roy 
nostredit sire, lesquelx avoient esté prins es bois de Faillouel 
aguectans les chemins entre ledit Failloeul et Saint-Quentin. 
De laquelle somme de douze livres parisis il se tint pour con- 
tent et en quitta et quicte madicte dame, sondit receveur et 
tous autres. Fait le dix septiesme jour de janvier de l'an mil 

CCCC soixante dix neuf (3). 

J. Behencourt. 

(1) Probablement Esmery-Haillon, village du département de la Somme, situé i 26 kilo* 
«êtres de Péronne. 

(s) Probablement Prémont, village du département de l'Aisne, situé i 22 kilomètres de 
Saint-Quentin. 

(3) 1480, n. s. 



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DÉPENSES DE LA DUCHESSE D'ORLÉANS 

1751-1756 



J'ai recueilli trois documents qui concernent des dépenses faites par 
Louise-Henriette de Bourbon-Conti, duchesse d'Orléans, grand'mère 
du roi Louis-Philippe (1). Ces pièces fournissent de curieux renseigne- 
ments sur l'histoire intime du xvm* siècle. La première mentionne des 
dépenses de diverse nature faites d'avril à novembre 1761 par la 
duchesse, qui a revêtu ce mémoire de sa signature. 

Mémoire des dépences que D'Herboisafaistpour Madame. 

Du premier avrille 175 1. Randu à Lacroix. . . » 8 

Du 2. Du papier vert » 12 

Du 23. Une père de boucle de diaman 18 » 

Du 2 may. Despeignes 12 » 

Un • carosse de Paris à Bagniolest 6 » 

Du 8. Une boete pour tourné les piez 2 » 

Du 20. Des cordes pour aller à Lussienne. . . 2 8 

Du 22. Randu à Boi vin pour les peauvres. . . 3 •» 
Du 24. Randu à Boivin 3 "• qui a dépensé à la 

montagne de Chanttecot 3 » 

Du 25. Faist copiez un placet 1 4 

Du 26. Des verre. . • : • » 2 

Du 29. Un carosse 3 » 

Des cordes de viollon 3 : » 

(1) Elle avait épousé, le 16 décembre 1743, Louis-Philippe, duc d'Orléans, et elle mourut 
le 9 février 1759. 



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DÉPENSES DE LA DUCHESSE D'ORLÉANS 23 

Juin. 

Du 29. 2 pot de patte à la vanille et un paquet 

deTibereuse 12 » 

Un carosse 3 » 

Au vielleur 3 » 

Aoust. 

Du 2. Au Tanbour 24 » 

Du 3. Des fleurs » 12 

Du papier » 12 

Un fiacre 3 » 

16 1/2 taffeta chiné à 9 "• 148 10 

Septembre. 

Du 12. Un grand ballon d'écaillé 6 » 

Du 17. Donné au messie de Boullogneet Saint- 

Cloud 12 » 

Donné à un homme de Bagniolest pour des 

pêches 6 » 

Du 18. Au jardinié du curé de Bagniolet. ... 3 » 

Octobre. 

Randu à François pour avoirefaist racommodé 

le métiez de Madame 1 16 

Du 28. Un carosse 3 » 

Du 29. Du papiez Tellier '3 » 

' Du 3o. Une ponpe et une bouteille 1 10 

De la grainne d'oisseaux » 12 

Novembre. 

Du 4. Trois livres de tabac, dont deux à cent 
sols et une à quatre livres 14 » 

Une carosse de Paris à Saint-Cloud, pour 
aller chercher des cassette à Madame, les aportté 
à Paris 7 4 



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24 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

A la couturière qui a faist les deux robes de 
chambre de Mademoiselle Dechamps. La façon, la 
doublure, les ruban et les découpures 3o 



Totalle 337 11 - i3 



><y*9\* 



J'ay reçue de Madamme la duchesse d'Orléans par les mains 
de Monsieur de Pallerme la somme de trois cent trante sept 
livre quinze sols pour le montand du présent mémoire, A 
Paris ce i er décembre 1751. 

D'Herbois. 

Le second mémoire comprend la fourniture d'une polonaise et d'un 
fond de bonnet faite à la duchesse d'Orléans le 4 février 1756. 

Fourni pour Son Altesse Sérénissime Madame la Duchesse 
d'Orléans, par Alexandre, m 4 à Paris, rue de la Monnoye. 

Du 4 février 1756. 

Une polonnoise en blonde de chenille et agrément bleu et 
blanc et garnie de glands, chamaréé en robe ouverte, sur une 
robe de satin gros bleu brodé des Indes, les manches en en- 
gagentes avec un second rang de milieu en une blonde, le 
compère garni, les neux de manches et des pompons pour la 
tête 120 n - 

Un fond de bonet avec des barbes rondes en 
blonde de chenille et agrément, le fichu pareil. . . 33 

i53 



Ce même mémoire a été signé par M dt la duchesse d'Or- 
léans. On le représentera quand Monsieur Païenne voudra ; 
il est entre les mains de M de de Blot. 



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DÉPENSES DE LA DUCHESSE D'ORLEANS 25 

La troisième pièce est un mémoire d'ouvrages de couture faits pour 
la même duchesse. La mention d'une robe Pompadour témoigne de 
l'influence que la toute-puissante marquise exerçait sur les modes de la 
Cour. 

Pour Son Altesse Sérénissime Madame la Duchesse d'Or- 
léans. 
Mémoire des débourcés et ouvrages de couture faites par 

Bellier. 
Pour une robe garnie de poil de cerf sauvage, 

débourcé 3 aunes et demi de taffetas de 17 10 

Avoir fait découper 21 peaux par bandes pour 

garnir la dite robe 12 » 

Façon de la dite robe i5 » 

Avoir fourny la parure de la dite robe de. . . 12 » 
Pour une robe dite de livret, débourcé 40 

aunes d'agrément en chenille à 8 sols l'aune. . . 16 » 

Débourcé pour 12 aunes de taffetas 60 » 

Débourcé pour un ouatte 5 » 

Façon de la dite robe i5 » 

Livré à S. A. S. 18 aunes de moëre à 18 livres 

l'aune 324 

Avoir fait par ordre de S. A. une robe dite 

Pompadour à M*" 6 Polignac. 
Débourcé pour son jupon de taffetas blanc. . . 3o » 
Débourcé pour découpure, parure et bouquet 1 2 » 

Façon de la dite robe i5 

Pour une parure de martre monté sur rubans. 9 » 

Total du mémoire 542 lu 10 

Le mémoire se monte à la somme de 542 1. 10s., valant 
22 louis et 14 1. 14 s. 



tome 1. 



» 



» 



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PHILIPPE V 



ROI D'ESPAGNE 



Lettre adressée par Philippe V à la marquise de Maintenon. Le jeune 
roi d'Espagne, voulant aller en Italie pour faire reconnaître sa souve- 
raineté à Naples et combattre avec l'armée franco-espagnole que com- 
mandait le duc de Vendôme, implora l'appui de la marquise auprès de 
Louis XIV. On sait que l'autorisation suivit de près la demande. 

Je vous prie, Madame, de confirmer le Roy mon grand- 
père dans la résolution de m'accorder son consentement 
pour passer en Italie. J'espère cela de l'amitié que vous 
m'avez toujours témoignée et dont je vous demande cette 
marque. L'envie que j'ay de faire ce voyage augmente tous 
les jours et depuis qu'on Ta publié j'y trouve ma gloire inté- 
ressée. Je me porte fort bien et je serai dans peu de jours en 
état de sortir et d'agir à l'ordinaire. 

Je vous prie, Madame, d'estre bien persuadée de l'estime 
et de Pamitié que j'ay pour vous. 

Philippe. 
A Barcelone, ce 9 e janvier 1702. 



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28 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Je soussigné, Ministre de l'Intérieur, donne pouvoir au 
citoyen Hassenfratz, que je nomme mon commissaire à cet 
effet, de procéder, soit séparément, soit concurremment avec 
les autres Commissaires revêtus des mêmes pouvoirs et ainsi 
que pourra le comporter l'avantage ou la célérité de cette 
opération, aux inventaires de tous objets d'arts ou de sciences 
provenant des dépôts des susdites Académies et Sociétés 
supprimées ou de tous autres susceptibles de servir à l'Ins- 
truction publique, de réquérir à cet effet en mon nom et 
comme mes commissaires, à ce nommé, toutes oppositions 
levées ou réoppositions de scellés nécessaires, de se faire 
ouvrir tous dépôts, représenter tous registres, catalogues, 
inventaires ou autres renseignements, en prendre toutes com- 
munications, extraits ou notes, faire à cet égard tous rapports, 
invitant à cet effet les autorités constituées à leur procurer 
toutes facilités et secours, les citoyens dépositaires ou autres, 
à leur donner tous renseignements, communication et assis- 
tance, comme pour chose utile au service de la République. 

Et en foi de tout ce que dessus j'ai fait opposer au présent 
le sceau du Ministre de l'Intérieur, 

Fait à Paris, ce 28 août 1793, Tan 2 e de la République 
française, une et indivisible. 

Le Ministre de l'Intérieur, 
Paré. 



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SEXTUS-ALEXANDRE-FRANÇOIS MIOLLIS 

RESTES DU TASSE DANS LE COUVENT DE SAN ONOFRIO. 
L'ACADÉMIE DES ARCADES. 



La lettre suivante fut adressée, le 24 décembre 1810, par le général 
Miollis (1), alors gouverneur de Rome, au comte de Montalivet, 
ministre de l'intérieur. Elle contient la proposition d'installer dans le 
couvent de San Onofrio, situé sur le mont Janicule, la célèbre Acadé- 
mie des Arcades. Ce fut dans ce couvent que le Tasse mourut le 
25 avril 1595, et depuis lors les restes de l'illustre poète y étaient con- 
servés. Nul lieu ne convenait davantage à la société littéraire que le 
poète Crescimbeni et le jurisconsulte Gravina avaient fondée à Rome 
en 1690. 

Ce n'était pas la première fois que le général Miollis montrait, pour 
les gloires littéraires de l'Italie, une sollicitude éclairée. En 1797, étant 
gouverneur de Mantoue, il avait fait élever dans cette ville un obé- 
lisque en l'honneur de Virgile. En i8o5, il avait fait reconstruire ce 
monument et transférer avec pompe les cendres de l'Arioste à l'uni- 
versité de Ferrare. 

Monseigneur, 

J'ai l'honneur d'adresser à votre Excellence le rapport de 
M. Degérando et adopté par la consulte concernant les restes 
du Tasse conservés dans l'ancienne maison religieuse de 
Saint Onofrio. 

Cette maison offre un intérêt majeur par ces précieuse- 
dépouilles, par des fresques très estimées, une position extrês 
mement pitoresque, quoique sous les murs de Rome, des 

(1) Sextus-Alexandre-François , comte Miollis, né à Abc en Provence le 18 sep* 
tembre 1759, mort dans la même ville le 18 juin 1828. 



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30 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

bâtiments en bon état qui pouraient loger commodément 
40 religieux, et des jardins qui fairaient renaitre les prome- 
nades si célèbres des anciennes écoles grecques. 

L'établissement qui me paraîtrait le plus convenable à cette 
maison serait celui des Arcades, académie de poésie depuis 
longtemp en possession d'être la métropole de toutes les 
autres d'Italie, connues sous le nom de colonie d'Arcardi, 
dont l'institution est de conserver et faire fleurir les grands 
principes de la poésie par des séances publiques suivies ordi- 
nairement d'un grand concours et où chaque Arcade lit d'obli- 
gation quelque composition; c'est là où s'essaient et se trem- 
pent les verves italiennes. 

Le lieu de leur réunion est un composé de deux à trois 
pièces de louage auquel se rattache un petit bois qui en est à 
plus de deux mille, dégradé et n'ofrant que des ruines, faute 
de moyens d'entretien, où se tiennent les séances dans la 
belle saison. Depuis longtemps les gens de lettre soupirent 
après un autre Parnasse qui se présente naturellement près 
les lauriers qui ombragent le tombeau du Tasse. 

Ces motifs m'engagent à demander la maison de San Ono- 
frio pour l'Académie de' Arcadi. 

Je prie votre Excellence d'agréer mon respect. 



£^6i&e^^T , '<?'*/ 





Rome, 24 décembre 1810. 

A S. E. Monseigneur le comte de Montalivet, ministre de 
l'intérieur. 



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LES THÉÂTRES SOUS LA RÉPUBLIQUE 



Lettre adressée par les membres du Comité du salut public Barère, 
Treilhard, Bréard, Billaud-Varenne et Eschassériaux, aux artistes 
dramatiques. Elle a pour but de leur rappeler que sous la République 
les théâtres doivent devenir les écoles primaires de l'homme fait. 

Paris, le 26 thermidor Pan 2 eme de la République française 
une et indivisible. 

Les Représentants du Peuple, membres du Comité de 
salut public, aux artistes Dramatiques. 

Le Comité de salut public a mis en réquisition les artistes 
de divers théâtres ; il a voulu entretenir parmi eux l'émula- 
tion si nécessaire aux arts et particulièrement à Part drama- 
tique en fixant provisoirement dans tel ou tel théâtre les 
artistes, qui déjà s'y trouvaient attachés. U a voulu aussi 
mettre un frein à la cupidité et prévenir cet accaparement de 
talents dont Poisiveté salariée devient pour Pintrigue un 
objet de spéculation. 

Le moment est venu de rappeler les Théâtres à leur ins- 
titution première. Le despotisme les avilit, la liberté les 
adopte. Ils doivent la servir et justifier la nouvelle existence 
qu'elle leur prépare. Le Comité de salut public s'en occupe 
essentiellement, mais il croit devoir inviter tous les artistes à 
rester provisoirement à leur poste jusqu'à ce que l'intérêt 



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32 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

public leur en assigne un nouveau. Il en résulterait autre- 
ment une désorganisation, une anarchie dont Pintrigue pro- 
fiterait, car peu lui importe Part en lui-même, pourvu que 
le talent Penrichisse. 

Les théâtres doivent devenir parmi nous les écoles primai- 
res de Phomme fait. Cette idée doit enflammer le zèle des 
artistes et doubler leur activité. Qu'une louable émulation 
renaisse donc parmi eux ; que chaque théâtre aspire au pre- 
mier rang. L'ambition de surpasser ses rivaux en talents 
utiles est la seule qu'admettent les Républiques. Le Comité 
de salut public dans la régénération prochaine des théâtres 
s'empressera de distinguer ceux dont le zèle et les efforts 
auront mérité les suffrages du Peuple. 

Les Membres du Comité de salut public 




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PRIVILÈGES DES ARTILLEURS DE PARIS 

EN 1442 



Le document suivant constate les privilèges accordés aux artilleurs 
de la ville de Paris et aux charpentiers et tailleurs de pierres à bom- 
bardes de l'artillerie du Roi. Ces privilèges comprenaient l'exemption 
de toutes tailles et de tous impôts. 

Simon Charles, chevalier, conseiller du Roy nostre sire, 
président en sa Chambre des comptes et commis de par ledit 
seigneur au gouvernement et distribucion des finances dudit 
seigneur dessus et deçà les rivières d'Yonne et Sainne, au 
receveur des aides ordonnez pour la guerre, à Henry de 
Dannes, receveur de l'aide ou taille naguerez mis sus et de 
Paide présentement mis en la ville et élection de Paris, et à 
tous autres receveurs d'aides tant ordinaires que extraordi- 
naires et de tailles qui, pour le temps advenir, seront tant 
en icelle ville et élection de Paris que ailleurs ou royaume de 
France, salut. Veues par nous les lectres du Roy nostre 
sire en forme de chartre faictes et données soubz son scel en 
laz de soye et cire vert, ausquelles ces présentes sont atta- 
chées soubz nostre signet, à nous présentées de la partie des 
artilleurs de la bonne ville de Paris, de Olivier Marchant, 
Guillaume Marchant, charpentiers, et de Jehan Du Chemin, 
toMe 1. 5 



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34 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

tailleur de pierres à bombardes de l'artillerie du Roy nostre- 
dit seigneur, faisant mencion de certains previlleges et 
exempcions à eulx octroiez par ledit seigneur, au long dé- 
clairez en icelles lectres, nous, en obtempérant à icelles, con- 
sentons, en tant que à nous est, que doresenavant lesdits 
artilleurs, charpentiers et tailleur de pierres à bombardes et 
leurs successeurs ou dit mestier, joyssent des previlleges 
contenuz et déclairez es dictes lectres et demourent quictes, 
francz et exemps de guet, selon les registres de leur mestier, 
et aussi de la taille précédent et de ceste dont vous, Henry 
de Dannes, avez esté et estes receveur, et de toutes tailles, 
aides, impostz, truages, passages et autres redevances quel- 
conques, tant par eaus que par terre, mis et à mectre par 
tout ledit royaume de France; consentons aussi que au 
vidimus desdictes lectres royaulx et de ces présentes, faiz 
soubz scel auctentique, foy soit adjoustée comme à l'origi- 
nal, pour les causes, tout ainsi et par la forme et manière 
que le Roy nostredit seigneur veult et mande par sesdictes 
lectres. Par lequel rapportant les receveurs d'iceulx aides, 
tailles, impostz, truages, passaiges et autres subvencions, 
avec reconnoissance qu'ilz n'auront aucune chose paie à cause 
d'iceulx aides, demourront quictes et deschargiez en leurs 
comptes par tout où il appartendra. Donné soubz nostre dit 
signet le xm 6 jour de juillet l'an mil quatre cens quarante 
deux. 

S. Charles. 




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LOUIS-NICOLAS DE NEUFVILLE 

DUC ET MARÉCHAL DE VILLEROY 



Le 29 janvier 1722, l'infante d'Espagne, Marie-Anne-Victoire, qu'on 
destinait pour épouse à Louis XV, son cousin germain, arriva à Paris. 
Cette princesse était fille de Philippe V et allait atteindre sa quatrième 
année. C'était dans le but de renouer et d'assurer l'alliance des cou- 
ronnes de France et d'Espagne que le Régent avait conclu ce mariage, 
dont l'extrême jeunesse de l'infante rendait la consommation si loin- 
taine. Des fêtes lurent données à l'occasion de l'arrivée de la princesse. 
Le maréchal de Villeroy, gouverneur du Roi, y assista, malgré ses 
soixante-dix-huit ans et sa goutte, et sentit renaître en lui tous ses 
souvenirs de jeunesse et de galanterie. Il écrivit ses impressions à un 
vieux compagnon d'aventures, le prince de Vaudemont, retiré à Com- 
mercy depuis la mort de Louis XIV. Ce prince de Vaudemont était le 
fils naturel de Charles IV, duc de Lorraine, et de Béatrix de Casance, 
veuve du comte de Cantecroix(i). Les termes dans lesquels Villeroy 
parle de la cour de Louis XIV et rappelle au prince l'heureux temps 
où ils couraient ensemble, la nuit, dans les rues de Paris, sont extrê- 
mement curieux. Le vieux maréchal, qui se piquait d'être un parfait 
modèle du gentilhomme et du courtisan, se peint merveilleusement 
lui-même dans sa lettre, qui, à <jf titre au moins, méritait d'être 
publiée. 

A Paris, le 17 mars 1722. 

Je reçois dans le moment, mon cher prince, vostre lettre 
du i3. Que vous me rapellez de choses agréables en me par- 
ti) Saint-Simon a parlé longuement du prince de Vaudemont dans ses Mémoires. 
Cf. notamment le t. V de l'édition Régnier, p. 210 à 23 1.) 



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36 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

lant de la segnora Molina et 4e la Risse. Quelle différence 
pour nous de ces temps-là à ceux-cy. Malgré la pompe et la 
magnificence présente, le souvenir de ce que vous me rapel- 
lez tient la première place dans mon cœur et dans mon 
esprit. J'ay sans cesse devant les yeux le feu Roy, qui ani- 
moit tout par sa présence et qui estoit supérieur par l'agré- 
ment de sa personne à tout ce qui Penvironnoit. Dites-vous 
tout ce que je pense et tout ce que je sens dans le moment 
où je vous écris. 

L'infante est charmante et aimable infiniment au dessus 
de son âge. Les relations et les gazettes vous diront le reste. 
De vostre vie vous n'avez rien veu de si beau, de si magni- 
fique et d'un arrangement plus superbe que le bal royal 
dans la grande salle des machines. Espargnez-moy la honte 
de vous parler de mon habit qui n'estoit que de tiretaine (i) 
en comparaison de l'or, de l'azur et des diamants qui brilloient 
sur les habits des dames et des cavaliers. Vous n'avez jamais 
rien vu de si beau. Cependant, quand nous courions les rues, 
la nuit, dans Paris pour chercher des bals, ces bagatelles là 
ne laissoient pas que d'avoir leur mérite. Que n'aurions-nous 
point à nous dire si nous voulions rapeller nombre de nos 
fredaines. Couturier doit me venir voir demain. Je feray ce 
que je pourray, vous n'en doutez pas. Je n'ay plus l'honneur 
de voir Mesdames vos nièces (2). L'éloignement du quartier 
et peut estre quelques malheureuses dispositions me privent 
du bonheur de les voir. Je ne leur en suis pas moins atta- 
ché. Les deux jeunes princes Lorrains (3) sont arrivez. Ils 
m'ont fait l'honneur l'un et l'autre de me venir voir. Dieu 

(1) Sorte de droguet de drap grossier, moitié laine, moitié fil. (Cf. Dictionnaire de 
Littré.) 

(a) Le prince de Vaudemont avait eu une sœur, mariée, en 1660, à M. de Lislebonne, 
père du duc d'Elbeuf. Madame de Lislebonne eut deux filles, Mademoiselle de Lislebonne 
et la princesse d'Espinoy, qui se rendirent célèbres par leurs intrigues. (Cf. Mémoires de 
Saint-Simon, t. V, p. 337.) 

(3) François-Etienne et Charles-Alexandre, fils de Léopold I*, duc de Lorraine. 



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LOUIS-NICOLAS DE NEUFVILLB 3j 

veuille que le printemps vous donne assez de forces pour 
venir chercher un soulagement à Paris, que vous ne trouverez 
point ailleurs, car il n'y a pays dans le monde où Ton trouve 
les secours que Ton a icy. 

Gémeau va vous envoyer tous les fatras de nouvelles qui 
me viennent de Lyon et d'Italie. Je vous embrasse, mon 
cher prince, du meilleur de mon cœur. 




M. de Vaudemont. 

Quatre mois après, le maréchal de Villeroy, ayant voulu résister au 
Régent, perdit ses fonctions de gouverneur du Roi et fut exilé dans 
sa terre de Villeroy (i3 août 1722). Il survécut huit ans à sa dis- 
grâce, et mourut, le 18 juillet 1730, dans cette ville de Paris, qu'il 
aimait tant. 

Son compagnon d'aventures, le prince de Vaudemont, Pavait pré- 
cédé dans la tombe. Il était mort à Comme rcy en 1723, laissant son 
immense fortune à la princesse d'Espinoy, sa nièce (1). 

Quant à l'infante, qu'on avait tant fêtée à son arrivée, et qu'on avait 
surnommée l'infante-reine, elle fut renvoyée, trois ans après, en 
Espagne, sous le prétexte de sa trop grande jeunesse (5 avril 1725), La 
duchesse de Bourbon et Madame de Prie, qui avaient mené cette 
intrigue, cherchèrent aussitôt à remplacer l'infante. Après une dé- 
marche vaine tentée par la duchesse auprès de Mademoiselle de Sens, 
sa fille, Madame de Prie choisit pour femme à Louis XV la fille 
unique d'un. roi détrôné, Marie Leczinska, qui vivait obscurément 
avec son père à Wissembourg, sur les frontières de l'Alsace. 

(1) Mémoires de Saint-Simon, t. XIX, p. 90. 



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AIMERI IX, VICOMTE DE ROCHECHOUART 

ET AIMERI IX, VICOMTE DE THOUARS 



Acte par lequel Aimeri IX (1), vicomte de Rochechouart, et Jeanne 
de Mauléon, sa femme, cèdent, au mois d'octobre 1254, la part d'héri- 
tage qui revient à Jeanne dans la succession de Savari de Mauléon (2), 
son frère, et de Raoul de Mauléon (3), son neveu, à Aimeri IX (4), 
vicomte de Thouars, moyennant une redevance annuelle de 1 10 livres. 

Cette pièce, dont l'original m'a été gracieusement communiqué par 
M. Benjamin Fillon, a déjà été publiée en 1841 dans la Revue anglo- 
française par M. de la Fontenelle de Vamtforé (5), mais le texte donné 
par cet érudit contient plusieurs inexactitudes ou erreurs de lecture. 
Je crois donc rendre service aux philologues en mettant sous lqprs 
yeux le fac-similé de cet important document de langue romane. 

A toz ceaus qui cestes présentes lettres verront et orrunt, 
Aymeris, viscons de Rochechechaward, e Johana, sa femme, 
salu en nostre Segnor Jhu Crist. Sachez que, cum nos de- 
mande som portion e partie avenant en le héritage e la des- 
cendue fau Savari de Mauléon, ayné a mai Johene, e Ro son 
fil de Mauléon (6), dans quaus choses li nobles homes Aymeris, 
viscons de Thoarz, est en Tommage e en la fai au cunte de 

(1) Il succéda à Aimeri VIII en 1*4* et mourut ver» iago. (Cf. Dictionnaire de 
Moreri.) 

(7) Savari de Mauléon, connétable d'Angleterre, illustre guerrier et troubadour, né 
vers 1170, mort à Londres en ia33. (Cf. Notice de M. de la Fontenelle de Vaudoré dans 
la Repue anglo-française^ 2» série, t. II, 1841, p. 309 à 353.) 

(3) Raoul de Mauléon, fils de Savari, mort sans enfants en ia53. 

(4) Aimeri IX, vicomte de Thouars, de 1246 à ia56, fils d'Alix de Mauléon. (Cf. Notice 
sur les vicomtes de Thouars, par M. Hugues Imbert; Niort, Qouzot, 1867, in-8, p. 70.) 

(5) a» série, t. II, 1841, p. 349. 

(6) Raoul de Mauléon était mort sans enfants en ia53. 



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AIMERI IX, VICOMTE DE THOUARS 2>g 

Peitirs (i), à la parfin ou lo conseil de prodes homes fut apazié 
entre nos e dit viscons de Thoarz, en tau manere que H dit 
viscons de Thoarz nos asit quatre vinz livres de rende du- 
rable de rrîoneie usable eu pais por raison del héritage e la 
descendue fau Savari de Mauleon, e trente livres de rende 
que il nos done de grâce e de don. E nos asiet li dit viscons 
de Thoarz o les dites quatre vinz livres à nos e à noz hers, qui 
de mei Aymeric e Johana, ma femme, sunt issu ou istront 
durant lo mariage antre nos; à prendre e avoir le devaunt 
dites rendes chescun an après la mort Amable, femme fau 
Savari de Mauleon, en minage de Niort, por tant cum li dit 
minage (2) vaudreit o les apartenances. E si qui en dret de fail- 
let daus quatre vinz livres de rende del héritage e trente livres 
de rende de don de sus diz, cou qui endefraudret nos aurom 
e prendrom en Pile de Ré^duche que à parfetement de la summe 
devaunt dite. E si aucune maisons est apartenanz au dit 
qtinage el est nostre sanz conter en rende. E est encore à sa- 
voir que, en tandementres cum la dite Amable vivra, li dit 
viscons nos est tenuz à nos e à noz hers desuis diz, o à nostre 
certein comandement, rendre e bailler cinquante livres de 
moneie usable ou pais ou taillées de Talamont (3), chescun an 
à Nau (4), tant solement dau diz quatre vinz livres de rende 
que nos avom par raison del héritage e de diz trente livres de 
rende que nos avom de don, si cum ol est de suis diz, retor- 
neront à dit visconte de Thoarz e à ses hers e à ses successors. 
Eisi nos Aymeris e Johana devant dite, por nos e por noz 
hers e por noz successors, clamon quite à dit visconte de 
Thoarz e â ses hers e à ses successors tôt le héritage e la des- 
cendue devant dite o (5) tote lor apartenances e o totes les 

(1) Alphonse, comte de Poitiers, frère de saint Louis. 

(2) Le minage était le droit perçu par le seigneur pour le mesurage des blés qui se 
Tendaient dans sa seigneurie. 

(3) Talmont. ■' 

(4) Noél. 

(5) Avec. (a. Dictionnaire de Littré.) 



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40 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

choses qui porreint e devroint escheer por raison de fau Savari 
de Mauleon, for tant solement cou qui à nos porreit e devroit 
escheer por dreit e à venir en aucun tens à noz hers par rai- 
son de la partie de iceles qui sont serors à moi Johana de- 
vant dite, si aucune de eles'o totes morreint 'sanz hers eu 
tens qui est à venir. E ceste parz e cestes côvenances nos e 
aus li diz viscons de Thoarz avom juré suis les seins Evangeles 
à tenir e à garder leaument por nos e por noz hers e por noz 
successors, sanz venir en contre. E est encore à savoir que li 
diz visconte de Thoarz nos a quité icele partie que nos deus- 
som mettre au plait e à rechat que. il a feit au cunte de Peitirs 
dau devant dites choses. E si ol aveneit que rechat ou plaiz de 
mortemain (i) fu fait au viage (2) de moi Aymeric dauvant 
dit de choses devaunt dites ge ni sui tenuz à rien mettre, mes 
après ma mort ma devant dite femme e ini heir e mi succes- 
sor sunt tenu à mettre au plait e à rechàt de mortemain se- 
gom nostre partie desuis nomée que nos avom de choses, e 
segom cou qui nostre autre parçonir (3) mettront au plait e à 
rechat por eaus por raison de lor partie segun le usage e la 
costume dau pais. E por. cou que nos Aymeris e Johana dau- 
vant dite e nostre heir e nostre successors ne poissom en 
aucun tens venir en contre ceste choses nos en donom à dit 
visconte de Thoarz e à ces hers e à ces successors cestes pré- 
sentes lettres saalées de noz seus seaus en garantie de vérité. 
Ceu fut fait en l'an del Incarnation nostre Seignor Jehu 
Grist mil e dous cent e cinquante quatre en meis d'octoure. 

(1) Droit qui se payait au suzerain à chaque mutation de seigneur ou de tenancier. 

(3) Droit de retour ou viage. C'est en vertu de ce droit que les frères des vicomtes de 
Thouars occupaient le trône vicomtal délaissé par leur frère, avant les enfants de celui-ci. 
Ce droit fut aboli en 1514. (Cf. Notice sur les vicomtes de Thouars, par M. H. Imbert, 
p. io5.) 

(3) Parconnier, cohéritier. (Cf. Glossaire de Du Cange.) 



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LE THÉÂTRE- ITALIEN EN 1784 



Lattre dn lieutanaat dn police Lenotr aux comédiens du Tkéâtre»Ita- 

lien pour leur enjoindre d'empêcher l'entrée de l'orchestre aux femmes 
qui porteraient des coiffures dont la grandeur pourrait gêner la vue 
des spectateurs. Le lieutenant de police signale aussi le commerce scan- 
daleux qu'on fait des billets donnés aux artistes et demande aux comé- 
diens de mettre fin à ces abus. Quoique quatre-vingt-quinze ans se 
soient écoulés depuis cette défense, souvent renouvelée depuis, on sait 
que le commerce des Juillets de spectacle n'a pas encore cessé. 

À Paris, le 6 e janvier 1784. 

Malgré l'avertissement porté dans le Journal de Paris, 
au moment de l'ouverture du Théâtre Italien, Messieurs, et 
même des deffenses qui ont été faites depuis, on voit jour- 
nellement à l'orchestre des femmes dont les coeffures et cha- 
peaux, chargés xk plumes, de rubans et de fleurs, et d'une 
étendue considérable, interceptent la vue des spectateurs au 
parterre et donnent lieu à des plaintes qu'il importe de faire 
cesser promptement. Vous voudrés donc bien dorénavant 
faire refusçr l'entrée de l'orchestre à toutes celles qui contre- 
viendront aux deffenses qu'elles ne peuvent méconnaître et 
dont plusieurs ont reçu nouvel avertissement il y a plus de 
quinze jours. Pour éviter tout éclat, vous aurés soin de les 
faire prévenir encore ; mais, dès à présent, bien informés que 
la consigne a été donnée à la garde françoise, et que j'ai, de 
mon côté, donné des ordres à l'officier de police, vous voudrés 
bien y faire tenir la main et ordonner aux personnes char- 
tome 1. 6 



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42 ' REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

gécs d'ouvrir les portes de n'y laisser entrer dans l'orchestre 
que les femmes dont les coeffures ne gêneront aucunement 
la vue des spectateurs, autrement qu'elles seront renvoyées, 
à se placer de manière qu'elles ne puissent nuire au coup 
d'œil du spectacle. Vous devés scavoir qu'à l'Opéra on ne 
souffre dans l'amphithéâtre aucuns chapeaux ni grands bon- 
nets, et qu'à la Comédie françoise il n'entre aucune femme 
dans l'orchestre. Il faudra recourir à un pareil moyen si on 
ne parvient pas autrement à faire cesser un abus dont le 
public se plaint avec raison. 

Je suis aussi instruit que, par suite des billets qui se distri- 
buent aux acteurs et actrices, danseurs et danseuses, il s'en 
[suit] un trafic par les mains de domestiques savoyards et 
par l'entremise des garçons de caffés, à qui on les donne en 
payement et qui les revendent. Ces manoeuvtôs sont hon- 
teuses et sûrement désaprouvées. Peut-être, pour y mettre 
ordre, serait-il nécessaire de faire cesser l'usage de donner 
chaque jour des billets aux acteurs, actrices, etc. Mais, aupa- 
ravant d'employer les moyens que je croirai nécessaires, je 
désire que vous me proposiés très incessamment 1 ceux que 
vous croirés plus capables de réprimer un pareil désordA. 

Je suis, Messieurs, entièrement à vous. 




MM. les Comédiens du Théâtre Italien. 



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VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 

EN HONGRIE 
1717 



Le traité de Radstadt (6 mars 17 14) et la prise de Barcelone par le 
maréchal de Berwick (12 septembre 1714) avaient enfin terminé les 
guerres soutenues depuis tant d'années par Louis XIV. Quand Louis XV 
devint roi, la France jouissait d'une paix si longtemps désirée ; le traité 
de la triple alliance conclu à La Haye, le 4 janvier 171 7, entre la 
France, l'Angleterre et la Hollande, sembla écarter définitivement 
toute chance de guerre. Plusieurs jeunes nobles qui n'avaient pu, à 
cause de leur âge, prendre part aux précédentes campagnes, animés 
d'une ardeur militaire et jaloux de donner des preuves de leur cou- 
rage, sollicitèrent du Régent la permission d'aller servir en Hongrie sous 
les ordres du prince Eugène (1). L'illustre capitaine continuait glorieu- 
sement la guerre contre les Turcs et se disposait à assiéger Belgrade. 
Servir sous le héros de Petervaradin était le plus grand désir de ces 
jeunes Français. Le Régent accorda la permission demandée à 
quelques-uns, parmi lesquels était le fils aîné du duc du Maine, 
Louis-Augwtfe de Bourbon, prince de Dombes, alors âgé de dix-sept 
ans (ft). Aussitôt l'autorisation obtenue, le duc du Maine s'occupa de 
constituer à son fils une sorte de maison militaire» Louis-Geoffroy, 
comte d'Estrades, lieutenant-général, petit-fils du maréchal de Ce 
nom, honnête homme et de distinction à la guerre, au dire de Saint- 
Simon, accepta d'accompagner en Hongrie le prince de Dombes, qui 
avait pour gouverneur le chevalier d'Estampes (3) et pour capitaine des 
gardes M. de Malezieu (4). Le duc du Maine rédigea lui-même des 
instructions pour ce voyage, tandis que le comte du Luc, ambassadeur 
à Vienne, faisait de son côté un mémoire complémentaire. Ces deux 
documents ont été retrouvés au château de Lauroy (Cher) par M. Ar- 
mand Dufour, qui a bien voulu me les communiquer. Les instructions 

(1) Cf. Mémoires de Saint-Simon, t. XIII, p. 293. 

(2) Le prince de Dtfmbes était né le 4 mars 1700. 

(3) Probablement Philippe-Charles, comte d'Estampes, chevalier de Malte, mort en 1737. 

(4) Probablement un des fils de l'académicien, qui fut un des plus fidèles serviteurs 
du duc du Maine. 



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44 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

du duc du Maine, fort circonstanciées, portent des corrections auto- 
graphes et son parafe. Elles ont surtout pour but de tracer la règle de 
conduite à suivre par le prince de Combes à l'égard de l'empereur 
Charles VI (i) et des deux impératrices. L'impératrice Amélie, veuve, 
depuis 171 1, de Joseph I", était cousine germaine de la duchesse du 
Maine et, par conséquent, tante à la mode de Bretagne du jeune 
prince. L'autre impératrice, Elisabeth-Christine de BruAswick-Wol- 
fenbutel, était alors enceinte de Marie-Thérèse, qui devait devenir si 
célèbre (a). 

L'exemple donné par le prince de Dombes et par ses compagnons fut 
un sujet d'émulation pour les jeunes nobles, et les demandes de dépari 
devinrent si nombreuses, que le Régent dut réprimer ce zèle guerrier et 
interdire absolument qu'on lui deinand&t d'aller en Hongrie (3). 



INSTRUCTIONS GÉNÉRALES SUR LE TOTAGE ET LA CAMPAGNE 
DU PRINCE DE DOMBES EN HONGRIE 

Le prince de Dombes doit compter que *de cette première 
campagne dépend sa réputation et qu'il y va du tout pour 
lui. 

Le prince de Dombes sera dans un incognito parfait, sous 
le nom du marquis de Chalamont, dès qu'il aura passé le 
Rhein. 

Il partira d'icy en poste dans une berline â quatre places, 
qui seront occupées par luy, M r le comte-d' Estrades, M r Ie che- 
valier d'Estampes, son premier gentilhomme d* la chambre 
et gouverneur, " et M r de Malezieu comme capitaine des 
gardes. 

Il fera le plus de diligence qu'il sera possible, sans 
s'exposer pourtant aux mauvaises avantures inutilles. 

Il rie séjournera point en chemin jusqu'à Strasbourg. 

(t) File de Jeeeph I», auquel il taccéda en 171 1. 
(9) Bterie-Thérèee naquit le i3 mai 1717. * 

(3) Cf. Mémoires de Saint-Simon, t. XIII, p. 393. 



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; VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 45 

Il prendra la route de Metz pour éviter le passage de 
Nan£y où M r le duc de Lorraine (i) le pouroit arester et où 
Ton pouroit tomber dans des embaras considérables par ra- 
pôrt au Cérémonial. A Metz il fera bien des honnestetés à 
1, M. de Cely (2)^ l'intendant, qui est un homme de naissance» 
fort de met, amis. Il le remerciera de ce qu'il m'avoit offert 
sa maison pour luy et iuy dira qu'il Pauroit volontiers accep- 
tée si M r le comte de Saillans (3) ne l'avoit déjà retenu deux 
jours avâht que j'eusse receu sa lettre. Il logera donc chez 
M r le comte de Saillans, qui est le gouverneur, et aussi extrê- 
' tnement de mes amis. Si par hazard M r Tevesque de Metz (4) 
. le venoit voir, mon fils se souviendra qu'il est duc et pair 
pour luy faire les traitemens convenables à sa dignité. Comme 
mon fils ne séjournera point et qu'il faudra le lendemain re- 
partir de bonne heure, il ne doit point songer à rendre de 
visites. Si l'on tire du canon, il faudra donner de quoy boire 
aux canoniers ; si la garnison étoit sous les armes, il faudroit 
ralentir le train et passer au petit pas devant les troupes, 
ayant bien de l'attention à saluer à droit et à gauche les offi- 
ciers ; et, si les tambours viennent demander de quoy boire, 
il faudra leur donner honnestement. Sinon, en cas qu'il n'y 
eut qu'une garde,, il faudra seulement donner aux* tambours 
de la garde. Si M r le comte de Saillans demande l'ordre , 
il faut luy faire quelqu'honesteté, mais ne point faire de 
difficulté de le luy donner. S'il y a des harangues, on les re- 
çoit debout , sans faire mine d'aller au devant ni de recon- 

(1) Léopold, duc de Lorraine, de 1690 a 1729. 

(2) Louis-Achille-Auguste de Harlay, comte de Celi, conseiller an Parlement, intendant 
de Metz depuis 171 5, mort le 27 décembre 1739 à 61 ans. * 

(3J Le comte de Saillant, lieutenant-général, était gouverneur de Metz depuis 1712. (Cf. 
Saint-Simon, t. IX, p. 375.) 11 mourut en 1723. c Cétait, dit Saint-Siiqpn (t .XIX, p. i3a), 
un homme de qualité, fort brave et fort honnête homme, mais court 4 l'excès, que Harlay, 
intendant de Metz, avoit désolé tant qu'il y fut, et qui, pour s'en divertir, l'avoit fait tom- 
ber dans les panneaux les plus ridicules. » 

(4) tfenri-Charles du Cambout, tue de Coislin, né en i663> évêque de Metz en 1697, 
membre de l' Aca d émie française an 1711, mort en 1732. 



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46 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

duire ; et si l'on fait des présents, il faut faire donner de quoy 
boire aux valets de ville qui les auront apportés. Il faudra 
laisser les dits présents dans la maison de M r de Saillans, et 
en partant faire donner quelques pistoles aux bas domesti- 
ques qui se seront le plus tourmenté pour l'appartement. Il 
faut, là comme partout, une grande attention à faire des 
honnestetés et des remerciments et à louer les gens, car cela 
fait aimer, et c'est une chose qu'il faut continuellement avoir 
en vue. 

A moins que les équipages ne contraignent, il ne séjournera 
que deux jours à Strasbourg, pour voir la place, et il priera 
M r le comte du Bourg (i) de faire prendre les armes au 
régiment de Castella pour le passer en revue et pour se 
mettre en estât de m'en rendre compte. Le s r de Bettens, qui 
le commande, est un officier de distinction et que je consi- 
dère particulièrement. Mon fils se fera nommer les capitaines 
et les gracieusera en les exhortant à continuer à se bien 
attacher à l'entretien de leurs compagnies. Il se gardera de 
parler devant eux de la différence qu'il trouvera de ce régi- 
ment à celuy des gardes. Mon fils logera chés M r le comte 
du Bourg; il est fort de mes amis et commandant général 
dans la province. Il faudra en user en cette ville comme je 
l'ay détaillé dans l'article de Metz, sur toutes les choses- qui 
s'y trouveront communes. 

M r le comte du Bourg poura que je crois prêter des chevaux 
pour les revues et pour la visite de la place qui est très belle 
et très curieuse. Mon fils demandera aussi à voir les carabiniers 
à cheval, tant pour s'en donner une notion que pour dire 
que, sachant comme je les aime, il seroif ravi de m'en donner 
des nouvelles : il leur fera par là un fort grand plaisir et il 
les mortifieroit fort s'il ne les voyoit pas. 



(i) Léonore-Marie Du Maine, comte du Bourg, né en 1655, lieutenant -général en 1702, 
commandant en chef en Alsace en 17 10, maréchal de France en 1734, mort en 1739. 



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VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 47 

■ Comme général des suisses il doit avoir à sa garde une 
compagnie suisse et le premier jour le drapeau blanc; 
cette garde fait honneur à la nation et est indépendemment 
de la garde françoise, qu'il doit avoir par son rang. Comme 
tout ce voyage est fait pour s'instruire et qu'il n'a pas encore 
beaucoup vu, il faut beaucoup questionner, ne point trouver 
mauvais qu'on luy fasse faire des remarques et écouter ce 
qu'on luy dira. 

Il doit sçavoir qu'il y a à Strasbourg beaucoup de gens de 
considération et que les chanoines sont des plus illustres 
maisons. » 

Il faut avoir bien de l'attention à ne point badiner devant 
le monde. 

Il poura questionner fort librement M r le comte du Bourg, 
qui est l'homme du monde le plus poli et fort de mes gmis. 

Il faudra donner de quoy boire aux trompettes des carabi- 
niers, ainsi qu'aux tambours suisses et aux canoniers. 

En partant de Strasbourg il prendra le nom de marquis de 
Chalamont, de l'autre côté du Rhin, et il ne doit plus estre 
question d'estre traité ni de Monseigneur ni d'Altesse ; cela 
n'oblige pourtant pas à appeller les Princes autrement que 
Monsieur. 

Il donnera la porte, le fauteuil et les bonnes places indif- 
férament à tous ceux qui le viendront vpir, et, se regardant 
comme un particulier, il ne sçauroit estre trop poli avec tout 
le monde, ni trop attentif à plaire ; c'est mesme le moyen 
d'estre plus considéré. 

De Strasbourg il ira à Munich voir l'électeur de Bavière (i), 
de qui (quoyque incognito) il recevra bien des honnestetés ; 
et il faudra me mander bien exactement tout ce qui s'y sera 
passé. 



(1) Maximiliep-Emmanueî, électeur de Bavière de 1679 i 1736, avait été le fidèle allié de 
Louis XIV. -0 



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4fi trrtE dis mkl«»p* mF*maum& 

du ire ; ci ir l'on hn do prisât*, 3 fau&nràn 
Mrs «m valcu de ville qui Tn r— ^«iiijCi 
IttU^cr Ici dits présents dans b hôbbi de )ÎV dfc] 
en panant faire donner quelques pesantes «th 
que* qui ic liront le plus tourmenté pmr tajpai 
fauijA comme pnrtout, une 
hutlMlMtil et dea remerdments et a 
tuit almtf » et c*ctt une chose qui! faut 

A Mûlttl qUC le* équipages ne contraignent, a 

vju^ d*tu huit* A Strasbourg, pour voir la place, et 2 

M* ta wmtt du Hourg (t) de faire prendre les 

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MWttn en mllf de m'en rendre compte. Le s' de Beneos, qui 

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compagnie suisse et le premier tout k drupeau blanc; 
cette £xrd& taîr ho nnear à k* rraroa « est indépendamment 
<ie Li £xrde Êrazccese. qu'il iccc ïtoit par son ranç. Comme 
tour ce vnyi ag est ûlx pour s'instruire et qu'il n'a pas encore 
heaucoer? vi. L û^t beaococp questionner, ne point trouver 
irtjm raf* qa'oci Ict tasse Êiîre des remarques et écouter ce 
qu'oc Ict dîrx. 

E i:cr 3ça.TQtr quH yaà Strasbourg beaucoup de gens de 
cccsîsieraiîoa ec que les chanoines sont des plus illustres 
maisons. » 

II tint aroir bien de TarfientioQ i ne point badiner devant 
le monde. 

L poara questionner fort librement M* le comte du Bourg, 
qui est Iliomme du monde k plus poli et fort de mes amis. 

II faudra donner de quoy boire aux trompettes des carabi- 
niers, ainsi qu'aux tambours suisses et aux canonkrs. 

çrasboorg il prendra le jiom de marquis de 

et il ne doit plus cstre 

<T Altesse; cela 

autrement que 

les bonnes places indif- 

oir, et, se regardant 

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ce qui s'y sera 







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48 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Il logera, luy deuxiesme, chez M* le marquis de S&umery ( i ), 
envoyé du Roy, qui est fort de mes amis, et il se conduira 
selon ses avis, concertés avec M r le comte d'Estrades. Dans 
tous ces endroits je recommande bien de la politesse et de 
l'attention. 

Si mon fils voit le Prince Electoral (2), il luy témoignera 
la joye qu'il a de faire sa première campagne en mesme lieu 
que luy et qu'il tàschera d'y mériter son estime et son amitié. 
Deux jours de séjour à Munich suffiront ; le plus embarasse- 
roit tout le monde. 

En partant de Munich, après bien desremerciments à M r le 
marquis de Saumery et des excuses de l'embaras qu'on luy aura 
causé, et après avoir fait sous main quelque libéralité i ses do- 
mestiques, il faudra (que je crois) aller reprendre le Danube à 
Passau et le continuer jusqu'à Vienne, ayant pris soin i 
l'avance de faire avertir le s* de Bombelles du jour de l'arri- 
vée, afin qu*il se trouve sur le port à l'heure du débarque- 
ment et qu'il conduise à la maison qu'il aura retenue. 

Quand on y sera, il faudra le questionner infiniment sur tout 
ce qu'il y aura à faire et sur les manières de Vienne. Comme 
le séjour qu'il y aura fait le rendra plus propre qu'un autre à 
envoyer de costé et d'autre et à moyenner ce que l'on voudra, 
ce sera luy qu'il faudra mettre à cet usage. 

La première visite que je crois qu'il faudra faire sera celle 
du prince Eugène. Mon fils luy témoignera la forte envie 
qu'il a de lui plaire et qu'il fera tous ses efforts pour mériter 
son estime. Il le priera de ne le point ménager dans le cours 
de la campagne et il luy témoignera qu'il ne sçauroit luy 
faire plus de plaisir que de Phonnorer de ses ordres et de tes 
conseils. 



(1) Petit-neveu de Colbert, envoyé en Bavière de» 17 14. (Cf. Saint-Simon, t. X, p. 996 
#336.) 

\i) Charles- Albert, fils de l'électeur, qui te rendit célèbre pfas tard en revinflqnam la 
couronne impériale contre Marie-Thérèse. 



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VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 49 

Le Prince Eugène aime fort à être loué; il a en effet par 
devers luy un grand nombre d'actions admirables par les 
succès; ainsi il faut s'en instruire et le mettre souvent sur 
ces matières; il est regardé dans l'Europe comme un héros, 
et il faut de l'attention pour ne guerres perdre d'occasions de 
le louer dims tous les temps qu'on sera devant luy et mesme 
dans les compagnies, parce que cela revient toujours et que 
cela flate beaucoup. Il est très essentiel d'avoir les bonnes 
grâces des gens auxquels on a affaire. 

Mon fils ne verra point l'Empereur chés luy, mais bien 
l'impératrice Amélie, qui est très polie et sa tante à la mode 
de Bretagne. Il ne la verra point en cérémonie et il se con- 
duira sur cela comme M r le comte Du Luc l'a marqué dans 
son mémoire (i) et selon les avis de M r du Bourg, qui est 
l'homme du Roy à Vienne et qui sera pour tout cela d'un 
grand secours. 



(1) Le mémoire du comte du Luc, complémentaire des instruction» du duc du Maine» 
contient des détails intéressants. Le comte est persuadé que le Prince Eugène recevra volon- 
tiers le prince de Dombes dans le nombre de ses adjudants généraux : il recommande au 
jeune prince de suivre l'exemple du prince de Portugal. « Ce jeune prince, conduit par 
sa seule teste, arriva a l'armée avec une très petite suitte, estant parti de Paris en poste. 
Le Prince Eugène l'a logé et monté pendant la campagne dernière, mais, pour la pro- 
chaine, il met sur pied une maison sortable en sorte que je crois qu'il mangera chez luy 
et quelquefois chez le général ou chez les autres gens caractérisés. » Void maintenant le 
passage relatif à la conduite que doit tenir le prince a l'égard de l'Empereur et des Impé- 
ratrices : 

c Monseigneur le duc du Mayne m'a fait l'honneur de me dire que le Prince ne sera 
que peu de jours à Vienne et qu'il y gardera un parfait incognito, mais il importe qu'il 
connoisse au moins la figure de l'Empereur, des Impératrices et archiduchesses. U seroit 
mtme singulier qu'il ne vist pas l'Impératrice Amélie qui luy appartient de si près. On 
pourra se concerter avec le comte Joseph de Paar, grand-maître de la maison d'Amélie, 
et le comte de Salm, son grand écuyer, qui sçauront les intentions de l'Impératrice ; ils 
sont l'un et l'autre mes amis particuliers. 

• A l'égard de l'Empereur et de l'Impératrice régnante il ne sera guères possible à nostre 
Prince de les voir à son aise qu'en se meslant dans la foule lorsqu'ils dînent en public, 
car il n'est point question en ce pays là de Cour ni d'aucun amusement. Ce ne seroit pas 
contentement de les voir passer, allant à la chapelle, où ils se mettent dans une tribune 
d'où ils ne paroissent guères. Il est certains jours que l'Empereur descend pour se mettre 
dans sa courtine où les seuls ambassadeurs le voient parce qu'ils sont vis-à-vis de luy. Je 
m'imagine que ce prince se fera un plaisir de gracieuser en passant Monseigneur le prince 



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50 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Je ne crois pas qu'on tienne de grands discours à mon fils, 
mais il faut qu'il ait attention à y répondre bien poliment et 
qu'il s'informe des titres qu'il faut donner en parlant à l'Em- 
pereur et aux Impératrices. 

Je ne crois pas qu'on luy parle de nostre grande affaire (i), 
mais si l'impératrice Amélie luy en parloit (comme nièce de 
Madame la Princesse) il faudroit répondre modérément, que 
tout ce qui désunit les familles est bien désagréable, et néan- 
moins marquer beaucoup de confiance sur le succès. 

11 est vraysemblable que tous les François qui sont à 
Vienne le viendront voir, quand ils le sçauront arrivé; il 
faudra les recevoir avec politesse et leur marquer qu'on leur 
sçait gré de leur empressement. Entr'autres il faudra gracieu- 
ser M r le marquis de Villette (2), qui est parent de Madame 
de Maintenon et fils d'une de mes meilleures amies. Il poura 
estre aussi de quelque secours. 

Je voudrois qu'on restât à Vienne le moins qu'on pourra; 
M r le comte d'Estrades en décidera, ainsi que du genre de 



de Dombes, qaoyque l'Empereur toit naturellement très tilentienx. Il n'en teroit pat de 
même de l'Impératrice régnante, si elle n'estoit nécessitée de garder la gravité espagnole. 

« A l'esgard de la Cour, nostre prince pourra la connoitre en gros s'il veut bien aller aux 
assemblées où hommes et femmes se trouvent. On y joue petit jeu ou gros jeu, comme, 
on veut, ou bien l'on passe d'une chambre à l'autre, où l'on s'amuse jusqu'à onze heures 
du soir que chacun se retire. Le marquis de Villette sera très propre pour nommer hommes 
et femmes, en sorte qu'en peu de jours nostre prince connoitra les noms et les figures des 
gens de la première condition, car à Vienne ce qu'on appelle la haute noblesse ne souffre 
pas que la petite se mesle avec elle, et cela est si régulièrement observé qu'on est certain 
de ne trouver dans les assemblées que des gens de même ordre. Les femmes de qualité ne 
sont point belles, plusieurs sont peu polies : la plupart des jeunes hommes le sont infini- 
ment moins et il seroit dangereux de plaisanter ou jouer des mains avec eux. Beaucoup de 
politesse, peu de paroles et gracieuses, c'est principalement à quoy je croy qu'il faut avoir 
attention. 

« On n'entend point parler en ce pays-là de certaines licences que les femmes se donnent 
ailleurs. Il peut y avoir des intrigues, je n'en doute pas même, mais cela est si secret qu'à 
peine les amis les plus particuliers s'en apperçoivent. » 

(1 ) Allusion aux luttes du duc du Maine contre le Régent, qui dépouilla, le i« juillet 1717 , 
le fils légitimé de Louis XIV du droit de succéder au trône et de la qualité de prince du 
sang. 

(2) C'est ce marquis de Villette qui fut tué devant Belgrade le 4 août 1717. 



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VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 5l 

vie qu'il y faudra mener pour les repas et pour le reste, 
c'est-à-dire pour les visites qu'il conviendra d'y faire. 

En partant de Vienne il faudra se rendre à l'armée et c'est 
là, comme l'on dit, qu'il faudra faire la guerre à l'œil, com- 
mençant dès le jour mesme de l'arrivée par aller chés M r le 
Prince Eugène. 

Je ne puis donner de loin que des instructions très gêné* 
raies sur la campagne, estant à M r le comte d'Estrades à 
diriger le tout, à prendre les partis convenables suivant les 
diverses conjonctures, et à mon fils à se soumettre de bonne 
grâce à tout ce qu'il luy dira, puisque je remets toute mon 
autorité à mon dit sieur le comte d'Estrades. Je ne doute pas 
qu'on n'envoyé à l'avance un gentilhomme à l'armée pour 
marquer la maison ou le camp, de mon fils. Il faut estre 
averti qu'outre les gens de sa suite il y a quatre ou cinq per- 
sonnes qui ont marché séparément qui s'y domicilieront. Tels 
sont M r le marquis du Biez, M* de Preuilly, le fils de M r le 
comte d'Estrades (i), le sieur Miqueli, capitaine suisse, un 
capitaine réformé nomé le sieur du Trévou, recomandé par 
le marquis de Canilliac (2), et un homme qui a esté major, 
que M r de Silly (3) avoit présenté. 

A l'armée il faut toujours des bottes et au moins un cheval 
selé à l'écurie. 

Les Allemands sont gens sérieux et point accoutumés à 
railler comme nous; ils n'entendent point raillerie et, n'estant 
point favorablement prévenus pour les François, il faut se 
mesurer furieusement avec eux ; quand ils voyent parler bas, 
ils sont disposés à croire (pour peu qu'on les regarde) que 
l'on se moque d'eux; il faut donc avoir grande attention à 
l'éviter. 



(1) Louis-Godcfroy, né le 19 février 1693, fil» aîné dm comte d'Estrades. 

(2) Membre do conseil des affaires étrangères, ami ds Dubois. (Cf. Mémoires de Saint- 
Simon, t. XII, p. 334, et t. XIII, p. 378.) 

(3) Conseiller d'état d'épée.(0. Saint-Simon, t. XIV, p. 406.) 



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52 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Il faut se garder de trop boire, mais, si par hazard on se 
trouvoit surpris de vin, il faudrait s'aller enfermer chez soy. 

Je n'ay rien à dire sur les actes militaires et sur les actions 
où il faut se trouver, sinon qu'il faut faire très exactement 
ce que dira M r le comte d'Estrades et que je n'envoyé mon 
fils en Hongrie que pour s'attirer de la gloire et pour se faire 
une bonne réputation. 

Comme il ne faut point se ménager dans les actions, il 
n'est que bon de se préparer auparavant en bon chrestien à 
tout événement; on n'en est que plus hardi. 

Autant qu'il faut mépriser sa vie dans les occasions, autant 
faut-il ménager sa santé dans les temps de repos et dans les 
œuvres de subrogation. 

Il faut estre fort vigilant. 

Il faut, à moins de maladie, monter à cheval toutes les fois 
que M r le Prince Eugène y montera, se tenir auprès ou i 
portée de luy le plus qu'il se poura, sans pourtant l'emba- 
rasser. 

Mon fils, surtout quand il sera à cheval avec des généraux, 
doit prendre garde à ne se tenir pas trop avec les jeunes gens 
françois et à estre toujours attentif à recevoir quelque com- 
mission du prince Eugène. Quand il en donnera, il faudra 
bien écouter, ne point dire qu'on entend quand en effet on 
n'entend pas, et ne point partir avant qu'on ait achevé de 
donner la commission. Il faut ensuite s'acquitter de l'ordre 
bien exactement, rendre bon compte et estre ravy d'estre em- 
ployé, ne marquant rien tenir au-dessous de soy. 

L'exemple du Prince Électoral de Bavière poura guider 
en de certaines choses sur les occasions où il conviendra de 
se trouver; il sera bon par toutes voyes deues et permises de 
tascher d'estre bien avec luy. 

Il est fort essentiel, les jours d'affaires, d'estre sur les che- 
vaux qui embarassent le moins, y ayant trop d'autres choses 
qui doivent occuper pour songer si fort à son cheval. 



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VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 53 

Je compte que pour M r le comte d'Estrades ou pour mon 
fils il y aura quatorze chevaux, qu'il faudra fort accoutumer 
aux mouvemens des troupes, aux tambours, aux salves et 
aux drapeaux, pour bien s'assurer de leur bouche, qui est la 
chose la plus essentielle dans une action, puisque de là dé- 
pend souvent l'honneur et la vie. 

Il faut fort éviter de faire le fanfaron; il ne sied pas de 
s'applaudir et de se louer soy mesme. 

Il ne faut pas faire de difficulté de prendre sa cuirasse 
quand M* le comte d'Estrades luy dira de la prendre. 

Il faut estre très docile aux avis et ne point disputer (prin- 
cipalement devant le monde), non plus que jouer de main et 
que faire l'enfant. 

Mon fils ne doit point vivre avec les gens attachés à luy, 
de manière à exciter entr'eux de la jalousie. 

Il ne doit point croire non plus qu'on songe à luy faire de ré- 
primandes; les avis qu'on luy donnera seront en particulier. 

Comme mon fils a le ton fort rude, il doit avoir plus d'at- 
tention qu'un autre à ses paroles qui paroistroient aisément 
des duretés. 

Il doit fort respecter M r le comte d'Estrades et luy sçavoir 
gré éternellement de l'honnesteté avec laquelle il a bien voulu 
le suivre. 

A la réserve de quelques repas extraordinaires, dont peut 
estre il peut y avoir quatre ou cinq occasions dans le cours 
d'une campagne, et que M r le comte d'Estrades ordonnera, 
je ne veux la table de mon fils que de quinze couverts; quand 
il y aura plus de mangeurs l'on fera une petite table, dont la 
grande prendra soin et dont les gens domiciliés feront les 
honneurs. 

Il faut tascher toujours d'avoir de la compagnie la plus 
haute hupée qu'il se poura. 

Mon fils n'aura aucune autorité sur la dépense de la maison. 

Mon fils s'enfermera le moins qu'il sera possible. 



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ADOLPHE THIERS 



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LETTRE A GAUCHOIS-LEM AI RE 

Revue des Documents h .55. 



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ADOLPHE THIERS 



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LETTRE A GA UC H OIS-L EM A I RE 

/fevu* <*« Documents historiques, t. V, p. 55. 



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ADOLPHE THIERS 






Lettre écrite, sur la fin de 1824, au publiciste Cauchois- Lemaire, 
qui avait rendu compte, dans le Constitutionnel, des trois premiers 
volumes de l'Histoire de la Révolution française. Cette lettre offre un 
spécimen intéressant de la première écriture de l'illustre homme 
d'État. 

Vous direz, mon cher Lemaire, que ma reconnaissance 
n'est pas aussi vive que le sont mes désirs, mais vous aurez 
tort. Hier je voulais vous écrire pour vous remercier et j'en 
ai été empêché par d'horribles douleurs de ventre. Je vous 
rends donc grâce de votre article aussi flatteur pour moi 
qu'il pouvait l'être. Je souscris à toutes vos critiques, celle 
de négligence, celle d'avoir donné à Roland un rôle secon- 
daire ; je ne résiste que sur le chapitre de la politique révolu- 
tionnaire. Au reste, votre article était plein de vues et d'énerv 
gie de style, et on m'a félicité de tout côté d'avoir été non seu- 
lement loué si fort, mais loué avec autant de talent. 

Votre ami 

A. Thiers. 

Mardi 21, 

A Monsieur, Monsieur Cauchois-Lemaire, rue Coque- 
nart, n° 38. 




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CONDAMNATION D'UN SOLDAT 
POUR BLASPHÈME 

en i63i 



La collection de M. le baron de Girardot contient un procès-verbal 
de la condamnation d'un soldat, convaincu d'avoir proféré des blas- 
phèmes contre Dieu et contre la Vierge dans l'église de Plombières, 
près Dijon. Ce soldat était condamné à faire amende honorable devant 
l'église Notre-Dame de Melun, selon les rites accoutumés, et à avoir 
la langue percée d'un fer chaud ; après quoi il devait être ignominieu- 
sement banni de l'armée française. 

Le procès-verbal, sorte de programme de l'exécution de la sentence, 
peut-être incomplet du commencement, est signé par Jean-Louis de 
Nogaret, duc d'Épernon, qui, depuis i58i, était colonel général de 
l'infanterie française, et par son fils Bernard, duc de La Vallette, qui 
avait la survivance de cette charge. Au-dessous se trouvent plusieurs 
autres signatures, émanant sans doute des principaux officiers du régi- 
ment. 

Il sera dict que ledict Pierre Lebreton, dict Andugeon, 
prisonnier, est suffisamment attainct et convaincu des blas- 
phèmes exececrables par luy dictzet proférez contre l'honneur 
de Dieu et de la Vierge, ensemble des insolences par luy 
commises le dimanche trentiesme jour de mars dernier dans 
l'église de Plombières, près Dijon, et aultres cas mentionnez 
au procès, pour réparation de quoy il sera condamné à estre 
dégradé des armes à la teste du Régiment pour ce assemblé, 
ce faict, estre mis et livré entre les mains de l'exécuteur de 
la haulte justice, et après faire amande honorable nud 



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CONDAMNATION D'UN SOLDAT POUR BLASPHÈME 5j 

en chemise, la corde au col, tenant une torche ardente en ses 
mains du poids de deux livres, au devant de l'église Nostre 
Dame de Melun, et là à genoulz dire et déclarer que mes- 
chamment et malicieusement il a dict et proféré lesdictz blas- 
phèmes et commis lesdictes insolences, dont il se répend et 
en demande pardon à Dieu, à la Vierge, au Roi et à Monsei- 
gneur le Colonnel, et en suitte à avoir la langue persée d'un 
fer chaud, aussy à la teste dudict régiment, qui sera assemblé, 
et après banny de toutes les bandes françoises avec deffenses 
de plus s'y trouver, à peine de la hard. Faict à Fontainebleau 
le mercredy dernier jour d'apvril mil six cens trente ung. 






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Valencei. — Brissac. — De Loustalneau. — 
• — Maleyssys. — Savigniac. — Droué. — 

— GUENES. — J. DE MYRAUMONT. — MeSTIVIER. 



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HONORÉ DE BALZAC 



Les deux lettres suivantes, que j'emprunte à la collection de M. le 
baron de Girardot, n'ont point été imprimées dans la correspondance 
publiée chez M. Calmann Lévy (i). Toutes deux sont adressées à une 
amie dévouée, Madame Zulma Carraud, dont le mari, commandant 
d'artillerie, venait de quitter la direction des études à l'Ecole militaire 
de Saint-Cyr pour le poste d'inspecteur de la poudrerie d'Angou- 
lême (2). 

La première fut écrite, de Paris, à la fin de décembre i83i, alors 
que Balzac revenait d'un voyage à Angoulême. En voici le texte : 

Oh ! votre lettre m'a réchauffé le cœur et Pâme. Que 
c'est une bonne chose que d'être aimé ! Je vous prouverai 
d'ici à quinze jours que je me suis occupé des bons jours 
d* Angoulême. Je vous enverrai ma relation du voyage que 
j'ai fait à Java pendant mon séjour à la poudrerie (3). Il y a 
un exemplaire pour le bon M. G. D. Besançon (4), dont je 
n'ai pas voulu citer le nom sans savoir si mes fervens 

(1) Correspondance d Honoré de Balzac (1819-1850), tome XXIV de ses Œuvres com- 
plètes ; Paris, Calmann Lévy, 1876, in-8. 

(3) Madame Zulma Carraud avait été l'amie d'enfance de Madame Laure de Surville, 
sœur de Balzac. Celui-ci, dès 1828, entretint avec elle une correspondance suivie. Il lui 
dédia la Maison Nucingen. (Cf. Correspondance de Balzac, p. 53, note.) 

(3) Le Voyage de Paris à Java fut publié dans la Revue de Paris en novembre i83a. 
(Cf. Histoire des Œuvres de Balzac par Ch. de Lovenjoul ; Paris, Calmann Lévy, 1879, 
in-8, p. 34s.) 

(4) M. Grand-Besançon, commissaire des poudres à Angoulême. 



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HONORÉ DE BALZAC 59 

éloges ne blesseraient pas sa modestie. Mais le fait est que 
V Upar, la Javane, le Bengali, le Prêtre des singes, tout 
cela est consigné dans la Revue des Deux-Mondes ou le sera 
bientôt. J'espère que vous verrez bien que j'étais entre vous 
trois en écrivant chaque ligne. 

Ici je n'ai trouvé que des ennuis. Mon article Cornélius 
delà Revue de Paris, massacré par le directeur (i); des 
ennemis partout; des dettes plus que je n'en voulais; notre 
grande affaire ajournée encore parce que nous voulons 
donner les 96 volumes pour 80 francs par an — nous en avons 
trouvé les moyens — tout cela me fait travailler nuit et jour. 
J'ai pendant un mois à ne pas quitter ma table où je jette 
ma vie, comme un alchimiste son or dans un creuset. 

Le tems est si mauvais et mes deux chevaux si chers que 
je n'ose aller à Saint-Cyr. Cependant au premier jour je 
tomberai chez le capitaine (2), qui m'a écrit une lettre ravis- 
sante de grâce, de style et d'amitié. 

Le grand Borget (3) a vu démolir mon projet. Il n'est plus 
question de voyageurs. 

Quant au papier, je vous enverrai un échantillon. Quant 
au carric de mon commissaire, il est parti sérieusement; j'ai 
le reçu de la diligence. Quant à la femme, il s'en présente 
quelques unes; mais je ne me lierai qu'à bon escient. Et, si 
je suis riche, comptez que j'aurai le moins de valets pos- 
sible, que je vivrai pachaliquement dans une terre et que je 
ne serai que quatre mois à Paris; que je préfère des amitiés 
à toutes les richesses et que la meilleure jouissance sera tou- 
jours pour moi une causerie au coin du feu avec trois ou 
quatre bonnes à moi, indulgentes et gaies. 

(1) Maître Cornélius, publié, en décembre i83i, dans la Revue de Paris, dont 
Charles Rabou était alors directeur. (Cf. Histoire des Œuvres de Balzac, p. i85.) 

(3) Le capitaine Periollas, sous-directeur des études & Saint-Cyr. (V. .lettre du 
14 avril i83o, dans la Correspondance, p. 69.) 

(3) Auguste Borget, peintre de genre, qui habitait avec Balzac. 



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60 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Pour tout ce que vous souhaiterez comptez sur moi; 
mettez-moi à l'épreuve et 'ne craignez jamais d'user ratta- 
chement sincère et profond que vous a voué 




Mille compliments affectueux à M. Gd. Besançon et mille 
amitiés au bon inspecteur. 

La seconde lettre est de septembre i833. Elle est toute relative au 
procès qu'il venait de soutenir contre l'éditeur Marne à propos de la 
publication de son Médecin de campagne (i). 

Il y a longtemps que je ne vous ai écrit, à vous qui me 
donnez une si pure et si belle amitié, moi qui voudrais vous 
la rendre au centuple; mais vous m'excuserez, n'est-ce pas; 
j'ai tant souffert ! des souffrances qui se racontent de cœur à 
coeur, mais il est impossible de les écrire. 

Vous dire ce qu'est un procès qui dure depuis deux mois, 
je ne le tenterai pas. J'aurai le chagrin de ne pas vous en- 
voyer le Médecin de campagne. Je n'en veux pas accepter 
un exemplaire de mon infâme libraire, Marne. Et le juge- 
ment arbitral ne m'en accorde pas un seul. Vous qui avez 
une âme à sentir ce grand, cet immense ouvrage, imparfait 
encore, mais qui a dévoré i5o nuits et 7 mois de travaux, 
vous vous demanderez par quelle fatalité j'ai reçu des ou- 



( 1 ) Cf. dans la Correspondance plusieurs lettres sur son procis avec Mamc [p. 1 7$ *t 
surtout celle du a août i833, où Balzac fait part à Madame Carraud de la «oteoce i 
venait d'être rendue. 




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HONORÉ DE BALZAC tl 

trages à chaque pas, par quelle raison l'on me dépouille de 
mes droits d'auteur quand je n'ai pas de traité avec le 
libraire. Mais je laisse cela. L'ouvrage paraît dans dix jours. 
Je serai forcé de faire une 2* édition avant celle à 20 sous. 

Vous ne m'avez pas écrit ou fait écrire. Comment allez- 
vous ? Savez-vous que ma pensée a souvent voyagé vers 
Angoulême, que je n'ai pas tant d'amis que je ne sache pas 
vous donner ,plus d'une pensée par jour. Oh ! je suis bien 
abattu, bien changé. Pour réparer mes pertes, il faut recom- 
mencer d'autres travaux. Point de repos possible. J'avais 
rêvé d'aller aux Pyrénées avec celle que vous nommez mon 
ange et qui est plus encore, je crois. Nous nous arrêtions à 
Angoulême, nous allions à Bourges. Le malheur emporte 
tout, excepté les sentimens doux, la reconnaissance, et vous 
ne saurez jamais combien vous avez de part, une grande 
part, inattaquable, dans le coeur d'un pauvre poëte à qui 
vous avez été toujours bonne, tendre, hospitalière. Je me 
surprends parfois à prier. Je demande au ciel de vous don- 
ner le bonheur que vous désirez, de la santé pour Yvan, de 
la santé pour vous. La composition du Médecin de cam- 
pagne a agi sur mon caractère. Un constant malheur fait 
lever les yeux au ciel. Je suis triste, je sens qu'à de tels 
travaux la vie s'en va, mais je ne la regretterai pas. Parmi 
les bons momens que j'ai eus je compte ceux qui se sont 
passés près de vous. Dites bien à votre maître et seigneur 
tout l'attachement que je lui porte. Et adieu pour aujour- 
d'hui. Pensez à moi, je vous aime et pense à vous. Donnez- 
moi ou faites-moi donner de vos nouvelles. Sans l'argent 
et la distance, j'irais vous voir plus souvent, mais cette année 
je ne suis pas riche. 

Si j'avais complètement perdu mon procès, je quittais la 
littérature et la France, et j'allais prendre du service en 
Russie comme Pozzo di Borgo. 

Il faut maintenant, au lieu de me reposer, recommencer 



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62 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

d'autres travaux, des -travaux énormes, le 3** dixain, le pri- 
vilège et l'achèvement des Etudes de mœurs. 

Adieu. Trouvez ici mille bonnes et tendres pensées. Faites 
venir le Médecin de campagne. Lisez-le et entendez parfois 
la voix qui vous est connue. Quant à moi je sais bien où 
vous serez attendrie et ce que vous improuverez. 

J'écris aujourd'hui à Limoges (i). Je sais que vous vous 
y êtes occupée de moi; je vous ai bien reconnue. 

Quand vous écrirez au capitaine, dites-lui qu'il a plus que 
des souvenirs chez 

Honoré. 

(i) A Limoges était Madame Nivet, belle-sœur de Madame Carraud. 



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LE BARON DE GRIMM 



La marquise d'Epinay mourut à Paris le i5 avril 1783, à l'âge de 
58 ans, et fut enterrée le 17 dans le cimetière de la paroisse de la Made- 
leine et de la Ville-l'Evêque (1). Le lendemain même de cette cérémo- 
nie, Grimm, le fidèle ami de la marquise, depuis trente ans, adressa au 
comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères, la supplique 
qu'on va lire et qui est tout entière relative au sort de la petite-fille de 
Madame d'Epinay, Mademoiselle de Belsunce. Quoiqu'elle n'eût que 
quinze ans, Mademoiselle de Belsunce était déjà un personnage. 
Catherine II, qui avait lu les Conversations d'Emilie, avait demandé à 
Grimm quelle était l'interlocutrice de l'auteur, et, lorsqu'elle avait su 
son nom et sa qualité, elle avait chargé son souffre-douleurs (c'est ainsi 
qu'elle appelait Grimm dans l'intimité de sa correspondance) de ses 
bienfaits pour Emilie. 

Monsieur le Comte, 

Ce n'est pas au Ministre des Afaires étrangères, c'est au 
chef du Conseil des Finances et plus encore à un père 
tendre et sensible que j'ose adresser cette requête. Qu'il me 

li) Cf. l'acte de décès publié par M. Paul Boiteau dans ton édition des Mémoires de 
Madame d'Epinay {Paris, Charpentier, i863, t. II, p. 473). 



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64 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

soit permis de rappeller à votre Excellence avec quel intérêt 
vous daignâtes, au commencement de l'année dernière, pro- 
téger Madame d'Epinay, lorsque PImpératrice de Russie la 
fit recommander aux bontés du Roi, à cause d'un ouvrage 
d'éducation qu'elle avait publié sous le titre de Conversai ions 
d'Emilie. Ce livre n'a pas seulement réussi auprès de cette 
grande Princesse, il a été singulièrement estimé en France et 
dans les pays étrangers ; il a été regardé comme un modèle, 
comme un livre classique, et, au mois de janvier dernier, 
l'Académie française, ayant à prononcer pour la première 
fois sur le prix d'utilité récemment fondé, a adjugé ce prix 
aux Conversations d'Emilie comme à l'ouvrage le plus utile 
à la Société qui eût paru dans le cours de Tannée. 

Madame d'Epinay osait demander alors qu'eu égard à 
l'intercession de l'Impératrice, le Roi voulut bien lui laisser 
la somme de huit mille livres que M. Necker lui avait fait 
donner comme gratification par le Trésor royal, et que M. de 
Fleury revendiquait parce qu'il n'avait trouvé le bon de 
Sa Majesté sur cet objet. Vous vous rappeliez sans doute, 
Monsieur le Comte, que, malgré toute votre protection, 
M. de Fleury ne pût être déterminé à lui obtenir de la bonté 
du Roi cette modique somme, qu'elle avait touchée plus de 
dix huit mois auparavant, dans un moment très pressant, 
et qu'enfin elle a été définitivement obligée de la restituer au 
Trésor royal. 

Après plus de douze ans de maladie et de soufrances 
inouies Madame d'Epinay vient de succomber à ses maux, 
laissant cette Emilie de Belsunce, l'objet de son livre et de 
toute sa tendresse, sa petite fille et son élève, sans ressource 
à l'âge de quinze ans. Madame d'Epinay a joui pendant les 
deux dernières années de sa vie d'une pension de cinq mille 
livres pour tout dédommagement d'un intérêt dont elle avait 
joui dans les fermes générales, et cette grâce du Roi a été 
particulièrement employée à l'éducation de cette Emilie qui 



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LE BARON DE GRIMM 65 

a eu un succès décidé et distingué. Cependant, votre Excel- 
lence daignera remarquer que, moyénant la restitution exigée 
des huit mille livres, Madame d'Epinay n'a eu effectivement 
que deux mille livres de rente le peu de temps qu'elle a joui 
de la pension accordée par Sa Majesté. 

Daignez , Monsieur *le Comte , accorder à l'infortunée 
Emilie les bontés dont vous avez honoré sa grand'mère qui 
vient d'expirer. Le vicomte de Belsunce a servi le Roi toute 
sa vie et son frère, après avoir servi avec distinction en Alle- 
magne, est mort Gouverneur de Saint-Domingue. Le vicomte 
et la vicomtesse de Belsunce n'ont qu'une fortune très bornée 
et soutienent leurs deux fils au service du Roi; il ne leur 
reste rien pour leur fille. Ils vienent d'adresser avec toute 
la famille un mémoire à Monsieur le Contrôleur général des 
Finances, pour obtenir de la bonté de Sa Majesté une 
portion, en faveur d'Emilie, de la pension dont sa grand'- 
mère a à peine joui. J'ose mettre ce mémoire sous les 
yeux de votre Excellence. Si vous daignez Tapuyer de 
votre protection auprès de Monsieur le Contrôleur général, 
de votre intercession auprès du Roi, cette humble requête 
sera exaucée. Emilie de Belsunce est reçue Chanoinesse au 
chapitre noble de FArgentière, et la grâce que Sa Majesté 
lui accordera lui fournira le moyen de vivre d'une manière 
décente et convenable à sa naissance. M. l'Intendant d'Auch, 
qui connaît son père et sa mère, doit avoir l'honneur d'en 
parler à votre Excellence. Si je puis me flater, Monsieur le 
Comte, que vous m'honorez de quelque estime, j'ose vous 
assurer que vous n'aurez jamais fait une action plus digne 
de vous qu'en prenant sous votre protection une fille de la 
plus grande espérance, issue d'une maison très ancienne, et 
qui, après l'enfance la plus heureuse et la plus soignée, vient 
de tomber dans l'abîme le plus efrayant. On ne peut la 
connaître sans s'y intéresser, on ne peut songer à son mal- 
heur, sans avoir l'ame déchirée. 

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66 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Pardonez en faveur de ce sentiment douloureux la liberté 
que j'ai osé prendre, et agréez l'hommage du respect avec 
lequel je suis 



Si le comte de Vergennes eut peu d'égard à cette supplique, Cathe- 
rine II du moins n'oublia pas sa protégée. Elle la dota et la maria, 
en 1 786, au comte de Bueil. A la Révolution, le vicomte de Belzunce, 
frère de Madame de Bueil, major au régiment de Bourbon, en garni- 
son à Caen, fut massacré dans une émeute. Sa famille effrayée quitta la 
France et, après avoir erré en Belgique et en Allemagne, où Grimm la 
rejoignit, elle se fixa en Russie, où plusieurs de ses membres résident 
encore (1). 

(1) Cf., sur les diverses circonstances de la dotation de Mademoiselle de Belzunce, de 
son mariage et de ses voyages pendant l'Émigration, le Mémoire de Grimm sur V origine 
et les suites de mon attachement pour l'impératrice Catherine H jusqu'au décès de sa 
Majesté Impériale. Ce mémoire, écrit en 1797, a été imprimé, pour la première fois, dans 
le tome II du Recueil de la Société historique russe, et publié avec annotations par 
M. Maurice Tourncux dans le tome II de son excellente édition de la Correspondance 
littéraire de Grimm. Il est question, dans ce mémoire (p. 34), de la lettre dont je donne 
ici le texte et du peu de succès qu'elle obtint. 



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^ - - :c- ^uc tous me co- 



"*' * : «.-.v ^ Jtre oss à son 

•* x - " ^ »- "îr^a «a» Près le 



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CHARLES III, CARDINAL DE BOURBON 



Le cardinal Charles de Bourbon, II e du nom, que les ligueurs avaient 
proclamé roi de France sous le nom de Charles X, mourut le 8 mai 
1590 (1) dans le château de Fontenay-le-Comte, où son neveu Henri IV 
le retenait prisonnier. Il était âgé de 70 ans, et, pendant sa longue car- 
rière, il avait obtenu un grand nombre d'évêchés et d'abbayes. Évêque 
de Nevers (1540), puis de Saintes, créé cardinal par Paul III en 1548, 
il avait été promu en i55o à l'archevêché de Rouen, qu'il occupait 
encore au moment de sa mort, malgré sa captivité. Il possédait, en 
outre, les riches abbayes de Saint-Denis, de Saint-Germain des Prés et 
de Saint-Ouen. Il laissait comme héritier de ses titres et de ses dignités 
un petit-neveu, Charles, cardinal de Vendôme, quatrième fils du prince 
Louis I er de Coudé. Ce jeune homme avait persévéré dans la foi catho- 
lique et avait été créé, à 21 ans, cardinal par Grégoire XIII (1 583). Il 
n'avait que 28 ans lors, de la mort de son grand-oncle, dont il recueillit 
l'importante succession. Devenu cardinal de Bourbon et archevêque de 
Rouen, il s'occupa d'abord de faire transporter le corps du défunt à la 
Chartreuse de Gaillon, où le cardinal avait élu sa sépulture (2). La 
lettre suivante, dont je ne connais pas le destinataire, a trait aux dé- 
marches qu'il dut faire auprès du roi Henri IV à cette occasion. 

Monsieur, je croy que vous aurés entendu la perte que 
nous avons faicte de feu Monsieur , qu'il a pieu à Dieu 
appeller à soy après avoir esté fort travaillé de la pierre qui 
luy a donné une rétention et inflammation d'urine, et 
faict jeter le swg qui luy a apporté une fiebvre continue et 

m 

(1) Cette date du 8 mai 1590 a été donnée par Pal ma Cayet et l'Estoille. J'ignore 
pourquoi les biographies modernes, celles de Didot et de Lalanne, entre autres, ont fixé 
au 9 mai la mort du cardinal de Bourbon. 

(2) Cf. Chronologie novenaire de Palma Cayet, édition Michaud et Poujoulat, t. XII, 
p. a3a. 



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68 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

enfin la mort, qui est une des plus grandes afflictions que 
j'eusse peu recevoir. En laquelle d'autant que vous y parti- 
cipés, je n'ay voulu faillir vous en advertir pour me condou- 
loir avec vous et tascher par ce moyen à modérer nostre 
commune douleur. J'ay aussy tost dépesché vers le Roy 
pour me permettre de faire venir à Fontevrault ou en ceste 
ville le corps, attendant la commodité de le faire dignement 
porter à la Chartrouze de Gaillon, où il a esleu sa sépulture 
et son cœur à Rouen; vous suppliant, Monsieur, de croire 
que tant que Dieu me donnera le moyen je n'oublieray ny 
espargneray rien de ce que je dois à l'honneur de sa mémoire 
pour ne me rendre seulement successeur des charges qu'il 
m'avoit résignées en l'église, ains aussy héritier de ses 
sainctes intentions et de Paffection que je scay qu'il vous 
portoit, pour accroistre celle que je vous doibs à vous faire 
service toute ma vie, de mesme volonté que vous me co- 
gnoistrés, Monsieur, par efFect 

Vostre très humble cousin et serviteur, 

Charles, Car* 1 de Bourbon. 

De Tours, ce 16 may i5go. 
J'attends, Monsieur, de vos nouvelles 
sur la résolution de vostre partement. 

Le troisième cardinal de Bourbon ne survécut que quatre ans à son 
grand-oncle. Il mourut dans son abbaye de Saint-Germain des Prés le 
3o juillet 1594, à Page de 3i ans. 



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LE PRINCE JULES DE POLIGNAC 



Armand et Jules de Polignac, prisonniers d'État depuis le procès de 
Georges Cadoudal, parvinrent à s'échapper en janvier 1814 et à rejoin- 
dre dans la Haute-Saône le comte d'Artois. Après le retour de Napo- 
léon de l'île d'Elbe, ils suivirent le Roi en exil. Jules, à peine arrivé à 
Gand, écrivit à son père, qui, depuis la Révolution, habitait la Russie, 
la lettre suivante où il lui narre les extraordinaires événements qui 
avaient de nouveau renversé les Bourbons (1). Ce récit d'un témoin 
oculaire, les considérations qui l'accompagnent, ainsi que l'exposé des 
espérances du parti royaliste, m'ont paru dignes d'être conservés. On 
y reconnaîtra sans peine les doctrines politiques du futur auteur des 
ordonnances de juillet. 

Gand, ce 2 avril i8i5. 

Je reviens à peine de ma surprise, lorsque je considère le 
lieu d'où je date cette lettre, mon cher papa : les événemens 
qui remplissent le mois de mars dernier surpassent tout ce 
que nous avons vu depuis 25 ans ; la postérité croira à 
peine qu'un Roi, obéi par cent vingt mille soldats jusqu'à 
cette époque, chéri de toute une nation puissante et popu- 
leuse, dont les droits à la couronné étoient assurés par les 
vœux de l'Europe entière, ait été déplacé de son trône dans 
l'espace de vingt jours, sans secousse et sans coup férir; la 
providence seule peut frapper de semblables coups. Elle a 
ses vues sans doute, respectons-les. Cette crise ne sera pas, je 
crois, de longue durée, mais elle sera forte. La famille Royale 

(1) Cette lettre fait partie d'une collection d'autographes qui sera vendue prochaine* 
ment. 



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70 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

est partie de Paris dans la nuit du 20 au 21 du mois dernier. 
Le Roi a pris les devants en poste, s'est réfugié dans Lille, 
mais les troupes, qui partout ont trahi, Tont encore forcé de 
sortir de cette ville. Il est maintenant à Gand ; Monsieur et 
M« r Duc de Berry sont sortis la même nuit que le Roi, mais 
ils ont été accompagnés par la maison du Roi. Armand (1) 
et moi nous étions de ce triste cortège; nous nous dirigeâmes 
vers les frontières à marches forcées, et nous finîmes par les 
atteindre après six jours d'une route pénible, qu'une pluie 
continuelle rendoit encore plus désagréable. Nous échap- 
pâmes, comme par miracle, car nous étions environnés 
de troupes françaises, auxquelles cependant nous dérobâmes 
quelques marches : sur les^ frontières la maison du Roi fut 
licenciée; les princes, accompagnés de quelques braves, pas- 
sèrent sur le territoire de l'étranger : quel contraste avec 
leur position d'il y a un mois ; quelle abondante matière de 
réflexion n'offre point la réponse qu'eut pu faire Monsieur, 
qui, se présentant presque seul à cheval aux portes fortifiées 
de la ville d'Ypres, appartenant à présent au Roi Belge, 
pouvoit répondre au sentinelle qui arrêtoit sa marche :je 
suis Charles Philippe de France, ouvre\ moi vos portes, je 
fuis une patrie ingrate ! ! D'Ypres nous nous sommes rendus 
à Gand, où nous sommes maintenant. Madame Duchesse 
d'Angoulême étoit encore le 16 à Bordeaux et M« r Duc 
d'Angoulême le i5 à Nismes. Melchior (2) s'étoit mis en route 
pour aller le rejoindre huit jours avant notre départ de Paris : 
il l'aura fait sans difficulté. 

Toute la nation regrette le Roi ; elle est maintenant dans 
un état de stupeur; la rapidité des événements a déjoue 
toute opposition de sa part. Depuis longtemps, mon cher 
papa, je prévoyois une catastrophe en France si l'on adoptoit 
point d'autres mesures que celles que l'on prenoit; notre 

(1) Son frère aîné. 

(3) Son pins jeune frère, qui était alors colonel et aide de camp du duc d'Angoulême. 



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LE PRINCE JULES DE POLIGNAC 71 

ministère, composé de personnes ou peu capables ou mépri- 
sables, poussoient le Roi dans le précipice; cette fausse 
application de clémence, qui dégéneroit en foiblesse, avoit 
pour résultat de placer à la tête des principales administra- 
tions civiles et militaires des hommes ennemis du Roi et de 
l'État, qui Pont trahi jusqu'au dernier moment et ont rendu 
vains tous les moyens de sûreté qu'il a voulu prendre. Enfin, 
Dieu a permis cette épreuve; elle est dure, sans doute, 
sachons en profiter. Il paroit que le midi de la France n'est 
pas encore soumis à Buonaparte. La cause royale devient 
celle de l'Europe; des armées considérables s'avancent sur 
les frontières françaises; on peut donc tout espérer, mais 
quels sacrifices ces efforts ne couteront-ils pas à notre mal- 
heureuse patrie. 

De Gand, ce 10 avril. — Les affaires prennent une bonne * 
tournure, les puissances envoyent de puissantes armées pour 
détruire Buonaparte; dans quinze jours les opérations 
militaires commenceront : les nouvelles de l'intérieur sont 
bonnes ; beaucoup de soldats désertent pour aller chez eux. 
M« r Duc et Madame Duchesse d'Angoulême tiennent tou- 
jours en Provence et à Bordeaux. Je pars demain pour aller 
rejoindre M* r le Duc d'Angoulême ; je passerai par la Suisse 
et le Piémont. Le duc de Wellington, qui commande toutes 
les armées des Pays-Bas, assure qu'à la fin du mois de mai 
on doit être arrivé à Paris. 

Adieu, mon cher Papa ; cette lettre est aussi pour ma 
tante; je vous embrasse tendrement tous deux. Portez- vous 
bien; votre santé nous est si chère. Vous embrasser, vous 
revoir est pour moi la pensée qui me console de tout. 

Armand vous embrasse bien tendrement aussi, ainsi que 
ma tante. Il vous écrira la prochaine fois. 

Jules. 



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FOUCQUET A PIGNEROL 



Le surintendant Foucquet fut condamné au bannissement perpétuel 
le 20 décembre 1664. Louis XIV changea le bannissement en détention 
perpétuelle, aggravant ainsi la peine. Foucquet fut donc enfermé au 
château de Pignerol : on préposa à sa garde une compagnie d'infan- 
terie, commandée par le capitaine Bénigne* de Saint-Mars. Voici le 
texte d'une quittance donnée par ce capitaine, pour les frais de chauf- 
fage et d'éclairage de la chambre du prisonnier et des corps de garde 
où logeaient les soldats. 

Nous Bénigne de Saint-Mars, capitaine d'une compagnie 
d'infanterie servant à la garde du sieur Fouquet, confessons 
avoir receu comptant de maistre François Le Maire de Ville- 
romard, conseiller du Roy et trésorier-général de l'extraor- 
dinaire des guerres et cavallerie légère, par les mains de son 
commis, la somme de cent livres ordonnée pour les bois et 
chandelles tant de la chambre dudit sieur Fouquet que des 
corps de garde pendant le présent mois de juin. De laquelle 
somme de cent livres nous nous tenons content, bien payé, 
en quittons ledit sieur de Villeromard et tous autres, tesmoing 
nostre seing cy mis le xxix e jour de juin mil six cent soixante- 
six. 

Bénigne de S'-Mars. 

Derrière la quittance, on lit ces mots de la main du capitaine : 

Pour servir de quitence de la somme de cent livres pour 
le bois et chandelle pour chambres de monsieur Fouquet et 
cors de garde pour le mois de juin de la présente anné 
1666. 



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FRÉDÉRIC-GUILLAUME III 

ROI DE PRUSSE 



Le comte d'Artois devint roi de France le 16 septembre 1824, par 
suite de la mort de son frère Louis XVIII, et il prit le nom de Charles X. 
Il se fit sacrer à Reims le 29 mai 1825. Tous les souverains d'Europe 
avaient, selon la coutume, délégué à cette cérémonie des représentants. 
Le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III, qui avait connu personnel- 
lement le comte d'Artois pendant son long exil, choisit pour son repré- 
sentant le général de Zastrow. Ce dernier s'était distingué dans cette 
mémorable campagne de France, qui avait rendu le trône aux Bour- 
bons. Frédéric-Guillaume III chargea son envoyé de remettre à Charles X 
la lettre autographe que je publie ci-après : 

Monsieur mon frère, 

Le couronnement de Votre Majesté met le dernier sceau à 
la restauration, que le besoin et les vœux de l'Europe et de 
la France appelaient également. Cette auguste cérémonie 
répand un nouvel éclat sur un règne qui a commencé sous 
les plus heureux auspices. L'Europe entière est intéressée à 
ce grand événement qui consolide Tordre social et la paix du 
monde civilisé. Vous connaisses, Sire, mes sentimens pour 
vous et rattachement que je vous ai voué pour la vie ; vous 
savez aussi combien me sont chers les principes qui forment 
aujourd'hui de toute l'Europe une seule famille et qui sont 
gravés dans votre cœur comme dans le mien ; mais je suis 
jaloux de vous exprimer mes sentimens dans cette occasion 
d'une manière marquée et particulière. J'ai chargé mon 
général d'Infanterie de Zastrow d'en être l'interprète auprès 



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FRÉDÉRIC-GUILLAUME III *jS 

de vous, Sire, dans ce moment solennel, et d'assister en mon 
nom à une cérémonie qui comble vos vœux et ceux de tous 
vos alliés et amis. Puisse le Dieu de vos Pères vous bénir et 
vous protéger. Puisse-t-il vous faire trouver dans le bonheur 
et dans la reconnaissance de votre peuple la seule récom- 
pense qui soit digne de votre cœur. 
C'est avec ces sentimens que je ne cesserai d'être 

4^> ^/jT~ jT^***» 



Berlin, ce 7 may 1825. 



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LE CARDINAL ALBERONI 



Louis XIV étant mort le i" septembre 1715, le duc d'Orléans fit 
aussitôt casser par le Parlement le testament royal qui lui accordait la 
Régence, mais avec de trop grandes réserves. Il obtint l'autorité toute 
entière et fit part aux Souverains étrangers de la mort de Louis XIV 
et de son avènement à la Régence. Le roi d'Espagne Philippe V 
ambitionnait cette haute situation, qui lui aurait permis de gouverner 
deux États et de s'ingérer dans les affaires de France; mais il dut dissi- 
muler, et, le 16 septembre 171 5, son premier ministre Alberoni 
adressa au Régent une lettre de félicitations, dont voici le texte : 

Monseigneur, 

V. A. R. veut bien que je puisse regreter la perte que 
vient de faire la France pour la mort d'un si grand Roy, 
mais dans le même tems, que je puisse m'en consoler de la 
voir réparée par la Régence, que V. A. R. vient de prendre, 
dont la prudence, la sagesse, la capacité et l'expérience vont 
faire en sorte qu'on ne s'en repentira point, non seulement 
pour le dedans de la France que pour le dehors. Cette cour icy 
a été pénétrée et fort sensible à tout ce que V. A. R. luy a 
escrit, la voyant dans les principes et dans les maximes 
dignes de la grande sagesse de V. A. R., et qui vont establir 
l'union et l'intelligence très nécessaires pour assurer le repos 
et le bonheur des deux courones. Ces sont les vœux les plus 
ardents que je feray sans cesse, aussy bien pour une parfaitte 
santé et longue vie de V. A. R. de laquelle dépend unique^ 



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LE CARDINAL ALBERONI 77 

ment le salut delà plus grande partie de l'Europe. Je supplie 
V. A. R. de me regarder comme une personne qui luy est 
entièrement et fidèlement dévouée et qui sera toute sa vie 
avec un profond respect 

Monseigneur 

de V. A. R. 

Madrid, ce 1 6 septembre 1 7 1 5 . 

Les termes de cette lettre sont d'autant plus curieux que le Régent 
n'eut pas désormais de pire ennemi qu'Alberoni, qui faillit même le 
renverser, lors de la conspiration de Cellamare. 



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JOSEPH II 

EMPEREUR D'ALLEMAGNE 



L'archiduc Joseph, fils aîné de l'empereur François i« r et de la 
grande Marie-Thérèse, épousa, le 6 octobre 1760, Marie- Elisabeth, 
fille de Philippe, duc de Parme, et de Louise-Elisabeth de France, 
fille de Louis XV. Cette princesse mourut de la petite vérole le 27 no- 
vembre 1763, laissant une fille. Le i3 janvier 1765, l'archiduc épousa, 
en secondes noces, Joséphine-Antoinette de Bavière, fille de l'empereur 
Charles VU. Le 18 août suivant il succéda à son père comme empereur 
d'Allemagne sous le nom de Joseph II. Sa seconde union fut moins 
heureuse mais aussi courte que la première. Joséphine-Antoinette 
mourut le 28 mai 1767. Joseph II, qui prit dès lors la résolution de ne 
pas se remarier, concentra toute son affection sur sa fille unique. 
En 1 768 il fit peindre le portrait de cette enfant, alors âgée de six ans, et 
l'envoya au roi Louis XV. Il accompagna cet envoi de la lettre suivante 
qui mérite d'être conservée : 

Ma petite ne se présentera pas, même en peinture, à son 
cher Grand Grand Père, sans que je l'accompagne de ces 
lignes. Qu'il m'est doux, chère Grand Père, de pouvoir me 
servir de l'envoy de ces portraits, pour vous y réitérer tous 
les sentiments que l'amitié la plus vraie, l'estime et la plus 
sincère tendresse, savent faire naître dans un cœur aussi 
sensible et vrai que le mien. Oui, c'est avec mille plaisir que 
j'ose vous présenter ici ma fille, qui, unique gage de la plus 
digne Epouse, est d'un prix infini à mon cœur. Le grand 
Portrait peint à l'huile est très resemblant; vous n'y trou- 
vères guerre jusqu'asteur, chère Grand Père, des traits assés 
developés, pour lui trouver de la ressemblance avec feu sa 



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JOSEPH II 79 

charmante mère; mais sa vivacité, son esprit, sa facilité à 
concevoir ses petites leçons, me font espérer qu'elle aura de 
son caractère et de ses qualités essentielles, qui nous ren- 
doient tous si heureux, A ce prix, je lui fais voiontié grâce 
de la figure. Que ce portrait, chère Grand Père et respec- 
table ami, vous fasse quelquefois souvenir de moi. Ma fille, 
que j'embrasse journellement, me rapelle toujours qu'elle 
est du sang de Bourbon et que ce n'est que, tant que nous 
sommes liés politiquement et conjugalement même avec lui, 
que nous sommes tranquilles, et moi heureux. Adieu, chère 
grand Père; je vous embrasse de bien bon cœur et serai 
éternellement 




A mon frère et grand-père le Roi très chrétien. 
Vienne, ce 7 avril 1768. 

Ce rejeton des .Bourbons mourut le 24 janvier 1770, dans sa hui- 
tième année. Joseph II réalisa, néanmoins, le vœu qu'il avait formulé 
de rester lié politiquement et conjugalement avec la maison de 
Bourbon, car, cette même année, il conclut le mariage de sa sœur 
l'archiduchesse Marie-Antoinette avec le dauphin de France, 



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LE MARÉCHAL BRUNE 

Après le retour de Napoléon de l'île d'Elbe, le duc d'Angouléme se 
rendit à Marseille, dont la population, qui avait toujours été hostile au 
régime impérial, offrait les moyens d'organiser un centre de résistance 
à l'usurpateur. Le maréchal Masséna commandait alors à Marseille et 
dans toute la région du Midi. Ce vieux soldat républicain n'aimait ni 
Napoléon ni les Bourbons; indifférent aux questions de dynastie, il 
veillait seulement à ce que, sous le prétexte de venir au secours de 
Louis XVIII, les Anglais ne s'emparassent de Marseille ou de Toulon 
comme en 1793. Après que le duc d'Angouléme eut été pris par les 
soldats bonapartistes, Masséna, préoccupé du danger de livrer à nos 
ennemis nos ports du Midi, se retira, au commencement du mois 
d'avril 181 5, à Toulon, où il fit arborer le drapeau tricolore : puis, il 
somma Marseille d'abattre le drapeau blanc. Le 10 avril cette ville 
royaliste proclama le rétablissement de l'empire. A cette nouvelle, 
Napoléon manda Masséna auprès de lui et donna au maréchal Brune 
le commandement du Midi. Brune partit aussitôt pour Marseille ; 
après s'être rendu compte de la difficile mission qu'il avait à remplir 
au milieu de ces populations hostiles, il écrivit, le i or mai, au minis- 
tre de la guerre Davout la lettre suivante, qui est un document 
curieux pour l'histoire des Cent jours : 

Monsieur le Maréchal, 

Le lieutenant général Dalton est arrivé. L'esprit de Mar- 
seille est toujours le même. Une personne sage, attachée à 
l'Empereur, me disait, il y a deux jours, que si on dépavait 
les rues on trouverait une fleur de lys sous chaque pavé. Le 
désarmement paraît indispensable, mais il ne peut être assuré 
que par l'arrivée des troupes. Il faut un prétexte de malveil- 
lans, mais il n'est malheureusement que trop effectif. Cepen- 
dant il faut aussi que le pays soit tranquille aux yeux de 
l'Europe, pour qu'il n'y ait rien qui paraisse compromettre 
Punité de l'Empire. 



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LE MARECHAL BRUNE 8l 

Ma tâche est difficile à remplir : je dois tenir une ligne 
sage et ferme à la fois entre les excès. Des instructions, un 
pouvoir plus étendu me seraient peut-être nécessaires. Votre 
Excellence jugera sans doute convenable de soumettre ces 
idées à l'Empereur et je Ten prie. 

Les troupes de Corse ne sont pas arrivées. Le M d Suchet 
a arrêté la marche d'un bataillon du i3* de ligne. 

Le préfet maritime de Toulon me demande où sera prise 
la pharmacie pour l'Isle d'Elbe. Il attend les bâtiments de 
Corse pour organiser l'expédition de l'Isle d'Elbe. Il attend 
aussi le général Dalesme. Le bataillon du 1 6* est à Marseille 
prêta partir pour Toulon. Le 1 6* est le seul corps apparte- 
nant à la Provence qui s'y trouve disponible. 

L'organisation des gardes nationales sera lente, très lente 
et mauvaise. Il n'y a pas ensemble d'ordre. 

Votre Excellence ne pourrait-elle pas augmenter mes 
forces, du moins par des gardes nationales d'autres départe- 
mens ? Avec des forces premières, il faudra bien qu'on marche 
ici dans la bonne voie, comme le reste de la France ; mais 
il n'est pas prudent de menacer sans pouvoir punir, et com- 
mander sans être sur d'être obéi. J'attens avec impatience 
le 14* de chasseurs à cheval. Les choses commenceront à 
changer; la police ne sera plus un vain nom. 

Je prie votre Excellence de m'envoyer le général Guille- 
met. Je travaille seul. 

Agréez, Monsieur le Maréchal, 
les assurances* de la plus haute considération. 

M d Brune. 
Marseille, i* mai i8i5. 

Son Excellence le Prince d'Eckmulh, Maréchal, [Ministre 
de la Guerre. 



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RELIQUES DE SAINTE HÉLÈNE 



Sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, mourut à Nicomédie 
vers 327. Son corps fut transporté à Rome, où il fut déposé dans le 
tombeau des Empereurs (1). En 844 le moine Theugise rapporta ces 
précieux restes de Rome à Pabbaye d'Hautvillers, située à quatre 
ou cinq lieues de Reims (2). • * 

Au commencement du XV e siècle, la châsse qui renfermait le corps 
de sainte Hélène étant en mauvais état, l'abbé d'Hautvillers, Jean 
Bocheron (3), résolut de déposer ces saintes reliques dans une nouvelle 
châsse en argent. Cette translation eut lieu en grande pompe le 
7 mai 1410, par-devant Simon de Cramaud, archevêque de Reims, et 
plusieurs autres ecclésiastiques, et en présence d'une foule considérable 
de fidèles. Un acte authentique fut dressé et signé par l'archevêque et 
ses assistants. J'ai retrouvé l'original de ce document, qui a été 
reproduit dans les Acta Sanctorum (4). J'ai comparé les deux textes et 
reconnu quelques variantes. Aussi ai-je cru utile d'en publier de nou- 
veau le texte et de faire reproduire l'original en fac-similé. 

(!) D'autre part les Grecs affirment que sainte Hélène fut inhumée à Constantinople, 
d'où les Vénitiens la transportèrent, en iaia,à Venise. Les Romains, de leur côté, sou- 
tiennent que le corps de sainte Hélène est encore à Rome, dans l'église d'Ara Cœli. 

(a) Hautvillers était une abbaye de l'ordre de Saint-Benoît, qui fut fondée, vers 66a, sous 
l'invocation de saint Pierre et de saint Paul. Elle a fourni à l'Église plusieurs prélats 
remarquables (Cf. Dictionnaire des Abbayes, coll. de l'abbé Migne). — On trouve, dans 
les Acta Sanctorum. u III, p. 601, une relation du transport du corps de sainte Hélène 
de Rome à Hautvillers : « Historia translatants ad cœnobium Altivillarense, auctore 
Alamanno, ejusdem cœnobii monacho. • Flodoard, dans son Histoire de l'Église de 
Reims, a donné aussi une relation de cet événement. 

(3) Jean Bocheron était abbé d'Hautvillers, depuis i3oj. Il mourut le i« septembre 141 1 
et il fut remplacé par Guillaume Fillastre, qui figure dans l'acte publié ci-après (Cf. Gallia 
christ iana, t. IX, col. a5a). 

(4) T. III, p. 604, 



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RELIQUES DE SAINTE HÉLÈNE 83 

In nomine Domini amen. Anno Domini millesimo quadri- 
ngentesimo decimo, die sept ima mensismaii,indictionetertia, 
pontificatus sanctissimi in Christo patris et domini nostri (i) 
domini Alexandrie divina providentia pape quinti, anno 
primo, Nos Symon de Cramaudo, Lemovicensis diocesis, 
permissione divina archiepiscopus Remensis et dudum pa- 
triarcha Alexandrinus, truncum corporis béate Hélène, regine, 
matris Constantini imperatoris, que crucem Domini invenit, 
dudum circa annum Domini octingentesimum quadrigesimum 
quartum, de basilica beatorum Marcellini et Pétri, Rome (2), 
ad diocesum Remensem per Theugisum monachum trans- 
latum, proutexlitteris predecessorum nostrorum et antiquis 
hystoriis aliis que documentis fidem accepimus, in ecclesia 
monasterii Altivillarensis, dicte nostre diocesis, de veteri thoca 
in aliam novam argenteam, quam ad hoc Johannes, venera- 
bilis abbas dicti monasterii, paraverat, reverenter transtu- 
limus. Pro cujus reverencia specialiet spiritualifidelium pro- 
fectu, singulis qui in festivitatibus invencionis et exaltacionis 
sancte Crucis necnon dicte sancte Hélène, in augusto et fe- 
bruario, dictam ecclesiam dévote et in statu gracie visitaverint, 
quadraginta dies indulgencie singulis ipsarum festivitatum 
diebus contulimus, perpetuis temporibus durature. Actâ vero 
fuerunt hec super altare majus ipsius monasterii anno, die, 
indictione et pontificatu predictis, p resenti bus ad hec dicto 
abbate et conventu dicti monasterii, atque venerabilibus viris 
Guillermo Filiastri, utriusque juris doctore, decano, Poncio 
de Ulmonte et Simone de Ulmonte, canonicis nostre Remensis 
ecclesie, Sacre pagine professoribus, Johanne Raymondi, 
canonico Suessionensi, officiali nostro, ac religioso viro Fal- 
cone de Roeria, licenciatis in decretis, priore de Argentieyo (3), 

(1) Nostri est omis dtns les Acta Sanctorum. 

(2) Le texte des Acta Sanctorum porte Routa. 

(3) Le texte des Acta Sanctorum porte Argtnteyo. 



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84 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Cenomanensis (i) diocesis, et populi multitudinecopiosa. Qui 
prcnominati (2) inferius propriis manibus se subscripserunt, 
unacum nostro notario infrascripto. 

Simon, archiepiscopus Remcnsis. 
G. Filiastri, decanus. . 
Pondus de Ulmonte. 
S- de Ulmonte. 

Johannes Raymondi, officialis (3). 
Fulco de Roeria, Lemovicensis diocesis, manu 
propria (4). 

Au nom du Seigneur, ainsi soit-iL L'an du Seigneur mille quatre 
cent dix, le septième de mai, troisième indiction, la première année du 
pontificat du très Saint père en Christ et notre seigneur Alexandre, par 
la divine providence pape, cinquième du nom, Nous Simon de Cra- 
maud, du diocèse de Limoges, par la permission divine archevêque de 
Reims et naguère patriarche d'Alexandrie, nous avons pieusement 
transporté le tronc du corps de Sainte Hélène, reine, mère de l'empe- 
reur Constantin, qui trouva la croix de Notre-Seigneur, apporté 
naguère vers l'an 844 de la basilique des Saints Marcellin et Pierre, 
à Rome, au diocèse de Reims par le moine Theugise, ainsi qu'en font 
foi les lettres de nos prédécesseurs, les anciennes histoires et les docu- 
ments, nous Pavons transféré dans l'église du monastère d'Hautvillers, 
de notredit diocèse, d'une vieille châsse dans une nouvelle en argent, 
que Jean, vénérable abbé dudit monastère, avait préparée à cet effet. 
Pour la révérence spéciale de ce corps et pour le profit spirituel des 
fidèles, à chacun de ceux qui, dans les fêtes de l'invention et de l'exal- 
tation de la Sainte Croix ainsi que dans la fête de Sainte Hélène, aux 
mois d'août et de février, visiteront dévotement et en état de grâce 

(1) Gt nom est en blanc dtnt les Acta Sanctorum. 
(s) Les Acta Sanctorum portent seulement nominati. 

(3) Jetn Rtymond devint vicaire général de l'archevêque de Reims (Cf. Acta Sanctorum, 
t. III, p. 604). 

(4) Dtnt les Acta Sanctorum, la formule : Lemovicensis diocesis manu propria, suit la 
signature de l'archevêque. Si on s'en rapporte au texte de l'acte, on voit que Simon de 
Cramaud éttit en effet du diocèse de Limoges ; mais, dans l'original — comme on pourra 
s'en convaincre par l'examen du fac-similé — la formule ci-dessus est de la main de Foul- 
ques de Roeria* 



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RELIQUES DE SAINTE HÉLÈNE 85 

ladite église, nous avons accordé, chaque jour desdites fêtes, quarante 
jours d'indulgence perpétuelle. Ce fut fait sur le grand autel dudit 
monastère, Tannée, le jour, l'indiction et le pontificat susdits, en pré- 
sence dudit abbé et couvent dudit monastère et de vénérables per- 
sonnes Guillaume Fillastre, docteur de l'un et l'autre droit, doyen, 
Pons de Ulmont et Simon de Ulmoot, chanoines de notre église de 
Reims, professeurs d'écriture sacrée, Jean Raymond, chanoine de 
Soissons, notre officiai, et de religieuse personne Foulques de Roeria, 
licenciés en décrets, du prieur d'Argenteuil, du diocèse du Mans, et 
d'une grande foule de peuple. Les susnommés se sont souscrits plus 
bas de leurs propres mains, avec notre notaire soussigné. 

Simon de Cramaud était un personnage considérable dans l'Église. 
Né à Cramaud, près de Rochechouart, en Poitou, il avait été succes- 
sivement évéque d'Agen, de Béziers, d'Avignon et de Poitiers. Il avait 
combattu avec zèle les prétentions de l'anti-pape Benoît XIII, et la 
vigueur qu'il avait déployée à cet effet pendant le concile de Pise (1409), 
lui avait valu l'archevêché de Reims et le patriarchat d'Alexandrie. Un 
suprême honneur lui était réservé ; en 1413 il fut élevé au cardinalat 
par le pape Jean XXIII. Il mourut en 1429 et fut inhumé, selon l'his- 
torien Jean Besly, dans l'église de Saint-Pierre de Poitiers. 

Guillaume Fillastre, qui figure en seconde ligne dans la translation 
des reliques de sainte Hélène, était l'antagoniste de Simon de Cramaud. 
Né en 1347 ^ * a Suze, dans le Maine, ou à Huillé, dans l'Anjou, il 
avait soutenu l'anti-pape Benoît XIII. Il était, en 1410, doyen du 
chapitre de Reims, où il professait la théologie et les mathématiques. 
Quoique Fillastre eût toujours combattu Jean XXIII, celui-ci le créa 
cardinal en 141 1. Le nouveau cardinal devint archevêque d'Aix en 1421 
et se retira ensuite à Rome, où il mourut le 6 novembre 1428. 



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LE GÉNÉRAL BERNADOTTE 



En 1797 Bernadotte passa de l'armée de Sambre-et-Meuse à l'armée 
d'Italie. Là il fut sous les ordres d'un général plus jeune que lui, mais 
déjà illustre, Bonaparte. On dit que les deux compagnons d'armes 
portèrent l'un sur l'autre des jugements peu favorables. Bernadotte 
aurait prononcé ces mots prophétiques : « Je viens de voir un homme 
de vingt-six à vingt-sept ans, qui veut avoir l'air d'en avoir cinquante, 
et cela ne me présage rien de bon pour la République. » D'autre part 
Bonaparte aurait dit de Bernadotte : « C'est une tête française sur le 
cœur d'un Romain. » Quoi qu'il en soit de ces prétendus mots histo- 
riques, il est certain que Bernadotte n'eut pas à se plaindre de Bona- 
parte. Le Corse et le Béarnais, ces deux fondateurs de dynasties, 
vécurent en bonne intelligence. La lettre suivante, adressée au vieux 
général Kellermann, en est la preuve. On y remarquera cette phrase 
caractéristique : « J'épouse la gloire de l'armée d'Italie ; je m'attache à 
celle de son jeune général. » 

Egalité Liberté 

Padoue, le 18 ventôse 

5 f année républicaine (1). 

Vous êtes indulgent, mon cher respectable Général, vous 
pardonnes la paresse? ma lettre est tardive; mais, quoique 
j'aye négligé de vous écrire, le souvenir de vos bontés ne s'est 
point effacé de ma mémoire. Je le conserveray tant que durera 
mon existance en m'estimant heureux d'avoir votre amitié. 

Je n'ay pas à me plaindre de l'accueil qu'on m'a fait à 
l'armée. Si j'en juge d'après les apparences, je serviray agréa- 
it) 8 mars 1797. 



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LE GÉNÉRAL BERNÂDOTTE 87 

blement. S'il en étoit autrement, j'auray fait ma grande école 
et je payerai cher mon déplacement, car j'étois, toute vanité 
mise de côté, estimé à Parmee de Sambre-et-Meuse. Je ferai 
mes efforts pour mériter la bienveillance de mes camarades. 
Je mettrai à profit les conseils que vous avés pris la peine de 
me donner et je m'abandonneray au hazard des événements, 
en me mettant toujours au dessus d'eux. J'épouze la gloire 
de Tannée d'Italie; je m'attache à celle de son jeune général. 
Je désire qu'il ne soît pas ingrat, car son bonheur me tient 
fortement au cœur. 

Vous n'apprendrez pas sans intérêt, mon cher général, que 
je conserve cinq 1/2 brigades et un régiment de cavalerie. 
Cette manière d'agir du général en chef a du exciter ma recon- 
noissance; aussi j'i suis sensible. Ma division se ressemblée 
Padoue, après quoi j'espère qu'elle entrera en ligne. J'aurai 
souvent le plaisir de vous écrire; ne me privés pas, je vous 
prie, de celui d'apprendre de tems à autre que vous vous 
portés bien. Je n'ay pas encore vu votre fils; il me tarde de 
faire sa connoissance. Bonjour, mon brave général, conservés- 
moy votre tendresse et recevés l'assurance que je ressentiray 
vivement tout ce qui arrivera d'heureux à ce qui vous inté- 
resse. 




P. S. J'ai reçu l'ordre d'établir les dépôts de ma Division 
à Portolegnago. Je vous serai obligé d'ordonner à tous les 
détachements qui se trouvent dans le Montblanc d'en partir 
pour se rendre à Milan et de là à Portolegnago. 



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JEAN SANS PEUR 

DUC DE BOURGOGNE 



De tout temps la Bourgogne a été un pays de bonne chère. Ses 
vignobles, justement renommés, constituaient une richesse incompa- 
rable. Les souverains de ce pays fortuné savaient en apprécier, comme il 
convenait, les précieux produits, et ils se réservaient le vin des crus les 
plus renommés. Jean sans Peur aimait particulièrement celui de Beaune, 
dont il avait soin de garnir ses caves. Le receveur des aides de Beaune 
et de Nuits était chargé de veiller à cette dépense. La lettre suivante de 
Jean sans Peur en fait foi. 

Jehan, duc de Bourgoingne, conte de Flandres, d'Artois 
et de Bourgoingne, Palatin, seigneur de Salins et de Malins, 
à noz amez et féaulx les gens de noz comptes à Dijon, salut 
et dilection. Comme nostre bien amé receveur des aides ès- 
sièges de Beaune et de Nuiz et commis par nous à faire noz 
garnisons de vins de Beaune, Perrenot Quinot, du mande- 
ment et ordonnance de noz maistres d'ostel ait esté dudit 
lieu de Beaune en ceste ville de Paris par devers nous, pour 
monstrer Testât de sa recepte et savoir se sur icelle se 
pourroit prendre l'argent de quatre vins ou cent queues de 
vin dudit lieu de Beaune, que lesdiz maistres de nostredit 
hostel lui avoient escript arrester oultre et par dessus ce que 
par eulx lui avoit esté dernièrement ordonné, avec lequel 
Perrenot Quinot iceulx noz maistres d'ostel ont eu advis sur 
le fait desdiz vins, et aussi de sa dicte recepte, où il ait 



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JEAN SANS PEUR, DUC DE BOURGOGNE 89 

demouré et séjourné pour lesdictes causes dès le vi* jour de 
ce présent mois jusques au mil* jour d'icellui ensuivant, 
comme par certification d'iceulx maistres de nostredit hostel, 
escripte ledit xnn f jour de ce présent mois, peut apparoir, 
cinq jours qu'il vacqua à venir et autres cinq jours qu'il 
mectra à soy en aller, où sont comprins dix huit jours en- 
tiers; savoir vous faisons que, pour chascun desdiz jours, 
audit Perrenot Quinot avons tauxé et tauxons par ces pré- 
sentes, oultre et par dessus tous gaiges ordinaires ou pensions 
quelconques qu'il ait et prengne de nous, ung franc, qui mon- 
tent ensemble à la somme de dix huit frans. Si vous mandons 
alouer ès-comptes et rabatre de la recepte dudit Perrenot 
Quinot icelle somme de xvm frans, par raportant avec ces 
présentes ladicte certification seulement, sans aucun con- 
tredit ou difficulté, non obstant quelconques ordonnances, 
mandemens ou défenses à ce contraires. Donné à Paris le 
xxin* jour d'avril Tan de grâce mil cccc et dix. 

Par Monseigneur le Duc à vostre relation 
J. de Sauls. 

Ce curieux document m'a été gracieusement communiqué par 
M. Antonin Voisin, qui le conserve dans sa collection beaunoise. 



12 



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gî REVUE DES DOCUMENTS/HISTORIQUES 

lieu dans leurs établissements que de l'agrément de l'autorité. 
Persistant, Monsieur le Ministre, dans cette détermination 
àJ'égard de ce Directeur, j'ai cru convenable de vous en in- 
former, dans la confiance que vous y donnerez votre appro- 
bation. 

Agréez, Monsieur le Ministre, l'hommage démon respect, 

Le Conseiller d'État, Préfet de Police, 
Gisquet. 

Le ao janvier le ministre du commerce et des travaux publics répondit 
au Préfet de police la lettre suivante : 

MINISTÈRE 

DU COMMERCE 

ET DIS 

travaux publics Paris, le 20 janvier 1834. 

Monsieur le Préfet, j'ai reçu votre lettre en date du 16 
janvier courant par laquelle vous me faites connaître la con- 
duite inconvenante du Directeur de V Ambigu-Comique et la 
mesure que vous avez prise à son égard. 

Je ne puis qu'approuver cette mesure. Quoique le sieur de 
Cescaupène ait toujours eu soin de ne jouer aucune pièce 
nuisible à la tranquillité publique, il s'est rendu par l'acte 
que vous me signalez indigne de l'autorisation de donner des 
bals. 

Toutefois, je regrette, Monsieur le Préfet, que le sieur de 
Cescaupène ait pu croire, d'après les autorisations accor- 
dées à d'autres directeurs, qui sont moins dévoués au Gou- 
vernement, d'après les autorisations accordées pour les ba- 
zars Montesquieu et Saint-Honoré, dont les entrepreneurs 
sont en contravention avec vos arrêtés, ait pu croire, dis-je, 
que l'administration manquait de justice à son égard. 

Au milieu de vos soins si éclairés pour le maintien de Tordre 



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LES BALSL MASQUÉS A PARIS 9$ 

et de la tranquillité publique, je vous prie de ne pas perdre 
de vue qu'il importe que l'administration favorise autant que 
possible la prospérité des théâtres, et surtout de ceux dont 
les directeurs ne sont pas hostiles au Gouvernement. 

Néanmoins la conduite du sieur de Cescaupène a été telle 
que, quelque soient les motifs qui puissent être allégués pour 
r excuser, il me parait convenable de maintenir votre refus. 

Agréez, Monsieur le Préfet, etc. 

M. le Conseiller d'État, Préfet de Police. 

Le Préfet crut devoir justifier sa conduite et, dans ce but, il donna 
au ministre de plus amples renseignements dans sa lettre du i3 janvier, 
qui marqua la clôture de ce curieux incident parisien. 



PRÉFECTURE Paris, le 23 janvier 1834. 

I>E POLICE 

secrétariat A son ExcelIence Ie Ministre 

général du Commerce et des Travaux publics. 

2* ^Bureau. 



ob~rr«tion. .ur les Monsieur le Ministre, 

bals 1 
ont li 
Théat 
pitale 



bals masqué» oui 

Théâtres de la c- Votre Excellence, en donnant par la lettre 
qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire le 
20 courant, son approbation à la mesure 
qui interdit, cette année, les bals masqués au Théâtre de 
P Ambigu-Comique, exprime en même temps l'intention de 
voir autant que possible favoriser la prospérité des Théâ- 
tres, et notamment les Directeurs qui ne sont pas hostiles 
au Gouvernement, et ce, de préférence aux établissemens des 
Bazars Montesquieu et Saint-Honoré, qui exploitent ce genre 
d'industrie. 

Je crois devoir ajouter aux observations que j'ai eu l'hon- 
neur d'adresser à ce sujet à votre Excellence, le 16 courant, 
quelques réflexions qui lui démontreront, j'espère, que mon 



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94 REVUE DBS DOCUMENTS HISTORIQUES 

administration s'est toujours proposé le but qu'elle indique, 
et que ses instructions à cet égard ont été remplies autant 
que possible. 

Il suffira de rappeler à votre Excellence quel était l'état des 
choses avant la Révolution de Juillet. 

Un seul théâtre, l'Opéra, avait la faculté de donner des 
bals masqués. Il tenait son droit du décret de 1806. Avant 
i83o, l'administration crut devoir, avec l'agrément du Direc- 
teur de TOpéra, étendre cette faculté à trois autres Directions. 
En conséquence, elle désigna l'Odéon, la Porte Saint-Martin 
et le Cirque comme les seuls théâtres qui seraient en posses- 
sion de donner des bals dans Paris. 

Postérieurement, et dans l'hiver de i83oà i83i, la plu- 
part des Directions théâtrales se croyant affranchies, par les 
événements de la révolution, des règles de leurs privilèges, 
usurpèrent généralement le droit de donner des bals mas- 
qués. Ainsi, à l'exception des Français, du Vaudeville et des 
Italiens, il y eut des bals masqués, pendant près de deux mois, 
dans tous les théâtres de la Capitale. 

Mon administration, dans cette année, ainsi que dans 
l'hiver de i832, voulut bien, en raison des circonstances 
difficiles où la Révolution avait placé les Directions théâ- 
trales, tolérer ces usurpations, mais en se promettant d'ap- 
porter, par la suite, une amélioration dans ces réunions 
nocturnes qui étaient continuellement la cause de scènes 
d'immoralité, de danses indécentes et de paroles obscènes. 

Cette année donc, avant l'époque du Carnaval, j'ai jugé 
convenable, afin de prévenir le retour de semblables excès, 
de restreindre le nombre des bals, d'en fixer l'ouverture au 
5 janvier courant, d'imposer des conditions rigoureuses aux 
Directeurs, ainsi que la présence d'un grand nombre d'agens 
de mon administration dans leurs théâtres, pour y maintenir 
l'ordre et la décence publique. 

Quant à l'Opéra, je n'ai pas eu à m'en occuper sous le 



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LES BALS MASQUES A PARIS g5 

rapport d'une autorisation; il tenait son droit de la loi, et 
l'administration n'a que des félicitations à adresser à son 
Directeur pour la bonne marche qu'il donne à ces réunions. 

Relativement à l'Odéon, M. Harel, tenant de votre Excel- 
lence la faculté d'y donner des bals masqués, je me suis fait 
un devoir d'assurer l'exécution immédiate de sa décision. 

Trois autres directions théâtrales, savoir : le Palais Royal, 
les Variétés et la Porte Saint-Martin, étaient en demande 
auprès de ma préfecture dès le mois de décembre dernier 
pour user pareillement de la faculté de donner des bals mas- 
qués. 

Devais-je autoriser ces Directeurs à l'exclusion des autres ? 
Telle était la question à examiner. Pour le théâtre de la 
Porte Saint-Martin, cela ne faisait aucun doute; cet établis- 
sement était en possession de donner des bals avant la Révo- 
lution. 

Restaient les bals du Palais Royal et des Variétés à auto- 
riser : les goûts du public, et ses habitudes dans ces théâtres 
à la présente époque, m'ont paru des motifs suffisans pour 
les permettre dès le 5 janvier, et, en outre, j'ai pensé qu'en 
raison du prix élevé des entrées, on y obtiendrait une compo- 
sition meilleure que dans les théâtres de l'Ambigu et des 
Boulevards, où l'on est dans l'usage de délivrer une grande 
quantité de billets à un franc, ce qui donne lieu à des réu- 
nions turbulentes et extrêmement difficiles à surveiller. 

Voici, Monsieur le Ministre, les raisons d'ordre public 
qui m'ont déterminé à ne permettre d'ici au 2 février, ouver- 
ture du Carnaval, qu'un certain nombre de bals dans les théâ- 
tres et à remettre à la dite époque ceux qui, par la composi- 
tion du public qui les fréquente, n'offrent pas autant de 
garanties à l'autorité. 

J'ajouterai aussi que, si chaque théâtre avait été admis à 
donner des balsa partir du 5 janvier, mon administration 
aurait manqué de moyens de police et d'agens pour exercer 



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g6 REVUE DES DO CUME NTS HISTORIQUES 

la surveillance nécessaire au maintien de Tordre et de la mo- 
rale publique dans ces réunions bruyantes. 

M'expiiquant également sur la tolérance accordée par ma 
préfecture aux établissemens des bazars Saint-Honoré et 
Montesquieu qui leur permet des bals masqués, Votre Excel- 
lence se rappellera facilement par quelle succession d'inci- 
dents l'administration a été amenée à les tolérer. 

C'est après avoir lutté très longtems contre ces établisse- 
mens pour empêcher des concerts que Tune de ces entrepri- 
ses, le Bazar Montesquieu, ayant fermé sa salle au bout de 
quinze jours d'exploitation, a sollicité de nouveau, pour éviter 
sa ruine et récupérer des pertes considérables, le bénéfice de 
mon ordonnance qui permet l'ouverture des bals publics dans 
Paris. 

Le sieur Guiboud, possesseur de la salle Montesquieu, 
payant un loyer de quinze mille francs, offrant dans sa per- 
sonne des garanties à l'autorité et ne pouvant être assimilé à 
un Directeur de théâtre dont le genre est tout à fait exclusif 
du droit de donner des bals, devait nécessairement être admis 
au bénéfice de cette ordonnance, et c'est ce qui a motivé mon 
autorisation qui lui accorde des bals de nuit non masqués. 

La réclamation du sieur Chabrand, entrepreneur des 
concerts du Bazar Saint-Honoré, se basant sur les mêmes 
motifs, j'ai du pareillement permettre des bals à cet établis- 
sement, qui, plus que les théâtres, donne, par la bonne 
composition de ses réunions, des garanties d'ordre public. 

Mon administration n'a donc pas manqué de justice à 
l'égard des Directeurs de théâtres en permettant les bals à ces 
deux établissemens qui ont un genre spécial et n'ont aucun 
rapport avec les théâtres qui cherchent à faire des bals l'objet 
principal de leur exploitation, alors que ce genre de réunions 
publiques n'en devrait être que l'accessoire passager. 

Il faut que les Directeurs de spectacles sachent que le droit 
de donner des bals n'est pas inhérent à leur privilège et qu'ils 



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LES BALS MASQUES A PARIS 97 

doivent se soumettre à l'ordonnance de police concernant les 
bals, enfin, et que dans tous les cas il convient de ne pas lais- 
ser ouvrir ni afficher des bals dans les théâtres, sans une 
permission de Pautorité, qui doit régler les conditions néces- 
saires au maintien de Tordre et de la tranquillité de la 
Capitale. C'est pourquoi j'ai dû défendre le bal que M. de 
Cescopenne avait affiché sans aucune permission : la mesure 
de rigueur prise à ce sujet était un avertissement nécessaire. 

Telle est, Monsieur le Ministre, la règle de conduite que je 
me suis tracée en cette matière et que je compte améliorer, 
tant que la direction de la police me sera confiée. 

Je désire que cette marche obtienne votre assentiment. 

Agréez, Monsieur le Ministre, l'hommage de mon respect. 

Le Conseiller d'État, Préfet de Police, 
Gisquet. 

J'ajouterai aux observations ci-dessus que la surveillance 
des bals dans les théâtres est un service fort pénible et dis- 
pendieux pour mon administration, puisque les agensne sont 
pas rétribués par les théâtres et sont obligés de passer la nuit. 

Plus les prix d'entrée sont modiques et plus les bals sont 
mal composés. Dès lors il faut un plus grand nombre d'agens 
pour maintenir autant que possible le bon ordre. 

Huit théâtres des boulevards donnant à la fois des bals 
occupent la totalité des employés de la police municipale, et 
dès lors le service manque dans les autres et très nombreux 
établjssemens publics où l'on se livre au même divertisse- 
ment. Il m'est dès lors impossible de suffire à tout et Pinçon* 
vénient est d'autant plus grave qu'après avoir passé la nuit 
les agens fatigués ne peuvent faire aucun service pendant le 
jour suivant. Il y a donc nécessité de limiter sévèrement le 
nombre des bals qui peuvent être ouverts dans les théâtres ( i). 

(1) Ce post-scriptum est de la main de Gisquet. 

i3 



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BEFFROY DE REIGNY 
ET MADEMOISELLE DEVIENNE 



Louis-Abel Beffroy de Reigny, né â Laon le 6 novembre 1757, fit 
ses études à Paris, au collège Louis-le-Grand, où il eut pour condis- 
ciples Camille Desmoulins et Robespierre. D'abord professeur au collège 
de Cambrai, il abandonna bientôt la carrière de l'enseignement 
pour se livrer entièrement à la culture des lettres. Il aborda le théâtre 
en 1790 et obtint un succès éclatant par sa pièce de Nicomède dans la 
lune ou la Révolution pacifique y dont les allusions politiques firent 
fureur pendant quatre cents représentations. Dès lors Beffroy de 
Reigny, qui avait pris le nom de Cousin Jacques, fut célèbre. Son 
esprit malicieux et sa gaîté contribuèrent à sa réputation. Le Cousin 
Jacques était galant et les actrices de la Comédie-Française n'avaient 
qu'à se louer de ses aimables procédés. La belle Sophie Devienne (1) 
était, au commencement de la Révolution, la reine des soubrettes, et 
Beffroy de Reigny, qui écrivait des rôles pour elle, ne manquait pas de 
lui rendre hommage. Le galant certificat qu'il délivra à mademoiselle 
Devienne et dont le fac-similé est ci-contre, en est une curieuse 
preuve. 

Beffroy de Reigny, après avoir donné au théâtre plusieurs autres 
pièces qui furent bien accueillies mais n'eurent pas la vogue de Nico- 
mède, mourut à Paris le 17 décembre 181 1. 

(1) Jeanne-Françoise Tbévenin, dite Sophie Devienne, née à Lyon le ai juin 1763» 
débuta à la Comédie-Française le 7 avril 1785 et prit sa retraite en i8i3. Elle mourut 
à Paris le 20 novembre 1841. 



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BEFFROY DE REIGNT ET MADEMOISELLE DEVIENNE 



99 




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ORGANISATION DE LA POLICE 
PAR FOUCHÉ, EN 1799 



Lorsqu'en 1799 l'ex-conventionnel Fouché fut créé ministre de la 
police générale, il s'occupa d'organiser les services de ce nouveau 
ministère. Il adressa au consul Bonaparte un rapport très remarquable 
où il exposa ses vues sur le rôle que la police doit jouer dans un État. 
J'ai retrouvé l'original de ce document, qu'il me semble intéressant de 
publier au moment où on agite si fortement la question de la réorga- 
nisation de la préfecture de police. 

MINISTÈRE DE LA POLICE GÉNÉRALE 
DE LA REPUBLIQUE 

Liberté \ Égalité 



Citoyen Consul, 

Vous m'avez ordonné hier de vous présenter, ce matin, le 
tableau des agents nécessaires pour exercer la police. Il est 
indispensable de faire précéder ce tableau de quelques idées 
préliminaires, qui serviront à le faire comprendre. 

C'est faute de réfléchir qu'on confond, sans cesse, la police 
avec l'administration. Dans tous les états où ces deux choses 
ne sont pas séparées, il n'y a pas de police. En Angleterre, 
par exemple, où celui qui administre est également chargé 
de la police, les brigands exercent leur métier de voleurs dans 



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ORGANISATION DE LA POLICE PAR FOUGHE Iû3 

les cités et dans les campagnes, presqu'avec autant d'ordre, 
de méthode et de sécurité que les ouvriers de Birmingham 
travaillent dans leurs atteliers. 

L'administration et la police ont une marche bien diffé- 
rente : l'administration se déploie et se manifeste sous les 
yeux de tous; elle est soumise à des règles lentes et uni- 
formes ; la police, au contraire, doit se faire sentir le plus 
souvent sans se laisser voir; elle doit toujours veiller, tou- 
jours agir et presque jamais éclater. 

La police est donc un ministère d'action, C'est un levier 
secret, mais puissant, mais indispensable entre les mains du 
Gouvernement. 

S'il est important pour tous les états d'avoir une police, 
combien ce besoin est surtout sensible chez une nation où la 
population est immense, où les passions sont très ardentes, 
où les discordes civiles ne sont pas éteintes, où le Gouverne- 
ment est à peine formé. Combien il est urgent d'y établir 
une surveillance universelle, dont les règles soient conçues 
par un même esprit, et dont l'action et les agents soient 
dirigés par une seule main. 

Indépendamment de ce qui est nécessaire à la sûreté des 
États, il est dans la société un certain nombre de besoins 
sociaux qui se détachent de tous les autres, même de ceux 
dont ils sont les plus voisins, et qui ont ensemble de tels rap- 
ports, que pour être bien remplis, il faut en confier le soin 
à un pouvoir institué pour veiller sur tous à la fois. 

Ces besoins ont infiniment plus de rapports entre eux 
qu'avec tous les autres besoins de l'ordre social. La nature 
des choses, qui sera toujours le modèle et la plus puissante 
de toutes les lois sur la terre, commande de réunir ces be- 
soins dans la même autorité et de les séparer de toutes les 
autres administrations. 

Quoique la police soit une justice et que la justice elle- 
même ne soit qu'une police, elles sont cependant deux pou- 



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104 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

voirs très-distincts ; elles ont le même objet, mais des règles 
différentes. 

La police est en quelque sorte le pouvoir exécutif de la 
justice. 

C'est à tort qu'on a représenté la justice un glaive à la 
main ; son glaive doit être dans les mains de la police. 

Chez certains peuples on a supprimé ou affaibli la police 
pour rendre la justice plus exacte ; il est arrivé de là que la 
liberté publique et particulière, qui n'étaient pas menacées 
par l'autorité, l'ont été continuellement par tous ceux qui 
avaient l'audace du crime. 

Toutes les opérations de la justice appartiennent par leur 
nature à la logique, au raisonnement ; si vous y mêlez des 
idées et des attributs de force, toutes les idées de sainteté, 
que réveille le nom de la justice, s'évanouissent ou s'affai- 
blissent. 

La police, telle que je la conçois, doit être établie pour 
prévenir et empêcher les délits, pour contenir et arrêter ceux 
que les lois n'ont pas prévus. C'est une autorité discrétion- 
naire dans la main du Gouvernement. 

Elle doit avoir, dans toute l'étendue de la République, des 
agens particuliers, les commissaires du Gouvernement près 
les tribunaux criminels, des lieutenants de police, des sous- 
lieutenants, des inspecteurs, des tribunaux de police. 

Toute la gendarmerie doit être sous ses ordres immédiats. 
Cette force, réellement militaire, paraîtra alors une force 
civile, et il est très-utile qu'on lui donne des formes civiles 
en lui laissant toute la vigueur militaire. 

La police , considérée sous ce rapport, exigera, je le sais, 
une législation toute nouvelle ; mais j'ai assez réfléchi pour 
être autorisé à affirmer que cette législation, bien faite, répan- 
drait un nouveau jour et une nouvelle perfection sur toutes 
les parties des lois et de l'ordre social. 

Une faut pas croire qu'une police, établie sur ces vues, 



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ORGANISATION DE LA POLICE PAR FOUCHÉ 105 

put inspirer des alarmes à la liberté individuelle ; au con- 
traire, elle lui donnerait une nouvelle garantie et une puis- 
sance plus pure et plus sûre d'elle-même. 

Dans cette division et dans cette association de la justice 
et de la police, — ces deux pouvoirs, dont chacun est très- 
redoutable séparément, se serviraient mutuellement de limite 
et de surveillance. 

On voit combien il se présente de développemens et de 
quelle haute importance ils seraient. 

Fouché. 



H 



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LOUIS VII 



ROI DE FRANCE 



La charte de Louis VII, dont je publie ci-après le texte et le fac- 
similé, faisait partie du chartrier de Saint- Van drille. Elle passa entre les 
mains du bibliophile normand Lever, et figura à la vente de la biblio- 
thèque de ce dernier sous cette mention : une charte très fruste. En 
effet, grâce à l'humidité et aux rats, cette pièce, roulée et chiffonnée, 
tombait presque en poussière. M. le docteur Bonnejoy Tacheta néan- 
moins et il eut la patience d'employer à l'égard de ce document les 
procédés dont les savants italiens usent pour les [manuscrits de Pompei. 
Il parvint à réunir les nombreux fragments de cette charte sur une 
grande feuille de vélin et à la reconstituer en son entier. M. le docteur 
Bonnejoy fut récompensé de ses efforts, lorsqu'il se rendit compte de 
l'intérêt considérable du document qu'il venait de sauver de la destruc- 
tion ; aussi considère-t-il, non sans raison, cette charte comme un des 
plus beaux ornements de sa collection sur Pontoise. Les érudits lui 
sauront gré de cette habile restauration et de la libéralité avec laquelle 
il a autorisé la reproduction de cette pièce. 

Cette charte de Louis VII, donnée à Pontoise en 1 177, a pour but de 
confirmer à l'abbaye de Saint- Vandrille une partie des donations que 
le roi Childebert avait faites, en 704, à saint Bayn , abbé de Saint- 
Vandrille. Elle concerne les évêchés de Paris, de Beau vais et d'Amiens, 
et renferme des renseignements topographiques importants. 

L'auteur de l'Anastase de Marcoussis l'a publiée dès le xvn* siècle, 
à cause de la mention de Marchoucies ; mais le texte qu'il a donné est 
incomplet (1). 

Je dois à l'obligeance de M. Malte-Brun le texte complet de cette 
précieuse charte, qu'il a copiée dans le « Registre des chartes et écritures 

(1) CS. Histoire de Marcoussis, par V.-A. Malte-Brun; Paris, Aubry, 1867, in-12. 



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LOUIS VII, ROI DE FRANCE IO7 

du prieuré de Marcoussts fait par D. Guillaume La Vieille, prieur dudit 
lieu, Tan mil vc et cinq. » Ce manuscrit est actuellement conservé 
dans la bibliothèque de Rouen, Fonds Saint- Vandrille, Y 208. 

Je publie cette charte de Louis VII sans commentaires. Je n'ai pour 
but que de conserver par un fac-similé les restes d'un document que 
de plus habiles que moi sauront utiliser. Je me bornerai à rappeler que 
Pontoise y est appelée Pontesie^ au lieu de Pontisare, forme qu'on 
trouve dans les chartes plus récentes, et qu'on a cru reconnaître Fon- 
tainebleau dans la chapelle dite Fontana-Bertoldi. 

In nomine Sancte et Individue Trinitatis, Ludovicus Dei 
gratiaFrancorum Rex. Aregiemajestatis autoritateexigitur r ut 
ipsius facta, nulliusantiquitate temporis,seu aliquorum mali- 
gnantium incursu debilitari valeant vel quassari ; inde est quod 
notum facimus uni versis, quod ad petitionem Anfreni, abbatis 
Sancti Wandregisili, dilecti nostri, aliqua, que longis ante nos 
temporibus ecclesia Sancti Wandregisili cum suis membris, 
sicut carte quasi jam nimia vetustate consumpte testantur, 
et nostro tempore bene et pacifiée dignoscitur habuisse, eidem 
ecclesie in puram et perpetuam elemosynam donamus et nostra 
autoritate ac Régis nominis subtus annotato caractère confir- 
mamus, videlicet, ex largitione Hildeberti, invictissimi quon- 
dam Régis Francorum: in episcopatu Bellovacensi Revecu- 
riam et ecclesiam cum décima et appendiciis suis, capellam de 
Faïel in Chiverieriis, sex hospites et partem decimarum Ron- 
vilare et prata ac silvas; in episcopatu Ambianensi medietatem 
de Bureyo et terram Unius-Carruce, et medietatem décime 
et tertiam partem décime de Dors apud Saliacum quamdam 
particulam terre. Item in eadem diocesi in pago Vimacensi 
Dareneyum et ecclesiam cum tota décima, Vayncort et eccle- 
siam cum décima et hospitibus. In episcopatu Parisiensi Alpi- 
cum et ecclesiam cum tota décima et Visiniolum acde Monti- 
yallem , et dimidium Viciniacas ac decimam Villiolis cortis et 
in Marolio census et decimam vinearum Marchoucies et 
ecclesiam cum décima et hospitibus; liberum insuper tran- 



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108 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

situm baccorum dicte ecclesie seu navium vina aut alia aliqua 
deferentium ad usum monachorum per Sequanam ab omni 
consuetudine et exactione in eundo et redeundo quantum se 
extendit justicia nostra. In episcopatu Carnotensi Rodonium 
et ecclesiam cum tota décima et census ac comparationem 
vinearum de Monte Micelonis et très gordos ibidem, cum 
duabus sedibus molendinorum ac mansum Sancti Mamini 
cum aliqua parte decimarum. Ecclesiam de Rolleboise cum 
decimis. Califurnum et ecclesiam cum decimis et duodecim 
mansis dimidiam Francamvillam et ecclesiam de Villeta, cum 
tota décima, tam in molendinis quam in agris et totum feodum 
Uerlonis et terram duorum boum ; terram de Orhmari villa 
capellam iuxta sitoliumque dicitur Fontana Bertholdi, cum 
terra et hospitibus et terra de Duro-Campo et dimidiam 
terram de Boscocorti et totam decimam istius ville. Hec in 
dicto episcopatu Carnotensi nominata Cornes Manasses et 
Buchardus donaverunt seu potius reddiderunt. Ut autem 
dicta ecclesia premissa omnia firma et inviolabilia in perpe- 
tuum teneat, presentem cartam sigilli nostri impressione 
fecimus roborari. 

Actum publice Pontesie, anno incarnati verbi m°c lxx°vii , 
astantibus in palatio nostro quorum nomina supposita sunt 
et signa: 

Signum Comitis Theobaldi, Signum Guidonis , buti- 

dapiferi nostri. clarii. 

Signum Radulfi, constabu- Signum Reginaldi, came- 

larii. rarii. 

Vacante Canccllaria. 



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LE CANADA EN l63o III 

la rivière de Nantes, ledit s r de Montigny donnera ordre au 
cappîtaine Arnault, qui le commande, du lieu où il le puisse 
attendre, affin d'aller de flotte aux costes de ladite Nouvelle 
France. 

S'estans joinctz, ledit s r de Montigny fera droitte routte 
avec les six vaisseaux audit pals, en s'informant de Testât 
auquel seront les Anglois en ladite coste, quel nombre de 
vaisseaux et quelles forces ilz ont audit pais et habitations 
qu'ilz ont occupez sur les François depuis le traicté de la paix. 

Ledit s r de Montigny faisant la routte, rencontrant pirattes 
et gens sans adveu, prendra son avantage pour les combattre 
et prendre, pourveu que le combat ne puisse retarder ou 
empescher son voyage. 

Rencontrant vaisseaux du roy d'Angleterre aux costes dudit 
pais d'Angleterre, les saluera, et les trouvans en plaine mer 
se trouvant au vent d'eux, les saluera aussy. 

Fera le semblable aux costes d'Espagne, rencontrant des 
navires du roy d'Espagne. 

Obligera lesdits vaisseaux d'Angleterre et d'Espagne à luy 
rendre le semblable, lors qu'ilz seront à la veiie des terres de 
France, et en mer estant au vent de luy. 

Detouttes les prises qui seront faictes, ledit s r de Montigny 
et autres cappitaines qui les feront, feront dresser de bons et 
fidelz inventaires par l'escrivain du navire, sans que ledit 
s r de Montigny ny autres y puissent rien divertir, ains les 
feront conduire aux ports de France pour estre jugez, à peine 
contre les contrevenans des peines portées par les ordon- 
nances. 

Ledit s p de Montigny obligera les cappitaines de prendre 
l'ordre le soir et le mattin et de se tenir proche de luy, et 
pourvoyra,encasqu'ilz soient séparez par tourmente ou brune, 
à leur donner lieu où ilz se puissent rencontrer, pour ensemble 
continuer leur routte. 

Estant informé du nombre des vaisseaux que les Anglois 



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112 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

peuvent avoir audit pais de la Nouvelle France, en cas que 
ledit s r de Montigny juge qu'il ayt besoing de plus grandes 
forces pour obliger ces Anglois de se retirer des lieux qu'ilz 
ont occupez audit pais depuis la paix, il luy est enjoint de se 
faire assister des vaisseaux françois et des équipages qu'il 
trouvera ez ladite coste. Il fera en sorte qu'en cas de résistance 
de la part des Anglois, il se puisse rendre maistre dudit pais 
et que l'avantage soit de son costé à l'honneur du Roy et de 
la France, 

Estant arrivé en la rivière Saint-Laurent et pais occupé 
par les Anglois, verra de traicter à l'amiable avec eux et de 
les obliger à la restitution tant du fort de Quebecq que des 
autres habitations, ensemble des marchandises, armes, vivres, 
munitions, et généralement de tout ce qu'ilz ont pris sur les 
François, et qui se trouvera sur les lieux. 

En cas de refus, protestera ledit s r de Montigny de l'évé- 
nement de la force dont il sera contrainct d'user, et les fera 
sommer de faire ladite restitution. Et après s'estre servy de 
tous moyens pour obliger lesdits Anglois à rendre aux Fran- 
çois ce qu'ilz ont pris depuis la paix, ledit s r de Montigny met- 
tra ses gens à terre, ou autrement se disposera à vive force de 
les combattre, vaincre et chasser dudit pais et fort de Quebecq, 
prenant ses advantages tant en mer qu'en terre, et générale- 
ment fera tous efifortz pour se rendre maistre dudit pais, 
laissant audit s r de Montigny de disposer le combat, tant sur 
mer que sur terre, et d'en user par l'advis des cappitaines, 
ainsy que le temps' et les rencontres en feront naistre les 
occasions. 

Ledit s r de Montigny s'estant mis en possession dudit fort 
de Quebecq, et les Anglois s'en estans retirez ou en ayant 
esté chassez, y laissera le s r Champlain pour y commander 
en l'absence de Monsieur le Cardinal de Richelieu, grand 
maistre, chef et surintendent général de la navigation et com- 
merce de France, avec les hommes qui sont envoyez par la 



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LES GUERIN 1 15 

tn Guerin mourut à Strasbourg le 29 octobre 1787. Il laissa trois 
Edmond, Christophe et Jean-Urbain. Edmond, employé d'abord 
monnaie de Strasbourg, devint commissaire des guerres sous la 
jblique. Je n'ai donc pas lieu de m'en occuper ici. Christophe et 
i-Urbain, qui ont assigné par leurs travaux un rang si honorable 
jr famille dans l'histoire de Fart, ont droit à toute notre attention. 

CHRISTOPHE, NÉ EN 1758, MORT EN l83l 

Christophe Guerin, fils aîné de Jean, naquit à Strasbourg le 14 

rier 1758. Il étudia la gravure sous Jolain et Muller et succéda à 

1 père dans le poste de graveur de la monnaie de Strasbourg. Il 

tint une réputation distinguée et fonda dans sa ville natale un musée 

peinture, dont il resta toute sa vie le conservateur. 

Pendant la Terreur, il déploya une grande énergie pour empêcher 

le bande de furieux de saccager la cathédrale de Strasbourg. Il peignit, 

>ur calmer l'exaltation populaire, une déesse Raison, et sauva ainsi 

. cathédrale d'une destruction certaine. 

Christophe Guerin était professeur à l'école gratuite de dessin ; il a 
armé plusieurs élèves, parmi lesquels Henriquel-Dupont , Bein et 
rluller. Outre le portrait de son père, que j'ai reproduit, cet artiste a 
aissé plusieurs œuvres remarquables ; je citerai plus particulièrement 
F Amour désarmé, d'après le Corrège, l'Ange conduisant Tobie, d'après 
Raphaël, la Danse des Muses, d'après Jules Romain, et deux paysages, 
d'après Loutherbourg (1). Christophe Guerin mourut subitement à Stras- 
bourg en septembre i83i (2), laissant de Marie Lienhard, qu'il avait 
épousée en 1 790, deux fils, Gabriel et Jean, dont je parlerai plus loin. Voici 
le fac-similé de sa signature, pris sur une lettre adressée à son fils aîné. 



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'û&^ 



(1) Cf. Gibet, Dictionnaire des artistes de l'école française au XIX» siècle; Paris, 
i83i,in-8. 

(3) Le dossier que le petit-fils de Christophe Guerin m'a communiqué contient une 
eltre de Jean Guerin, datée de Musigny, le 11 octobre i83i, dans laquelle il déplore en 
ces termes la mort de son frère : 

m Si j'osais envier quelque chose a mon digne et bon frère dans sa tombe, c'est la 
manière douce, inattendue et exempte de douleur dont il y est descendu. Il avait bien 
mérité cette dernière récompense par une vie sans tache et toute consacrée à l'accomplis- 
sement de ses devoirs et aux sentiments les plus affectueux et les plus tendres pour sa 
famille et ses nombreux amis, > 



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I 1 6 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

JEAN-URBAIN, NÉ EN I761, MORT EN l835 

Jean-Urbain, frère du précédent, naquit à Strasbourg le 1" avril 
1761 (1). Il eut pour maître Huin, qui était renommé pour ses portraits 
au pastel. Ses premiers essais furent remarqués par le maréchal de 
Contades, gouverneur d'Alsace, qui envoya le jeune artiste à Paris. 
Jean Guerin quitta, non sans regret, sa ville natale et sa famille au mois 
d'octobre 1785. Il était à peine parvenu dans la capitale qu'il reçut 
une lettre de son père, datée de Strasbourg, le 25 novembre 1785. 
Voici un passage de cette missive : 

Je n'ai jamais douté, mon cher Jean, des sentiments de 
votre cœur envers nous. Ceux que j'ai éprouvé à votre départ 
et ceux que je ressens encore me font connaître les vôtres. 
En continuant de sentir comme vous faites, avec de la pru- 
dence et l'usage du monde, vous ne manquerés pas de pros- 
pérer à Paris. Pour remplir utillement l'objet de votre 
voyage, il ne faudra, mon cher fils, donner à la dissipation 
que le tems que vous ne pourrés pas donner à l'étude. 
Voyés M" Jollain (2) et Pajou (3) pour l'affaire de l'aca- 
démie. C'est un point essentiel qu'il ne faut pas négliger. 
Faites-nous part de ce que vous aurés vu de remarquable et 
d'intéressant. Ménagés votre bourse et votre santé. 

Jean Guerin suivit les conseils paternels. Il n'était pas trop isolé à 
Paris, où il retrouvait des protecteurs éclairés, parmi lesquels le baron 
de Dietrich, et des compatriotes, qui lui firent le meilleur accueil. Il n'en- 
tra pas comme élève à l'Académie de peinture, ainsi que le désirait son 
père, mais il s'adonna à la miniature, genre alors fort à la mode. Il 
n'y avait pas en effet de grand seigneur ni de grande dame qui ne se fît 
peindre par un miniaturiste. La famille royale avait donné sur ce point 
un exemple que toute la cour s'était empressée d'imiter. Les bagues, 



(1) C'est la date qu'il donne dans son journal. 

(3) Nicolas-René Jollain, peintre d'histoire, membre de l'Académie, garde du muséum 
du Roi. 
(3) Augustin Pajou, le sculpteur. 



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LES GUERIN 117 

les bonbonnières, les coffrets, les tabatières étaient ornés de minia- 
tures. Quel courtisan eût été assez mal appris pour ne pas avoir le 
portrait de la reine Marie-Antoinette, soit à son doigt sur une bague, 
soit sur une bonbonnière dans la poche de son habit ? La reine se 
faisait peindre ou faisait peindre ses enfants et elle donnait ces portraits 
montés sur des bonbonnières en écaille ou sur des bagues d'or à ses 
intimes, à sa bonne amie Yolande de Polignac, par exemple (1). Jean 
Guerin obtint de faire le portrait de la maréchale de Matignon ; il 
réussit à souhait et cette œuvre remarquable lui valut de nombreuses 
commandes et la protection de Marie-Antoinette. Il peignit le Roi et la 
Reine (2) et fut dès lors un miniaturiste à la mode. Les Praslin, les 
Choiseul, les Rohan, les Chabrillan, les Breteuil, les Montmorency, les 
La Rochefoucauld, les Croy, les Mailly, les Praslin, les Sérent, les La 
Ferté, les Montmorin, les Liancourt, les Broglie, pour ne citer que 
les plus grands noms, tinrent à honneur de poser devant le jeune et 
brillant artiste. C'était la gloire, mais non la fortune. Déjà la crise 
politique se faisait sentir : les grands seigneurs payaient peu et mal. 
Jean Guerin, d'une santé débile, atteint d'une névrose, se laissait 
souvent aller au découragement. Hors d'état de payer ses dettes, parce 
que ses nobles clients ne soldaient pas le prix de leurs portraits, il ne 
trouvait de consolation que dans l'amitié de quelques compatriotes et 
dans la culture de la musique, qu'il aimait passionnément. Le i** jan- 
vier 1788 il commença la rédaction d'un journal où il consigna chaque 
jour par le menu ses faits et gestes et ses réflexions (3). Dès les 
premières pages son état maladif se révèle avec une grande intensité. 
A la date du 19 novembre 1788 on lit ce passage, qui peint si bien le 
caractère de Jean Guerin : 

Je ne suis point content de moi aujourd'hui, ou, pour 
mieux dire encor, une mélancolie noire me ronge depuis près 
de trois semaines. Toutes les jouissances que la société de 

(1) Cf. catalogue de Miniatures et autographes concernant Marie- Antoinette et la 
famille royale, publié en février 1877 par M. Etienne Cbaravay. 

(2) Ces portraits appartenaient au comte de Genniny, sénateur, décédé en 1870. (Cf. 
Notice de M. Reiset snr les dessins, cartons, etc., exposés dans les galeries du Louvre 
p. 323.) 

(3) Ce journal est entre les mains de M. Jules Guerin, qui me l'a gracieusement commu- 
niqué. 11 commence au 1* janvier 1788 et finit le 25 juillet 1792. Un cahier, qui allait du 
7 mai au 3i octobre 1788, a été perdu. C'est de ce journal que j'ai tiré la biographie de 
Jean Guerin et de curieux détails sur certains épisodes de la Révolution. 



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Il8 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

mes amis m'a pu procurer depuis ce tems n'ont pas atteint 
mon cœur. J'ai feint ce que je ne ressentais pas, ce que je ne 
pouvais pas ressentir en un mot. Les causes de cet étrange 
état ne me sont pas inconnues; depuis que je sais ce que 
c'est que les peines de la vie, je ne m'afflige plus comme 
autrefois parce que je trouve doux de m'affliger. Amour, 
affaires, maladies et remords, voilà les sources de ma misère 
présente. S'il plait à celui qui gouverne tout de rendre Ros. 
moins frivole et plus susceptible d'attachement, de rétablir 
Tordre dans mes affaires, la santé dans mon corps et la paix 
dans mon cœur, s'il me fait cette grâce, je lui devrai les plus 
beaux jours de ma vie et les actions de grâce les plus fer- 
ventes. Si je me mets au travail, le découragement, dont je 
suis possédé pourtant, m'en chasse bientôt. Je ne l'ai pas 
plutôt quitté que je me reproche la perte de mon tems.... Du 
reste, harcelé, persécuté de tout côté, sans cesse en proie aux 
maladies, aux douleurs, balotté par les événemens, je mène 
la vie la plus insuportable de la terre et j'atteste le Dieu qui 
m'entend et que je révère que, sans la considération, non de 
l'action en soi, mais des maux qu'elle occasionnerait à ma 
pauvre vieille mère et autres amis, j'atteste, dis-je, que je 
m'en serais déjà une fois délivré depuis mon séjour à Paris, 
tant l'espèce de peines que j'y éprouve me sont insupor- 
tables. 



Telle était la triste situation d'esprit où se trouvait Jean Guerin 
après trois ans de séjour à Paris. Au xviir* siècle, comme aujourd'hui, 
les épreuves étaient rudes pour les jeunes artistes provinciaux qui 
venaient, pleins de talent et d'espérances, chercher gloire et fortune 
dans la capitale. Jean Guerin, amoureux, malade et endetté, s'exagérait 
évidemment les difficultés de sa situation. Le 22 novembre, toujours 
hanté par des pensées de suicide, il examine l'état de ses affaires et 
dresse le compte des sommes qui lui sont dues. Cest là un curieux 
document qui fournit l'indication d'un certain nombre de ses minia- 
tures et du prix qu'il en demandait. 



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LES GUERIN I ig 

État des ouvrages non payés : 

Louis 

M. de Fougy, grand ovale 10 

Madame de Fougy, pour tabatière 6 

Item. un camée, la tête 6 

Item. une à la main, grand ovale 10 

Deux copies de la tête 6 

Madame de La Gorce, avec mains 6 

M. de Caze 4 

Sa fille 4 

Madame de Fougy et Madame de Caze ensemble . 8 

Madame la comtesse de Balbi, tête 8 

La même, copie 4 

Son fils Armand, en pieds io 

Madame de Chabrillant io 

Madame de Boulogne, grande tête, miniature ... 8 

Une copie d'icelle 4 

Madame de Monsanden (?), grandeur ordinaire. . . 6 

Deux copies d'icelui 6 

Madame la comtesse Hipolyte de Choiseul, copie . 4 

Son fils enfant 4 

Le cardinal de Rohan 10 

Madame de Fontette 6 

Son camée 8 

Madame Dotiet, deux copies 6 

On voit, par cette liste, quelle était la noble clientèle de l'artiste 
strasbourgeois. L'état de ses affaires, il le reconnaît lui-même, était 
satisfaisant ; cette constatation et un traitement que lui prescrivit le 
célèbre docteur Pelletan chassèrent un peu ses humeurs noires. 
Jean Guerin se remit au travail ; il fit les portraits de Mesdames de 
Langeron et de Balleroy (21 déc. 1788), de Madame de Matignon et 
de Madame de Montmorency sur le même médaillon (4 janvier 1789), 
et de la maréchale de Mailly (avril 1789). Tout en peignant ces grandes 
dames, il semble qu'il resta insensible à leurs charmes. Une foiscepen- 



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120 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

dant il inspira quelque passion à une de ses belles clientes, mais Fai 

ture, dont il a consigné le récit dans son journal (i), n'eut pas £ 

conséquences. 

Jean Guerin fut troublé dans ses travaux par les premiers événemec 
de la Révolution qui commençait. Le 28 avril 1789 on pilla la œatsoc 
Réveillon et, le lendemain, il alla voir les dégâts causés par l'émemt 
« De belles maisons démantelées, moitié brûlées, des morts teints de 
sang, des visages consternés et une multitude;de soldats armés, voilà ce 
que j'y remarquai. » 

Au mois de mai il peignit les portraits de la comtesse Françoise de 
La Palu et du chevalier de Caraman. Le 4 juin, il était au théâtre <fc 
Nicolet quand le spectacle fut interrompu par ordre, à cause de k 
mort du Dauphin. Le 27 suivant il partit pour Strasbourg, grâce à la 
libéralité d'un de ses plus zélés protecteurs, M. de Fougy, qui l'emmena 
avec lui. Le 3o il arriva dans sa ville natale, qu'il revit avec des trans- 
ports de joie. Il y séjourna jusqu'au i3 juillet. M. de Fougy, rappelé 
par le comte de Provence, dut partir subitement et Jean Guerin raccom- 
pagna. Le i5 juillet, à Toul, ils apprirent les premières nouvelles de 
l'insurrection parisienne; le 18 juillet, à Chalons-sur-Marne, M. de 
Fougy suspendit son voyage. Jean Guerin rentra seul à Paris le ao juillet. 
Deux jours plus tard il assista au meurtre de Foullon et de Bertier. 
Son récit mérite d'être reproduit : 

Je fus au Palais-Royal (vers trois heures de l'après-midi) 
où j'étois à peine arrivé que l'horrible spectacle de la tête de 

(t) Voici le récit en question : « Pour Madame de P. j'en ras traité d'une manière qui 
flatta extrêmement mon amour-propre, car, pendant que nous étions seuls dans son bou- 
doir, elle me prit la main et m'obligea à m'asseoir à côté d'elle sur son sopba et me tin 
des discours si tendres et si pénétrants que j'eus toutes les peines imaginables à ne pas suer 
sang et eau. Elle roui ut finalement que je lui apprisse a l'instant même tout ce que j'avais 
de dessin et de peinture et chercha follement un portefeuille, du papier et des crayons à 
cet effet. En la voyant rentrer après ce qui Tenait de se passer, je me sentis extrêmement 
ému. Pour elle, sans autre cérémonie elle s'assit sur mes genoux en me disant : J'aime les 
beaux-arts, nuis je tous l'avoue, ajouta-t-elle avec quelque embarras, les artistes sont 
encor plus chers à mon coeur, surtout... La pudeur l'empêcha d'achever, car elle était 
rouge et avait chaud. Je saisis sa main que je baisais avec transports quand elle m'entre- 
assa dans ses bras comme hors d'elle et pressa ses lèvres sur les miennes. Quel feu dans mes 
veines. Je tremblais, en un mot, je me serais perdu et peut-être elle, sans l'arrivée de sa 
sœur, qui fit tant de bruit, en entrant dans le salon, qu'elle nous donna le temps de nous sé- 
parer et de respirer, ce dont j'avais grand besoin. Quand elle entra, je considérais un tableau 
dont je m'étais emparé à la hâte et Madame de P, dessinai ï avec un* 
m'étonna d'autant plus que la secondé d'auparavant je L'avais vue hors *i< 



r- 



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LES GUERIN 121 

Foulon, intendant de la marine, y fut porté sur une fourche 
avec du foin dans la bouche et son corps trainé dans la boue 
après par le peuple. Quelle frappante justice!... Je fus au 
spectacle de Monsieur voir il Barbiere di Siviglia, première 
représentation, mais ne put assés me distraire pour me faire 
oublier l'horreur de cette tête sanglante. J'en sortis à 9 heures 
pour retourner au Palais -Royal. A 10 heures, comme je 
voulois rentrer, des cris se firent entendre en ces termes : 
Voilà V habit de M. Y intendant de Paris! Cet habit, en 
effet, étoit porté sur une perche et accompagné de flambeaux. 
J'en eus le frisson, quand tout-à-coup d'autres cris bien plus 
effrayants encore retentirent au loin : Voilà la tête et le cœur 
de M. Berthier de Sauvigny, intendant de Paris ! Je 
regarde et à l'instant une soixantaine de cavaliers tout armés 
entrèrent au jardin du Palais Royal, accompagnés d'une foule 
immense de peuple portant flambeaux, et au milieu d'eux 
un lambeau de tête sur une fourche et un autre de cœur sur 
une autre me frappèrent la vue d'horreur ! ! Je me sauvai 
chez moi, troublé comme je ne l'ai jamais été. Ne voilà-t-il 
pas qu'en arrivant sur le Pont-Neuf une nouvelle foule de 
flambeaux viennent à ma rencontre, traînant à deux cordes 
attachées à chacune des jambes les restes de celui dont j'avais 
vu des entrailles au Palais Royal. J'en eus le frisson et résolus 
bien à l'avenir de ne point m'exposer à être témoin d'un 
pareil spectacle. 

Tout épouvanté qu'il fût de ces excès populaires, Jean Guerin n'était 
pas défavorable aux idées nouvelles. Le 28 juillet il alla, par curiosité, 
voir la démolition de la Bastille et visiter tous les cachots de cette 
fameuse forteresse. « Je jouissais, dit-il, du triomphe du peuple en 
foulant aux pieds ce monstre du despotisme. » Le 29 juillet il assista, 
au Palais-Royal, à la grande illumination qui eut lieu en réjouissance 
du retour de Necker. Le 8 août il alla aux Augustins, dans la salle du 
Saint-Esprit, procéder à la nomination de dix-neuf électeurs et d'un 
député. Le i* septembre il assista, à Versailles, à une séance des États 
Généraux et y entendit une motion de Mirabeau des plus remarquables. 

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122 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIOUES 

Jean Guerin, on le voit, était absorbé par les événements. Cependant il 
se trouva, le 25 août, à l'ouverture du salon, où il admira, le 19 sep- 
tembre, le tableau de David, la Justice de Brutus. « Il me fît l'impression 
la plus forte. Conception, exécution, tout m'en étonna. » 

Jean Guerin avait, comme ami le plus intime, un Allemand, le graveur 
Gabriel Fiesinger, avec lequel il vivait, pour ainsi dire. Fiesinger, esprit 
pratique, fertile en expédients, chercha à tirer parti des événements 
politiques. Un éditeur, De Jabin, venait d'entreprendre une collection 
des portraits des membres de l'Assemblée nationale : Fiesinger résolut 
de lui faire concurrence et il se mit aussitôt à l'œuvre. Il associa son 
ami à cette vaste opération. Jean Guerin, dont la noble clientèle était 
en désarroi, accepta cette situation nouvelle (1). Il alla prendre les 
croquis des hommes le plus en renom, soit aux séances des États 
Généraux, soit chez les personnages eux-mêmes. C'est ainsi qu'il 
dessina les portraits du duc d'Orléans (20 septembre 1789), de Mirabeau 
(2 novembre), d'Anisson-Duperron (2 décembre), de Rabaut-Saint- 
Étienne (8 décembre). L'année 1789 finit sur ces entrefaites. Sans se 
rendre un compte exact de l'importance que cette date aurait dans 
l'histoire, Jean Guerin termina son journal par ces mots caractéris- 
tiques : Fin de Vannée moitié esclave, moitié libre 178g. 

Notre artiste commença l'année 1 790 en exécutant une grande minia- 
ture de Madame de Langeron. Puis il dessina les portraits du duc de 
Clermont-Tonnerre (20 janvier), du duc de La Rochefoucauld (25 jan- 
vier), de Freteau de Peny (23 mars), de l'abbé de Montesquiou (4 mai), 
de Le Chapelier (6 mai). Le 28 avril il se rendit aux Jacobins pour 
prendre un croquis de Mirabeau. Le grand orateur était vraiment 
insaisissable et Guerin ne put jamais, obtenir de lui une séance parti- 
culière. Ce n'était point une tâche facile que de dérober quelques 
instants de pose aux membres de l'Assemblée nationale. Jean Guerin 
dessina l'abbé Sieyes chez Madame de Condorcet (9 juin) et il obtint 
deux poses de dix minutes de La Fayette (28 juin et 3 juillet). Le 10 
juillet il alla au-devant de cinquante Strasbourgeois qui venaient assister 
à la fête de la Fédération et, le 14 juillet, il s'associa à ses compatriotes. 
Le 28 juillet il dessina le portrait de Barère de Vieuzac, qui le reçut 
avec grande politesse. Ces travaux n'empêchaient pas Jean Guerin de 
faire les miniatures de la princesse de Hohenzollern (19 mai), de la 

(t) La collection de Guerin et de Fiesinger est justement estimée. Le journal du premier 
de ces artistes lui donne une valeur nouvelle, car on y voit que tous les croquis étaient 
pris sur nature par Jean Guerin lui-même, ce qui est une sérieuse garantie de ressem- 
blance. 



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LES GUERIN 123 

marquise deCoigny (28 mai), de la princesse de Broglie (7 juin), de la 
duchesse de Devonshire et de milady Foster (2 août). En même temps 
qu'il dessinait les traits de Barère il faisait le portrait du roi de Prusse 
pour le comte de Sérent (3o juillet). Le 12 septembre il obtint une 
séance de Barnave ; puis ce fut le tour d'Alexandre de Lameth (20 nov.) 
et de son frère Charles (28 novembre). Enfin, le 22 décembre, il alla 
chez la duchesse d'Orléans, qui lui commanda de peindre les portraits 
de sa fille et de son fils Beaujolais, moyennant douze louis par portrait. 
Jean Guerin jouissait encore, on le voit, d'une grande vogue. Il est vrai 
de dire qu'il convenait au duc d'Orléans de choisir pour peindre ses 
enfants l'artiste qui reproduisait les traits des hommes les plus consi- 
dérables de l'Assemblée nationale. 

L'entreprise de Fiesinger réussissait et Guerin continua, durant 
l'année 1 791, à y coopérer. Après avoir dessiné les portraits de MM. de 
Caraman (14 janvier) et de Narbonne (19 janvier), il obtint, le 20 mars, 
une séance de Robespierre, qui n'était encore qu'un petit personnage, 
et le 24 il alla chez Petion. Sur ces entrefaites un grave événement 
survint, la mort subite de Mirabeau (2 avril). Jean Guerin rend compte, 
dans son journal, de la consternation qui régna dans Paris, où les spec- 
tacles furent aussitôt fermés. Le 4 avril il assista aux obsèques du grand 
orateur, a J'y ai remarqué, dit-il, ce qui déjà plusieurs fois m'avait 
désagréablement frappé, savoir que quand le peuple de Paris se trouve 
réuni en nombre considérable, il est toujours joyeux, n'importe le 
motif de cette réunion. Aujourd'hui, en entendant leurs cris, leur 
badaude gaité, en un mot, on se serait bien plutôt imaginé qu'il 
s'agissait d'un bal public que de la pompe funèbre de l'un des plus 
respectables Pères de la Patrie. » 

Le 19 avril Guerin se rendit chez David où il vit le dessin du 
Serment du Jeu de paume. Le 21, il apprit la fuite du Roi, le 22 l'arres- 
tation de la famille royale à Varennes, et le 25, il assista au retour de 
Louis XVI. Ces événements l'empêchèrent de travailler, et, le 28 
juin 1791, il s'enrôla dans la garde nationale, au bataillon des Filles- 
Saint-Thomas (1). Il assista en armes à la fête de la Fédération (14 juillet) 
et à la proclamation de la loi martiale (17 juillet). Le lendemain il 
monta la garde chez le Roi et coucha sous les tentes dressées devant le 
château des Tuileries. Ces devoirs de citoyen accomplis, il fit les portraits 
de Madame de Saint-Simon (25 juillet), de Malouet (21 août), d'Alexan- 
dre de Beauharnais (29 août), du duc d'Aiguillon (5 septembre), de 

(1) Le 2 juillet il'coopéra a l'élection des officiers du bataillon et, le 4, il acheta trente- 
six livres un bonnet de grenadier. 



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124 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Goupil de Préfeln (i* octobre), et du vicomte de Ségur (22 octobre). 
Le 26 octobre il fit, pour Fiesinger, un dessin en grand d'après le buste 
de Mirabeau, et le 28 novembre il peignit Madame de La Charce. Le 
2 1 décembre il rendit visite au maréchal de Ségur, avec lequel il convint 
de faire le portrait de sa belle-fille, la comtesse de Ségur. 

L'année 1792 s'ouvrit heureusement pour Jean Guerin. Son ami 
Fiesinger vint habiter avec lui. Ce fut un grand plaisir pour tous deux. 
Le 1 3 janvier il commença le portrait de la célèbre actrice Emilie 
Contât. Cependant les événements se pressaient ; la déclaration de 
guerre (20 avril) et la défaite de Lille stimulèrent le zèle du grenadier. 
Le 20 juin Guerin fut témoin de l'envahissement du château des Tuileries 
par le peuple et se montra un des plus ardents à sauvegarder le Roi et 
sa famille. Le récit qu'il a laissé de cette mémorable journée m'a paru 
digne d'être publié : 

Vers midi, avant même, on battait des rappels à force et 
Ton disait que les faubourgs armés devaient se porter aux 
Tuileries. N'y pouvant plus tenir, je me revêtis vite de mon 
uniforme et de mon fusil et fus aux Tuileries chercher mon 
bataillon. La masse des 10,000 piques, dont la rue Saint- 
Honoré était obstruée, demandait à grands cris à être admise 
à PAssemblée. Elle le fut. Je fus seul obligé de traverser 
presque dans toute sa largeur cette canaille enrégimentée. 
Ne trouvant pas mon bataillon à la place Vendôme, où je 
l'avais cherché, je suis rentré aux Tuileries par les Capucins 
où j'ai rencontré Ramond. Arrivé aux Tuileries j'y ai trouvé 
mon bataillon. Nous marchâmes avec nos canons au château. 
On nous plaça sur la terrasse en bas pour empêcher que 
ces gredins n'entrassent par le jardin chez le Roi. Tous les 
bataillons arrivés en firent de même, et nous restâmes là 
trois heures et demie à voir défiler cette horde de coquins. 
Vers quatre heures, un rappel très fort, accompagné de cris 
effroyables, se fit entendre dans les cours derrière nous. 
Nous courûmes aux armes et peu d'instants après ces gueux 
brisèrent les portes du château, forcèrent les gardes (déjà à 
demi gagnés, ainsi que la moitié des bataillons et presque 



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LES GUERIN 125 

tous les canonniers) et entrèrent dans les appartements en 
jetant des cris horribles, parmi lesquels on distinguait ceux- 
ci : Nous le tenons. A Pinstant tout fut en leur puissance chez 
le Roi et il ne resta que sa seule chambre à coucher, dans 
laquelle il s'était réfugié ainsi que la Reine et ses enfants, qui 
n'était point violée, mais que Ton commençait à ouvrir à 
coups de hache. Témoins de tout cela du poste où nous 
étions, la plupart d'entre nous pleuraient de rage de ce qu'on 
nous laissait là, tandis que les gueux étaient maîtres du châ- 
teau et de la vie du Roi. Dans la douleur et la rage qui nous 
transportaient, nous menaçâmes notre commandant Bascaris 
de le massacrer s'il ne nous faisait marcher. En effet, ne 
recevant point d'ordre et craignant l'effet de notre colère, il 
s'écria tout-à-coup : Grenadiers, en avant ! Aussi nous par- 
ûmes au pas de charge et montâmes l'escalier du Dauphin. 
En entrant dans les appartements, nous les trouvâmes farcis 
de ces scélérats. En nous voyant entrer ferme et toujours au 
pas de charge, quoique nous n'étions qu'environ 5o contre 
8,000, ils s'écrièrent qu'ils ne voulaient faire de mal à per- 
sonne, etc. Nous les fîmes ranger à bons coups de crosse et 
parvînmes enfin jusqu'à la salle du Conseil que nous fîmes 
vider sur le champ. A peine y étions-nous dix minutes que 
la Reine, le Dauphin, Madame Royale, Mesdames de Lam- 
balle et de Tarente, plusieurs autres encore, entrèrent, pâles 
et tremblantes, en nous demandant protection pour elles et 
les enfants. Nous fimés aussitôt cercle autour d'elles et les 
enfermâmes si bien qu'il eut été impossible de les entamer. 
Plus ces scélérats menaçaient et plus notre courage croissait. 
Cette scène, qui dura trois heures et demie, est la plus 
effroyable dont j'aie jamais été témoin. Plus de 12,000 gueux 
nous entouraient, nous menaçaient, menaçaient et injuriaient 
la Reine, ses enfants, etc. Elle pleurait, nous serrait contre 
elle, quand le danger devenait par trop grand, et nous lui 
jurions mille fois que le fer qui la touchera traversera d'abord 



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I2Ô REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

nos cœurs. Enfin, on vint lui annoncer que le Roi venait de 
rentrer vivant dans son appartement. Aussitôt elle se leva, 
se précipita avec ses enfants dans l'appartement et les bras 
du Roi et ils restèrent ainsi près de dix minutes sans mou- 
vement. Trente des nôtres, dont j'étais, la suivirent dans 
l'appartement Les vingt autres gardèrent la porte et chas- 
sèrent le reste des gueux qui voulaient encore enfoncer la 
porte de la chambre où ils étaient. Enfin, nous commen- 
çâmes à respirer, et eux aussi. Le Roi et la Reine nous 
demanda tour à tour nos noms, nos demeures, nos batail- 
lons, etc., personne ne se nomma. Ils nous disaient qu'ils 
nous devaient la vie, nous rendant grâces, les larmes aux 
yeux. Nous pleurions tous en ce moment. Wermarang (?) 
dit à la Reine, comme capitaine de la compagnie : « Ne 
nous remerciez pas, Madame; nous n'avons fait que ce que 
d'honnêtes gens amis des lois devaient faire. Nous aurions 
plus fait encore... mais nous n'avions plus le brave Lafayette 
pour nous commander. » Tout le monde fut satisfait de cette 
réponse, et, après avoir donné la chasse à un certain nombre 
de ces coquins, qui volaient dans les appartements, les gre- 
niers, les caves et cuisines, nous rentrâmes. Il était dix heures 
du soir et nous n'avions, pour la plupart, point déjeuné, à 
plus forte raison diné (i). 



(i) Cette déposition, jusqu'ici inconnue, d'un témoin oculaire fournit de curieux 
détails sur l'attitude de la garde nationale et du peuple. Jean Guerin, étranger a la poli- 
tique, n'a pas écrit en vue de la postérité. C'est en rentrant chez lui que, selon son habi- 
tude, il a consigné ses impressions sur son journal. Son témoignage a donc une véritable 
râleur historique, émanant d'un acteur militant de cette fameuse journée. Guerin était 
dans la salle du Conseil, auprès de la Reine et du Dauphin; H pénétra ensuite près du 
Roi, quand le défilé du peuple fut à peu près terminé. Les détails qu'il donne sur ce 
qu'il a tu et entendu — en admettant l'exagération dont ne pouvait se défendre un témoin 
si impressionnable — me paraissent dignes de foi. Il est intéressant de comparer cette 
déposition au remarquable tableau que M. Louis Blanc a tracé de la journée du ao juin 
{Histoire de la Révolution française, t. VI, p. 409-448 J. M. Louis Blanc, qui insiste 
trop peut-être sur le caractère pacifique de la manifestation populaire, n'a pas eu de 
renseignements précis sur ce qui s'était passé au château après le départ du peuple. Les 
détails donnés par Guerin comblent sur ce point une lacune importante. 



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LES GUERIN 12 7 

De ce jour le grenadier du bataillon des Filles-Saint-Thomas fut au 
nombre des défenseurs zélés de la famille royale. Toutes les fois qu'on 
battait le rappel, il était des premiers à prendre les armes. Il profitait 
des rares moments de repos qu'il avait pour peindre les portraits de 
madame de Castellane et d'un enfant de la maréchale de Mailly. Le 28 
juin il monta la garde au château, et les grenadiers reçurent le meilleur 
accueil du Roi et de la Reine. Le 14 juillet, on craignait des troubles; 
le bataillon des Filles-Saint-Thomas resta aux Tuileries de six heures 
du matin jusqu'à huit heures du soir et en imposa par son énergique 
attitude aux gens mal intentionnés. Le a 1 juillet Guerin fut chargé, avec 
huit de ses camarades, de s'opposer à la canaille qui cherchait à 
enfoncer avec une poutre une des portes des Tuileries. « Les gros 
verroux avaient déjà sauté et nous, qui nous attendions à chaque 
minute à la voir brisée, nous avions chargé nos armes et nous étions 
mis sur deux rangs, le chien armé et en joue, pour tomber dessus tout 
d'abord. Cette contenance les effraya, et le maire de Paris, qui arriva, 
acheva de les dissiper. » Le lendemain, qui était un dimanche, il 
monta la garde au château. Le 23, il y eut encore une alerte. C'est à 
cette date que s'arrête le journal de Jean Guerin. Les événements se 
précipitaient : aucun travail n'était plus possible à notre artiste, qui, 
par son éducation et ses relations constantes avec l'ancienne noblesse, 
se trouvait naturellement plus près des royalistes que des révolution- 
naires (1). La journée du 10 août décida de la chute de Louis XVI. 
Jean Guerin, compromis avec la plupart de ses camarades par la con- 
duite qu'il avait tenue depuis le 20 juin, dut quitter la capitale. Il se 
réfugia à Strasbourg, chez son frère. Il fut dénoncé et il était sur le 
point d'être arrêté, quand un jeune officier, Desaix, dont il avait gagné 
l'amitié, lui fit endosser un habit de soldat et l'emmena aux avant- 
postes. Cette généreuse intervention sauva Jean Guerin, qui se cacha 
dans le château d'Istenviller, près Andlau (2). Après le 9 thermidor il 
quitta sa retraite et revint à Paris. Tous ses protecteurs, tous ses clients, 
avaient fui la France ou avaient péri sur l'échafaud (3) : il fallait que 

(t) Jean Guerin ne cachait pas, d'ailleurs, tes sentiments. Ça jour étant chez David, où 
se trouvaient aussi Danton et Robespierre, U vit un dessin qui représentait une guillotine 
avec la tête de Louis XVI. U manifesta hautement son indignation et sortit en s'écriant : 
• David, tu es un lâche 1 plus de liaison entre nous. • (Cf. un article de L. Levrault dans 
U Revue £ Alsace, s* série, i836, t. II, p. s 54). 

(s) Cf. l'article nécrologique sur Jean Gnerin publié par son ami L. Levrault dans la 
Reime d'Alsace, s* série, i836, p. s58. 

(3) Son compatriote et protecteur, le baron de Dietrich, maire constitutionnel de Strasbourg, 
chez lequel Rouget de Usle composa la Afor*ei7toto, avait été décapité le 38 décembre 1793 



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128 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Guerin, oublié, se refît à la fois une réputation et une fortune. U s'ins- 
talla quai Voltaire, n* 1 3, et se mit avec ardeur à l'ouvrage. Les clients 
ne tardèrent pas à lui arriver ; cette fois ce n'étaient pas de grands 
seigneurs, mais l'aristocratie nouvelle de la révolution triomphante. 
Parmi les chefs les plus illustres des armées républicaines, Guerin 
comptait deux amis, son compatriote Kleber et le général Desaix, à 
qui il avait dû la vie. U fit le portrait en miniature de Kleber et repro- 
duisit avec un talent supérieur la mâle figure de ce héros (i). 
L'œuvre fut admirée de tous : Bonaparte voulut voir ce portrait si 
vanté et le fit demander à l'artiste ; il le garda plusieurs jours sur la 
cheminée de sa chambre à coucher, dans son appartement de la rue Chan- 
tereine (2). De ce jour, Guerin avait reconquis son ancienne réputation. 
En 1797 Fiesinger, qui, après la journée du 10 août, avait, pour 
cause de modérantisme, quitté la France et s'était réfugié en Angle- 
terre, revint à Paris (3). Les deux amis se retrouvèrent avec joie, et 
Fiesinger, que la Révolution avait ruiné, chercha de nouvelles combi- 
naisons. Il s'associa, en 1 798, avec Jean Guerin, pour la publication 
d'une collection des Portraits des généraux les plus célèbres de la 



( 1 ) Void une lettre de Kleber à Jean Guerin : 

« Mon cher Guerin, je ne sais 06 loge le commissaire Mathieu; vont le savez sans 
doute. Priez-le donc de ma part de vouloir bien remettre an 3o le diner qne je devais 
avoir le plaisir de loi offrir demain 29. D me mettrait extrêmement à mon aise pour une 
affaire que je ne puis remettre. Ainsi le 3o je l'attends avec son frère, vous et Fiesinger : 
cela est attendu et irrévocable. Cbargez-vous de la commission pour tons. Je n'ai pu vous 
aller voir hier. Aujourd'hui le brouillard rendrait ma démarche inutile, mais au premier 
coup de soleil je suis à vous. Vale. 

• KxiBia. • 
• 28 ventôse. • 

(2) CC Revue <TAl$ace f ut supra, p. 2S9. 

(3) Ces faits nous sont révélés par la lettre suivante, qui a mit partie de la collection de 
M. Benjamin Fillon : 

• Paris, 2 messidor an V (20 juin 1797)* 
c Citoyen ministre, 

« Le citoyen Gabriel Fiesinger (étranger), artiste graveur, domicilié à Paris avant la 
Révolution, sorti de France en 1792, allant a Londres pour y exercer son art, a l'honneur 
de vous exposer qu'on lui a saisi a Calais, l'an second, et vendu au profit de la République 
vingt-six collections de portraits, composés de 21 membres de l'Assemblée constituante, 
comme l'atteste l'extrait ci-joint. 

* Le citoyen Fiesinger ne réclame pas le montant de la vente injuste de ses effets, mais 
il prie le ministre de vouloir bien ordonner qne denx petites caisses, Tune remplie de vieux 
livres presque tous classiques, l'autre de ses propres dessins, études, et quelques estampes, 
la plupart anciennes, puissent entrer de Douvres par Calais, sans payer les droits établi» 
sur les marchandises étrangères ; le contenu de ces deux caisses ne pouvant être regardé 



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LES GUERIN I2g 

République française (i). Bonaparte, Kleber, Beraadotte et Lefebvre 
figurèrent les premiers dans [cette galerie. Tous leurs autres compa- 
gnons d'armes tinrent à honneur de poser devant Jean Guerin. Une 
lettre de Kleber à ce dernier lui annonce que Desaix, Reynier et Cham- 
pionnet ne tarderont pas à lui prête** leurs augustes faces : 

Je vous préviens, mon cher Guerin, que les généraux Desaix 
et Rénier sont arrivés hier à Paris et qu'ils y resteront quel- 
ques jours. Ils sont très disposés, tous les deux, de vous prêter 
leur auguste face; ainsi annoncez-le à l'ami Fiesinger. Je vous 
préviendrai du jour où ils pourront vous donner séance, soit 
chez vous, soit chez moi. Le général Championnet sera pareil- 
lement ici dans quelques jours. 

Je vous salue bien cordialement 
Kleber. 

comme marchandises destinées i être vendues, mais comme les effets djun artiste dont 
l'intention est de fixer son séjour en France. 

« Le soussigné espère que le Gouvernement voudra bien prendre sa demande en con- 
sidération, eu égard à la perte qu'il a essuyée par cette saisie, perte qui se monte i huit 
cent soixante quatre livres, somme plus que double de ce qui seroit nécessaire pour les 
deux caisses. 

• Salut et respect. 




(i) Voici en quels termes le Journal de Paris, du 27 ventôse an VU (16 avril 1799) 
annonçait cette collection : 

• Collection des portraits des généraux les plus célèbres de la République fran- 
çaise. 

« Toute la collection comprendra 36 à 40 portraits, dessinés par le citoyen J. Guerin et 
gravés en deux formats; ceux en grand format par le citoyen Fiesinger, et ceux en petit 
sous sa direction, par son élève la citoyenne Hennin. 

« Les portraits finis et déjà publiés sont ceux des généraux Bonaparte, Kleber, Berna- 
dette et Lefebvre; le prix de chaque portrait en grand est de 5 francs; ceux en petit se 
vendent 1 fr. 5o. A Paris, chez le citoyen Fiesinger, quai Voltaire, n* i3 ; chez le citoyen 
Jaunret, palais Egalité, n* 61, et chez tous les marchands d'estampes de l'Europe. 

« Cette collection ne peut qu'être très agréable au public et plaira sans doute aussi aux 
artistes. • 

17 



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l3o REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Votre italien n'es pas venu pour réparer mon Bélisaire. 

Cependant Kleber partit pour l'Egypte. Il n'oublia pas son ami 
Guerin et lui écrivit souvent. Voici un des billets qu'il lui adressa 
d'Alexandrie : 

Le bon jour à mon cher et brave ami Guerin. Le bon jour 
au grave et cher Fiesinger. Le porteur dira le reste. 

Kleber. 
Alexandrie, le 20 vendémiaire an vu. 

Peu de temps avant sa mort, désirant donner à Guerin un nouveau 
témoignage d'amitié, il lui envoya son sabre qui, disait-il, avait servi la 
cause de la liberté contre les despotes coalisés (1). 

Au salon de 1798 Guerin exposa la miniature de Kleber, qui est 
actuellement au musée du Louvre. Kleber est vu à mi-corps, relevant 
la tête avec animation et la tournant vers la droite ; il est vêtu d'un 
habit brodé d'or, entr'ouvert, et d'une ceinture rouge ; il porte une 
grande cravate noire. On admira cette mâle et noble physionomie, 
rendue magistralement par l'artiste, et la réputation de Jean Guerin 
fut encore accrue par ce succès si mérité (2). 

La belle madame Récamier voulut être peinte par lui. Les deux 
billets suivants qu'elle adressa à notre artiste en sont le témoignage : 

Je suis si souffrante ce mattin, Monsieur, qu'il me sera 
impossible d'aler chez vous, comme je vous l'avais dis. Si cela 
ne vous dérange pas, j'irai après-demain à l'heure où je devais 
y aler aujourd'hui et j'espère être plus exacte. 

Recevez mes excuses et mes compliments. 

J. R. 

Je désire, Monsieur, que vous vouliez bien faire la copie 
que vous m'avez promise et je vous prierai, lorsqu'elle sera 
fàitte, de vouloir bien me l'envoyer avec le petit tableau que 

(1) Ce libre et U lettre d'enroi i Guerin étaient entre le» miini de M. Bixio. 
(s) Le portrait de Kleber i été icqnii pir le mutée dn Lourre en 1849 moyennant 
Soofr. 



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LES GUERIN 1 3 1 

je voudrais bien avoir encor quelques jours. Je voudrais bien 
aussi que cette copie ressemblât à la première. Vous n'ou- 
blierez pas que le fond de ciel faisait parfaitement. 
Veuillez recevoir, Monsieur, tous mes compliments. 

Aux beautés de l'ancien régime avaient succédé les beautés du 
nouveau. Le protégé de Marie-Antoinette devint celui de la sensible 
Joséphine. Napoléon, tout en prisant fort le talent de Guerin, lui pré- 
férait celui d'Isabey, son premier peintre en miniature. Au salon de 
i8o3 Jean Guerin exposa un cadre renfermant plusieurs miniatures, 
parmi lesquelles le portrait du comte de Fries. En 1808 il peignit l'im- 
pératrice. Une lettre du secrétaire des commandements de celle-ci 
indique les observations que Joséphine fit sur son portrait. 

Bayonne, le 7 juin 1808. 

Je viens, Monsieur, de recevoir les deux portraits que vous 
m'avés annoncés par votre lettre du 29 du mois dernier. Je 
me suis empressé de les remettre à l'Impératrice, qui m'a 
chargé de vous transmettre les observations suivantes, savoir : 

i° Que les cheveux sont un peu trop noirs. 

2 Qu'il y a quelqu'adoucissement à donner à la pommette 
des joues et près du nez. 

3° Qu'il faut adoucir aussi la mâchoire, qui parait trop forte, 
et qu'on pourrait, en général, désirer un peu plus de finesse. 

4 Que le col est trop long et que la lèvre supérieure, sur- 
tout des côtés, a de même besoin d'être raccourcie. 

Tels sont les petits changements qui ont paru nécessaires 
pour arriver à la ressemblance parfaite. Il n'y en a aucun à 
faire dans la coeffure ni dans rajustement. 

S. M. l'Impératice désire que vouslui enfassiésunecopiedans 
uneproportion extrêmement petite et comme pour une bague. 

J'ai l'honneur d'être très parfaitement, Monsieur, 

Votre très humble et très obéissant serviteur 
J. M. Deschamps. 

Cette lettre ne peint-elle pas au vif la coquette Joséphine ? 



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l3î REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Au salon de 1810 Jean Guerin exposa le portrait du colonel baron 
Le Jenne, depuis général ; à celui de 181 a, une grande miniature sur 
vélin de l'Empereur. Cependant l'Empire tomba t et le salon, qui 
s'ouvrit le i tf novembre 1814, témoigna du changement de gouverne- 
ment (1). Aux portraits de la famille impériale succédèrent ceux de 
Louis XVIII et des princes de la maison de Bourbon. Isabey a été 
remplacé par Augustin, qui s'intitule peintre du cabinet du Roi, et 
expose les portraits du Roi, du duc de Berri et du duc d'Orléans. Les 
tableaux de bataille ont disparu et ont cédé la place à des sujets em- 
pruntés à Thistoire de l'ancien régime (1). Guerin, qui n'avait pas eu 
de position officielle sous l'Empire et que ses sympathies rattachaient 
aux Bourbons, exposa, cette fois, un cadre de miniatures. Au salon de 
181 7 le portrait de Henri de La Rochejaquelein par Pierre Guerin, 
l'entrée de Henri IV par Gérard, Henri IV et ses enfants par Revoil, 
une apothéose de Louis XVI et de Marie-Antoinette marquèrent le 
triomphe de la Restauration. Jean Guerin exposa encore plusieurs mi- 
niatures, parmi lesquelles le portrait du lieutenant-général Damas. 
Il figura aussi aux salons de 1822, de 1824 ct de 1827. Dès lors il vécut 
dans la retraite. Il avait refusé les plus brillantes offres de Bernadotte, 
devenu roi de Suède, qui voulait l'attirer à sa cour. Jean Guerin pré- 
férait aux splendeurs des cours une vie calme et tranquille et les 
douceurs de l'amitié. Après avoir vu, en i83o, la chute nouvelle de la 
dynastie des Bourbons, il se retira à Obernai, dans la famille Levrault ; 
c'est là qu'il mourut en i835, à l'âge de 74 ans, laissant la réputation 
d'un des plus habiles artistes en un genre qui déclinait de jour en jour 
et que la découverte de la photographie a presque complètement anéanti. 



(1) Un critique, Dardent, publia on compte rendu de ce salon, aoua ce titre: L'École 
française en 18 14 ou examen critique des ouvrages de peinture, sculpture, 
architecture et gravure, exposés au Salon du Musée royal des Arts; Paria, Martinet, 
1814, in-8* de i3o pages. 

Dardent commence ainsi : ■ Ce salon était attendu avec impatience, mais aussi avec 
quelque inquiétude. On était bien assuré que les talents des artistes ne seraient plus 
employés i retracer des massacres, des embrasemens, et que, sur la toile comme en 
réalité, le démon de la destruction n'exercerait plus son funeste empire. On se flattait que 
du moins quelques peintres, quelques dessinateurs doués d'un talent facile exprimeraient 
les traita chéris du Roi et des personnes de la famille royale. On ne désespérait même pas 
de voir, ne fut-ce qu'en esquisses, quelques-uns des événemens qui ont signalé un retour 
si ardemment désiré, si longtemps attendu. Mais, d'un autre côté, que les artistes avaient 
eu peu ic ïcmp* pour eiéctitcr queues ouvrages dignes de pareils sujets! Avant la 
grande et décisive époque du 3i man, qu'avaient-ils pu faire pendant un grand nombre 
ic mois ?.,. » 



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l34 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

de Strasbourg, âgé de 2 1 ans, est élève de l'école de peinture 
et regardé par les professeurs comme un de ceux qui, par 
leurs dispositions, donnent le plus d'espérances. En foi de 
quoi j'ai signé le présent certificat à Paris le 21 mars 18 12. 

MÉRIMÉE. 

Il obtint en 18 14 une troisième et une deuxième médailles et une 
première au mois de janvier 181 5. Le 3o octobre 181 3 le célèbre 
peintre Gérard lut avait délivré un certificat des plus honorables : 

Je soussigné professeur en exercice aux écoles spéciales des 

Beaux-arts certifie que M. Gabriel Guerin, élève de M. Re- 

gnault,sefait également remarquer par la meilleure conduite 

et par les plus heureuses dispositions et qu'une étude suivie doit 

nécessairement lui assurer une place distinguée dans les arts. 

Paris, le 3o octobre 181 3. 

F. Gérard, 

membre de l'Institut, de la légion d'honneur, etc. 

C'est au salon de 18 17 qu'il exposa pour la première fois : son 
tableau, la Mort de Polynice, lui valut une médaille d'honneur. 
L'auteur en fit don au musée de Strasbourg (1). Au salon de 18 19 
figurèrent un Baptême de Jésus-Christ, qui devait orner l'église Saint- 
François d'Assise, et un portrait en pied de Louis XVIII, destiné à la 
préfecture d'Albi. En 1822, il exposa un Servius Tullius (2), qui obtint 
ensuite une médaille d'honneur à Lille, et V Invention de la lyre et du 
chant \ que possède actuellement M. Jules Guerin. Justement fière du 
talent et des heureux succès d'un artiste, dont la famille était une des 
gloires artistiques de l'Alsace, la ville de Strasbourg chargea son maire, 
M. de Kentzinger (3), de faire les propositions les plus flatteuses à Gabriel 
Guerin, On lui offrit, s'il voulait revenir à Strasbourg, la survivance 
de la charge de conservateur du musée, occupée par son père, et une 
place de professeur de dessin au lycée et à l'école industrielle. Gabriel 
Guerin, qui aimait passionnément son pays natal, n'hésita pas à accepter 

(1) Ce tableau a été brûlé lors da bombardement de Strasbourg en 1870. 

(3) Ce tableau, qui arait été acquis par le musée de Strasbourg, a été brûlé 
en 1870. 

(3) Gabriel Guerin arait peint le portrait de M. de Kentzinger; ce portrait était consenré 
au musée de Strasbourg où il a été brûlé en 1870. 



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LES GUERIN 1 35 

ces offres et il revint s'établir à Strasbourg auprès de son père. Dès lors 
il travailla presque exclusivement pour l'Alsace, dont nombre d'églises 
et de monuments contiennent des tableaux de lui. Il envoya rarement 
ses œuvres à Paris. Cependant au salon de 1827 il exposa VInventi 'on de 
l'imprimerie à Strasbourg en 14^6 (1), en i83i des costumes alsaciens 
et, en 1 844, la Vierge et l'Enfant Jésus (2) . Il fit aussi une Adoration des 
Bergers, qui est actuellement dans la cathédrale de Strasbourg, et le 
portrait de M. Schwilgué, le restaurateur de la fameuse horloge de la 
dite cathédrale. 

Gabriel Guerin fit un grand nombre de portraits, parmi lesquels ceux 
de Benjamin Constant, peint alors que celui-ci fut élu député par les 
Strasbourgeois (3), et de Humann, ministre des finances de Louis- 
Philippe (4). Il faut citer aussi, parmi ses œuvres les plus importantes, 
une Scène de la vie de Lantara, Richelieu et madame de Chevreuse et 
Condé et mademoiselle de Montpensier (5). 

Gabriel Guerin avait ouvert un atelier, qui fut fréquenté par un grand 
nombre d'élèves. C'est de cet atelier que sont sortis Brion, Henner, 
Halfner, Lix, Gluck, Schuler, Jung, Pradel et Schutzenberger. 

Gabriel Guerin mourut le 20 septembre 1846, d'une chute de voiture, 
pendant une partie de plaisir qu'il faisait avec des amis en Bavière. Il 
a laissé un fils, M. Jules Guerin, qui, sans avoir suivi la carrière artis- 
tique, a conservé pieusement les traditions de sa famille et m'a confié 
les documents qui m'ont servi à faire le présent travail. 




Gabriel Guerin avait un frère, Jean-Baptiste, qui fut aussi peintre et 
qui lui succéda comme conservateur du musée de Strasbourg. 

(1) Ce tableau fut acquis par le duc d'Orléans, depuis Louis-Philippe, et fut conservé 
jusqu'en 1848 dans les galeries du Palais-Royal. On ignore s'il existe encore. 

(3) Ce tableau a été cédé, au mois de juillet 1879, par Mademoiselle Cornélie Guerin, 
au musée de Strasbourg, qui ne possédait plus, depuis les incendies de 1870, aucune œuvre 
du célèbre peintre alsacien. 

(3) Ce portrait, très caractéristique, n'a jamais été reproduit. Il est actuellement conservé 
par Madame Vervoort, une des filles de Gabriel Guerin. 

(4) Ce portrait est actuellement entre les mains de M. Jules Guerin. 

(5) Ces trois tableaux sont conservés par M. Jules Guerin. 



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JEAN II, DUC DE BOURBON 



Lettre adressée par Jean II, duc de Bourbon et d'Auvergne, grand- 
chambellan, puis connétable de France, à Francesco Sforza, duc de 
Milan. Elle fait partie des archives de cène dernière ville. 

Monseigneur, je me recommande à vostre bonne grâce 
tant comme je puis. Et vous plaise savoir que j'ay receu les 
lettres qu'il vous a pieu de m'escripre par ce porteur, par 
lesquelles me mandez que je vous vueille donner et envoyer 
des lasniers faulcons bons à voler à la perdrix, ensemble des 
espagnolz. Et pour ce que de présent j'en suis mal fourny et 
que n'en puis finer si dilligemment, à ceste cause vous ren- 
voyé ledit porteur. Touteffoiz, Monseigneur, je y ay fait et 
taiz toute la dilligence possible d'en recouvrer et espère à 
Payde de Dieu d'ycy à dix ou huit jours faire partir d'ycy mon 
faulconnier qui vous portera desdits lasniers faulcons et des 
espaignolz, de tous les meilleurs que je pourray finer. Et 
tousjours quant aucune autre chose vous plaira par deçà 
que je puisse escripvez le moy et de bon cueur le feray à 
l'ayde de nostre Seigneur, auquel je prie nostre Seigneur 
qu'il vous doint bonne vie et longue. Escript à la Coste le 
vi e jour de décembre. 

Vostre serviteur 

Johan. 

A mon très redoubté seigneur monseigneur le duc de 
Millan. 



LE CARDINAL CONSALVI 



Lettre adressée de Rome, le i er septembre 1801, par le cardinal 
Consalvi, secrétaire d'État du pape Pie VII, au savant Chaptal, alors 
ministre de l'intérieur. Le cardinal revenait de Paris, où il avait signé 
le Concordat avec le premier Consul. Il demande en grâce à Chaptal 
d'empêcher que M. Dufourny, commissaire à Rome pour les objets d'art, 
enlève les objets appartenant à des particuliers. Il déclare que le Saint- 
Père abandonne volontiers ce qui est la propriété du Vatican ; il en 
appelle à la loyauté et à la justice du gouvernement français et à la 
bonté de son ministre. « Prenez, s'écrie-t-il, les propriétés qui ne sont 
pas aux particuliers et sauvez celles-ci. » Le ton à la fois humble et fier 
de cette lettre mérite d'être remarqué. 



Excellence 

C'est absolument en V. E., c'est dans la connoissance de 
ses qualités personnelles, que sont fondées mes espérances 
pour l'heureuse issue de l'affaire qui forme l'objet de l'envoi 
d'un courrier extraordinaire, porteur de cette dépêche. Je 
dirai de plus, que c'est dans sa personne (dont je ai rendu à 
sa Sainteté le comte le plus détaillé) que le Saint Père a fondé 
les siennes. 

M. Doufourny, commissaire des objets d'arts, a fait ici des 
demandes qui, quoique viennent à la suite d'un arrêté du 



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Ï40 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

1 3 floréal, cependant doivent recevoir des modifications en 
conséquence de ce qui s'est passé plus récemment à Paris, 
où je ai eu l'honneur de parler au P. Consul et à V. E. même 
sur cet objet. Je joins ici une mémoire détaillée, qui instruira 
V. E. des faits, qui ne lui sont peut être connus dans toute 
leur extension. Je prie Y. E. de y jetter un coup d'œil; je le 
prie dans un moment de loisir de vouloir le lire elle-même : 
c'est ce que demande instament à sa bonté ordinaire. Je n'ai 
pas eu le tems de l'écrire en français, qui m'est un peu plus 
difficile. Sa Sainteté ayant étée très pressée par son désir d'en- 
voyer le courrier le plus tôt possible, ne m'a pas donné le 
tems de la faire au moins traduire. Que V. E. me pardonne 
cette peine de plus que je lui procure. Elle verra, par la lec- 
ture du mémoire, que la demande du S. Père est également 
appuyée à la justice que à la générosité française. Elle l'est 
plus particulièrement à la bonté et amabilité de M. Chaptal. 
Que V. E. souffre aussi que je lui rappelle la conversation 
que nous eûmes ensemble là dessus, le dernier jour que j'eus 
l'honneur de la voir. Je rappellerai ce jour-là avec bien de la 
peine pour m'être éloigné d'un séjour, dont je ne pouvais être 
plus charmé , et d'une personne aussi estimable et aussi 
aimable que M, Chaptal. Dans l'éloignement qui me sépare 
de lui, il peut être assuré que son souvenir me suit toujours, 
étant trop profondément gravé sur mon cœur. 

V. E. n'a pas besoin que je lui répète ici ce qu'il est dit 
dans ce mémoire. Cependant l'intérêt que le S. Père y mette, 
m'oblige à dire ici un mot sur ce même objet. Que V. E. me 
permette de parler ici un langage franc et loyal, tel qu'il con- 
vient à un homme de son caractère. Il ne s'agit pas de sauver 
les propriétés déjà appartenentes au musée Vatican : sa Sain- 
teté ne fait point d'opposition à les livrer, si le P. Consul le 
veut. Il s'agit de l'intérêt des particuliers et de leurs pro- 
priétés. Ce sont les objets appartenants aux Braschi, aux 
Albani, à M. Bristol, à^M. Fogher, à l'église Impériale de 



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LE CARDINAL CONSALVI 141 

Tâme. Ce n'est pas le gouvernement français d'aujourd'hui 
qui en fit la confiscation : au contraire, il la réprouve haute- 
ment. Le P. Consul en a donné une preuve éclatante, en 
ordonnant que l'on rende les biens au duc Broschi ; la cause 
est donc jugée : ce fut la confiscation aussi des objets en 
question qui eut lieu de même que l'autre. Si celle-ci est 
déclarée nulle et injuste, comment pourroit subsister l'autre? 

Il est de même pour les autres individus susmentionnés. 
Le P. Consul me marquât un peu de mécontentement contre 
la famille Albani, la croyant ennemie de la France. Je tachai 
de la justifier. Outre cela les objets ne sont pas au cardinal, 
dont il se plaignoit, mais au Prince, qui depuis longtemps 
demeure en Allemagne, et qui est étranger à tout ce qui se 
passe à Rome. Je ne parlerai pas ni pour l'église Impériale 
de l'âme, ni pour les deux Anglais : sa justice et sa générosité 
lui parleront pour eux. Je lui parlerai pour le Pape même et 
pour moi. Voulez vous, Excellence, que nous allions faire 
des visites domiciliaires, ou faire les sergens, pour les con- 
traindre à rendre leurs propriétés, que ils soignent? Je en 
appelle à votre cœur. Vous ne trouveriez cela ni humain, ni 
décent pour le caractère sacré dont le S. Père est revêtu. 
D'ailleurs je ose vous faire observer, Excellence, si la con- 
duite toujours constante de sa Sainteté vis à vis de la France 
n'a pas quelque droit à ce que votre Gouvernement ne lui 
trouble pas son repos. Vous me pardonnerez, je espère, ma 
franchise et ma loyauté ordinaire. Je vous prie donc, Excel- 
lence, d'envoyer des ordres précis et clairs. Prenez les pro- 
priétés qui ne sont pas aux particuliers, et sauvez celles-ci ; 
voilà tout. 

Je ai ouffert à M. votre fils, qui se porte à merveille, s'il 
vouloit profiter de l'envoi de ce courrier pour vous donner 
lui même ses nouvelles. Il est charmant. Il fut chez sa Sainteté 
avec tous les autres ; le Pape me dit de l'y conduire une autre 
fois seul; ainsi il ira dans deux ou 3 jours. Je l'aime à la folie : 



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142 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

il est si gentil, si doux, si rempli de mérite, quoique si jeune, 
que vous avez des grandes raisons pour l'aimer. Je tacherai 
de lui témoigner tout l'empressement possible dans son séjour 
ici. Je finirai ma lettre, pour vous répéter, Excellence, mes 
prières pour que vous me teniez votre parole de disposer 
de moi comme votre agent, Vous ne manquerez pas à une 
promesse solemnelle. Je vous répète, Excellence, les assu- 
rances de ma considération la plus distinguée et la plus res- 
pectueuse. 

De V. E. 

Très affectionné serviteur, 

H. Cardinal Consalvi. 

Rome, 1 septembre 1801. 



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LA MÈRE D' ANDRE CHENIER 145 

des villenes paroles à mon fils quant elle vient l'assaillir à i 
ou 2 heures du matin, je soufrais, mais je n'ai point paru. 

Mais voici ce qui est arivé le 26, la nuit antre jeudy et 
vandredy, à 1 heure du matin. J'ai entandu beaucoup de brui 
dans la chambre de mon fils et des cris, et la voi de mon 
chère fils, très émue, qui diset qu'on apele la garde. Alors 
toute efrayé j'ai sauté de mon lit, j'ai ouvert ma porte et entré 
chés mon fils, que j'ai trové en chemise, ses couverture et ses 
coussin par terre, et cette arogante le batan et lui crachant 
sur lui, ivre d'au de vie, soûle comme un porte d'au et écu- 
mant de rage. Je l'ai poussé dehor la porte; elle l'a menasse 
qu'il la lui payerai et qu'elle voulé l'étrangler, tous cela de- 
vant moi, Auguste présant, mais il est gagné. 

Elle a donné à Auguste mille franc et 5oo fr. à la portière. 
C'est de lui-même que je le tiens, quant mon fils étet à la 
rue Helvécius. 

Tachés, mon chère citoyen, de tirer votre ami d'auprès 
d'une objait si indigne d'un homme comme lui, sur tout les 
rapors. L'ocasion est favorable et le mal presse. 

Point jolie, arogante, efrontée, bête et méchante. J'ai apelé 
la portière et lui dit de ne plus recevoire cette famme, mais 
tout sont gagné. Auguste, le belle esprit, gouverne tout. 

Je vous prie, n'oublié pas ma prière. J'y compt. Depui 
que je vous ay confié ma pêne je suis plus tranquile. 

Un homme d'esprit comme vous, citoyen, saura cornant 
il faut s'y prandre pour ne pas me compromettre vis-à*vis 
mon fils. 

Je fini, mon chère citoyen, avec l'estime la plus distingué. 
Signé : E. V. Chenier, née l'Homa. 

Au citoyen Mayro, chef de l'écol santral de Paris, au 
collège de Navar, rue et montagne Geneviève, à Paris. 

19 



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I46 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Paris, ce 3o vandémiaire an 7. 
La c. V. Chenier au citoyen Maherault. 

Citoyen, nous ne somme plus à tams. Mon chère fils, 
M. J. C, a sédé à la bonté de son cœur. A force de bonté, on 
est quellques fois foible. 

Je vous remercie beaucoup de ce qu'à ma prière vous avés 
bien voulu conssentir à vous charger d'une commission déli- 
cate en éfé. 

Mon chère fils, à qui j'ai tant d'obligations, qui vas au 
devant de tout ce qui peut me plère, aurai suremant deviné 
que c'est moi qui ora fait des confidances à son ami et m'orai 
su movés gré. 

J'aime mieu atandre du tams. Il fait et défé. 

J'ai l'honneur de vous réitérer mes remerciments et vous 
assurer de l'estime la plus distingué. 

E. L. V. Chenier. 

Chère et digne ami de M. J. Chenier, voyé-le le plus sou- 
vant qu'il vous cera paussible. Persuadé-lui que l'homme, 
pour devenir libre, il doit conssentire à se charger des chênes 
honorable du mariage. Il y a des incovéniant, mais il y an a 
à tout ; au moins celles de ce lien vertueu ne font pas rougir. 
Là où est la vertue se trouve le bonheur. Il n'y an a pas 
aùtremant. Il n'est plus si éloigné de l'idée du mariage. Il 
port le même jugemant que moi de cette famme sans aucune 
peudeur, mais l'abitude l'anporte encor. Nous le ramèneron : 
son âme est née vertueuse. Édé moi. 

Au citoyen Maherault, professeur à l'écol central du Pan- 
théon, etc., rue et montagne Geneviève, au si-devant collège 
de Navar, à Paris. 

Les espérances de Madame Chenier ne se réalisèrent pas : non seu- 
lement Marie-Joseph ne se maria point, mais il ne quitta point Madame 



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LA MÈRE D' ANDRÉ CHENIER 147 

de la Bouchardie. En 1799, il lui fit épouser un certain M. de Les* 
parda de Maisonnave, qui joua le rôle des maris des maîtresses de 
Louis XIV et de Louis XV. M. de Lesparda ne tarda pas à se retirer à 
Montereau, tandis que sa femme revenait habiter dans la même maison 
que Marie-Joseph. Madame Chénierdut accepter cette situation singu- 
lière. Madame de Lesparda, un peu adoucie, 'montra pour son amant, 
malade et ruiné, un dévouement; remarquable. Elle vendit ses dia- 
mants pour payer les dettes de l'ancien conventionnel, qui avait perdu 
sous l'Empire ses fonctions et son crédit. Elle le soigna jusqu'au der- 
nier jour avec tant de sollicitude que Constantin-Xavier, le frère aîné 
de Marie-Joseph, lui donna, dans une déclaration que j'ai publiée (1), 
le titre de sœur. 

Marie-Joseph Chénier mourut à Paris le 10 janvier 181 1. 
Madame Chénier avait précédé son fils dans la tombe. Elle était 
morte à Paris, le 6 novembre 1808, à l'âge de 79 ans. Elle fut enterrée 
à Antony. 

(1) Repue des documents historiques, t. V. 



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CHARLES VIII 



ROI DE FRANCE 



Lettre du 8 octobre 1483, par laquelle Charles VIII demande au 
collège des cardinaux de nommer à l'évêché d'Orange, vacant par la 
mort de Laurent Alleman, Pierre Carré, confesseur de Pierre de Beau- 
jeu, duc de Bourbonnais. Ce siège avait été offert à Etienne Goupillon, 
évèque de Seez, qui Pavait refusé. 

Charles par la grâce de Dieu roy de France. Très chiers et 
grans amys, pour ce que l'eveschié d'Orenge est destituée 
de pasteur depuis la derrière vaccacion d'iceluy par ce que 
maistre Estienne Goupillon, qui de Peveschié de Seez a esté 
contre son gré, vouloir et consentement, translaté audit eves- 
chié d'Orenge, n'a voulu ne veult accepter ladicte translacion, 
nous escripvons à nostre saint père qu'il luy plaise oudit cas 
pourveoir audit eveschié de la personne de maistre Pierre 
Carré, docteur en théologie, conseillier et confesseur ordi- 
naire de nostre très chier et très amé oncle et cousin le duc 
de Bourbonnois et d'Auvergne. Si vous prions tant à certes 
que povons que vous vueillez tous ensemble et en particulier 
accorder, tenir la main et tant faire envers nostredit saint père 
à ce que ledit maistre Pierre Carré soit pourveu dudit eves- 
chié d'Orenge, se ainsi est que ledit Gopillon ne le vueille 



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CHARLES VIII, ROI DE FRANCE 149 

accepter. Et vous nous ferez en ce faisant très singulier et 
agréable plaisir. Très chiers et grans amys, nostre Seigneur 
vous ait en sa sainte garde. Donné à Amboise le vin 6 jour 
d'octobre. 

Charles. 

Petit. 

A noz très chiers et grans amys les cardinaulx du saint 
siège apostolique. 

Pierre Carré fut en effet nommé évêque d'Orange ; il occupa ce siège 
jusqu'au 5 janvier i5io. 

Cène lettre de Charles VIII est conservée dans les Archives de 
Venise. (Bolli ed atti délia curia romana, busta n* xxvm.) 



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UNE COUSINE DE NAPOLEON 1 er 



M. L. Azzolini, de Rome, m'a communiqué l'original d'une lettre 
écrite à Napoléon I er par une de ses cousines, Petronilla Buonaparte. 
Le texte en est tellement curieux qu'il m'a paru digne d'être publié, 
avec son orthographe extravagante ; j'ai même fait reproduire en fac- 
similé quelques lignes et la signature. Cette Petronilla a-t-elle réelle- 
ment existé, ou cette lettre est-elle l'œuvre d'un mauvais plaisant? c'est 
ce que j'ignore. Ce que je puis affirmer, c'est qu'elle date bien de l'époque 
où Napoléon fut proclamé empereur des Français. 

A Monsieur l'ampereur Buonaparte, à Sein Clou, 

pré Pari. 

Ajaccio, ce 1 5 may. 

Laids parvenus sont ordinairement flairs : ces pourquoi 
j'ais peur de vous écrire. On dit d'ailleurs que lorsque vous 
étiés consulte, vous avés envoyé biens des gens dans le nouvo 
ou dans l'autre monde parce qui zavaient écri ce que vous ne 
vouliés pas qu'on lut. A présan que vous étés ampereur, ce 
cera peut être encor pi. Je me déicide pourtant à vous écrire, 
persuadée que vous n'oré pas oublié votre ancienne amie et 
couzine Petronilla Buonaparte. 

La laitre que je vous envoi ne se pairdra pas, j'espaire, 
et ne sera lue par pairsonne, puisque j'an charge une amie 
commune, la Brighetti, qui va à Marseille pour apprendre 
le français, afin de se fer ensuite présenter dans votre cour 
impérial. Quant je me rappel les eureux momens que nous 
avons pacé ensemble, mon feble queur est prêt à se fandre. 
Je souhaite qu'il en soit otant de vous quant vous recevré 
la présante laitre. Vous souvené vous du tans où vous donnié 
des lessons à la petite Petronilla quant vous arrivié de Pari 
où le Roi vous avè mis à l'école à cause de ce grant seigneur 



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UNE COUSINE DE NAPOLÉON I er l5l 

qui était si bien avec ma tante. Ces vous qui m'avés apris à 
conter et puis l'aurtaugrafe, et puis... Ah! couzin, je veux 
dire Cire, quoique vous m'ayés pour ainsi dire planté là 
depuis que le sistaime d'égalité vous a rendu grant seigneur, 
je n'ai point oublié nos enciennes liaizons. Je vous en dirais 
maime là dessus bien davantage, mais il y a tous plin de 
choses qui se pacent entre couzin et couzine, quant on est 
auprès l'un de l'autre, et qui ne peuvent se mender dans 
une laittre. J'imagine que la place d'ampereur qu'on va vous 
donné vous vaudra de bons apointements et que vous n'oré 
pas à me dire comme quant vous étié lieutenant d'artillerie 
que vous n'avé pas le sou. Le petit est en pancion, mais je 
m'épuise pour l'entretenir et je pance que je n'orais pas de 
jupon si notre vieux oncle le notaire Jeronimo ne m'avé pas 
praité 18 francs. On m 1 a bien conseillé de vous écrire, 
mes je n'en ai pas eu le courage parce qu'on dizait que 
depuis que vous vous étiés fé français vous ne voulié plus 
reconnetre tous les Buonaparte qui sont restés en Corse. 
Vous connaisse ma timidité naturel, vous savé combien 
elle a été difficile à vincre. Hé bien, ces toujours de maime. 
D'après cela, Cire et chair couzin, vous pouvé pancer combien 
ça me coûte de vous écrire. Ces pourquoi je termine ma 
laittre en vous assurant des témoignages de mon amitié, étan 
toujours com autrefoi 




Versatiles > 14 Floréal an \ u 



Je vous préviens » Monsieur, que Conformément aux anciens usages 
pratiqués de tout temps, le premier Magistrat du Département doit 
recevoir des honneurs à l'Eglise» quand il s'y trouve j c'est un gage 
de l'union qui doit régner entre l'Eglise et l'Etat » et une réconnois- 
tance due à 4a protection de Tune envfets Tautte. 

" En conséquence» lorsque le Préfet du Département assistera âme 
offices de votre Eglise» il doit y avoir une place distinguée dans 
le chœur; le Thuriféraire (bit lui donner l'encens après le Clergé -, 
V Acolyte doit lui présenter le pain-béni » et l'Officiant l'eau-bénite» 
avec distinction i enfin» U doit être admis à baiser la paix avec le 
Clergé. 

Je vous prie de vous conformer a ces dispositions» que Je crois 
être dans votre coeur. On s'honore toujours en honorant le ring» 
l'état et la personne du premier dépositaire de la puissance publique» 
sous l'autorité du Gouvernement. 

ftjgféez» je vous prie» Monsieur» mes salutations respectueuses* 

f LOUIS» Evtye de FersaUlcs. 

Je vous prie de donner avis de cçt arrangement à tous les Curés 
desservants de votre Canton 



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LOUIS CHARRIER DE LA ROCHE 

ÉVÊQUE DE VERSAILLES 



Louis Charrier de La Roche, né à Lyon le 17 mai 1738, fut grand- 
vicaire dans sa ville natale sous l'archevêque Malvin de Montazet. En 
1 789 il fut élu député aux États Généraux par le clergé de Lyon : il 
prêta serment, en 1791, à la constitution civile du clergé et fut nommé 
évêque constitutionnel de la Seine-Inférieure. Il donna sa démission 
le 26 octobre 1791 et se retira à Lyon. Après la Terreur, il se réconcilia 
avec le Saint Siège et fut pourvu, le 9 avril 1802, de Tévêché de Ver- 
sailles. Peu de mois après il fit connaître aux curés de son diocèse 
quels honneurs ils devaient rendre dans leurs églises aux préfets. 
Je reproduis en fac-similé cette circulaire, qui est du 24 floréal 
an XI (14 mai i8o3). 

En Tan X l'évéque Charrier de La Roche avait été consulté par un 
médecin de Versailles sur le point de savoir si la vaccine n'était pas 
contraire à la religion. La précieuse découverte de Jenner, après avoir 
été attaquée et contestée, comme cela se produit pour toutes les inno- 
vations, commençait à se propager dans l'Europe entière et à être 
acceptée par les médecins et par le public. Cependant ce préservatif, 
emprunté à un animal, choquait plusieurs esprits, et on se demanda si 
cette pratique était conforme aux lois religieuses. Charrier de La Roche 
se prononça pour l'affirmative dans les termes suivants : 

Versailles, 22 fructidor an 10 (1). 

Le cas de conscience sur lequel vous me consultés, Mon- 
sieur, n'est pas nouveau. Il fut proposé il y a plus de 3o ans 
pour l'inoculation de la petite vérole ; comme des personnes 

(1)9 septembre 180a. 

20 




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l54 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

scrupuleuses crurent voir dans cette précaution la communi- 
cation d'une maladie qui pourroit donner la mort et, par 
conséquent, une action défendue par la loi de Dieu, la faculté 
de théologie fut consultée par J'autorité supérieure ; avant 
de donner sa décision, elle désira que la faculté de médecine 
s'expliquât sur les avantages et les dangers de l'inoculation, 
L'avis de cette dernière fut tout en faveur de cette opération 
salutaire, qui ne lui présentoit que des moyens de salut et 
un préservatif assuré contre les ravages multipliés de la ma- 
ladie qu'il s'agissoit de prévenir, et il parut décidé qu'au 
moyen des préparations par lesquelles on dispose les sujets 
à être inoculés, eu égard à l'âge, au tempérament et aux 
autres circonstances qui faisoient juger du succès de l'inocu- 
lation, cette découverte étoit utile et précieuse pour l'huma- 
nité, et que s'il en est résulté quelques accidens, ils étoient si 
rares et si étrangers à l'inoculation même, on ne pouvoit les 
attribuer qu'à la faute de celui qui n'avoit pas assez consulté 
les dispositions du sujet devenu victime de l'inoculation. 

D'après cette décision, la Sorbonne ne prononça pas doc- 
trinalement sur ce point, mais son silence fut regardé comme 
une approbation du procédé, dans l'ordre de la conscience, 
puisque jugeant que l'avis de la faculté de médecine de voit 
précéder le sien, c'étoit pour diriger celui-ci sur celui-là que 
cet ordre fut gardé. 

Or, si l'on peut croire que l'inoculation est permise dans 
l'ordre de la religion comme elle est prudente et salutaire 
dans l'ordre de la santé, à plus forte raison la découverte de 
la vaccine doit-elle jouir du même privilège et réunir les 
mêmes caractères. D'après ce que les papiers publics nous en 
apprennent, non seulement elle préserve de la petite vérole 
naturelle, mais encore elle en détruit le germe. Si cela est, et 
l'expérience nous l'apprendra, ce seroit un présent inappré- 
ciable que la Providence auroit fait à la société. Il paroit que 
la vaccine n'est pas même une maladie, qu'elle a ses prépa- 



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LOUIS CHARRIER DE LA ROCHE l55 

rations comme l'inoculation et qu'à peine elle est sentie par 
ceux qui se soumettent à cette épreuve. Dès lors ne peut on 
pas placer l'une et l'autre dans la classe des remèdes de pré- 
caution qui sont très légitimes et très salutaires tout ensemble ? 
Une saignée, une médecine, sont destinées à rétablir la santé 
comme remèdes; cependant il peut en résulter des effets 
contraires et la mort même, quand elles sont mal appliquées; 
une opération chirurgicale a pour but de sauver la vie au 
malade qui la subit; combien de malades périssent dans 
l'opération même ? Néantmoins personne ne s'est avisé de 
contester la légitimité de ces remèdes dans Tordre de la reli- 
gion. Je pense donc et suis très porté à croire qu'il en est de 
même de la vaccine, d'après ce que j'en ai lu dans les papiers 
publics. Je soumets toutefois mon opinion à des théologiens 
plus éclairés que moi; mais je suis disposé à persévérer dans 
mon opinion, jusqu'à ce que l'on m'en fasse appercevoir le 
vice ou le danger. Quand on est consulté, on doit un avis à 
celui qui consulte; tel est le mien sur cette matière. 

^ /ûulj foflvLj Je ybûruéLf 

A Monsieur, Monsieur Duchesne, professeur d'histoire 
naturelle, à Versailles. 

Charrier de La Roche devint premier aumônier de Napoléon i"en 
1804. Il mourut le 17 mars 1827. 



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LA CORPORATION 

DES PEINTRES VERRIERS DE PARIS 
en i585 



Dés le xiii* siècle, l'usage des vitres peintes était répandu; ceux qui 
les fabriquaient étaient considérés comme des artistes et jouissaient, en 
cette qualité, de certains privilèges. Charles V et Charles VI, en effet, 
déclarèrent les peintres vitriers quittes et exemps de toutes tailles, par 
des lettres patentes, données à Chinon, le 3 janvier 143 1 (n. s.); Char- 
les VII confirma ces privilèges en faveur de Henri Mellein, peintre 
vitrier de Bourges, et de tous ceux de sa profession (1). Ceux-ci for- 
maient, dans plusieurs villes du royaume, des corporations; à Paris, 
les peintres vitriers dressèrent des statuts que Louis XI approuva le 
24 juin 1467 (2). La communauté adopta pour patron l'évangéliste saint 
Marc, c un des quatre secrétaires de Dieu » ; elle était gouvernée par 
deux jurés maîtres chef d'atuvriers, élus tous les ans, le lendemain de 
la fête de saint Marc; ces jurés, qui devaient avoir dix ans de maîtrise, 
exerçaient un droit de visite et de contrôle sur tous les membres de la 
corporation, dont ils s'engageaient à diriger les affaires « comme de 
bons pères de famille. • Pour entrer dans la communauté, il fallait un 



(1) Ces lettres ont été publiées par Pierre Levieil dans son livre: L'art de la peinture 
et de la vitrerie; 1774, in-fol., p. 88. 

(2) Cf. Statuts, ordonnances, privilèges et règlements des Maîtres Jurés, Anciens 
Bacheliers, et Maitres de la Communauté des Vitriers-Peintres sur verre de la Ville, 
Fauxbourgs, Banlieue, Prévôté et Vicomte de Paris. Tirés des Anciens Statuts de la- 
dite Communauté accordés par le Roy Louis XI en sa ville de Chartres, par ses Lettres 
Patentes du 24 juin 1466, registrées ès-Livres du Chdtelet de Paris, le 26 jour 
d'Août en suivant. Vérifiées en Parlement le dix-neuvième avril 1666. A Paris, de 
l'imprimerie de la V. de Jacques-François Gron, rue de la Hachette, ai] Soleil do; 
M.Dccui, in* 18 de m pages. (Bibl. nat., F4S30.)— La date de 1466 est une f«nt< 
d'impression: il faut lire 1467. 



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LA CORPORATION DES PEINTRES VERRIERS DE PARIS 1 5y 

apprentissage de quatre années, après lequel on était admis à faire le 
chef-d'œuvre; cette épreuve avait lieu dans la maison d'un des jurés et 
en présence de dix anciens maîtres (i). Les statuts, qui comprenaient 
trente-cinq articles, établissaient les devoirs respectifs des maîtres et 
des apprentis. L'article XIX était ainsi conçu : e Nul Maitre ne pourra 
mettre en œuvre aucune pièce de Peinture ès-Églises, Chapelles, Mai- 
sons et autres lieux, qu'elle ne soit bien et deuement recuite, à peine de 
six livres parisis d'amende, applicable moitié au dénonciateur et l'autre 
aux frais des jurés. » Les veuves avaient droit de tenir les boutiques et 
jouissaient des mêmes privilèges que leurs époux défunts, tant qu'elles 
n'étaient pas remariées. Enfin, l'article XXVIII portait que tout verre 
blanc ou peint, « qui sera voiture tant par eau que par terre dans la 
ville et fauxbourgs de Paris », serait visité par les jurés avant que d'être 
exposé en vente. 

Tels étaient les articles principaux des statuts qui régissaient, pen- 
dant les xv 6 et xvi e siècles, la corporation des « Vitriers Peintres sur 
Verre de la Ville, Fauxbourgs, Banlieue, Prévôté et Vicomte de 
Paris (2). • En 1 585, cette communauté fonda, dans l'église du prieuré 



(1) Les statuts ne contiennent pas de détails sur le chef-d'œuvre, mais ceux des 
peintres, sculpteurs et verriers de Lyon, confirmés par Charles VIII en 1496, portent les 
dispositions suivantes : 

« Le compaignon verrier fera pour son chef-d'œuvre deux paneaulx de voirres, con- 
tenant chacun huit pieds en querrure, et dedans l'ung fera un Mont-Calvaire de painture 
et de joincture, en l'autre un trespassement de Nostre-Dame de peinture, recuyt comme il 
appartient, ou autres ystoires a l'ordre des maîtres, sans aide ni conseil d 'autrui, et ap- 
partiendra à la confrairie de Saint-Luc; si le compaignon le veult reprendre, l'aura pour 
le prix justement estimé, et s'il veult passer maitre fera ung disner, et en oultre sera 
tenu demeurer troys moys chez un des maîtres pour connaître de sa science, à moins qu'il 
ait esté apprentif chez un maître de Lyon. » Cf. Histoire des anciennes corporations d'arts 
et métiers et des confréries religieuses de la capitale de la Normandie par Ch. Ouin- 
Lacroix, docteur en théologie de l'Université de Rome ; Rouen, Lecointe frères, 18S0, in-8. 

(2) Les statuts dont je viens de parler commencent ainsi : 

« Statuts, Ordonnances, Privilèges et Réglemens, que les Maîtres Jurez, Anciens Bacheliers 
et Maîtres de la Communauté des Vitriers Peintres sur Verre de la Ville, Faubourgs, Ban- 
lieue, Prévôté et Vicomte de Paris, ont résolu de renouveller et d'observer inviolable- 
ment entr'eux, sous le bon plaisir du Roy, de Nosseigneurs de Parlement, de Monsieur 
le Prévôt de Paris, Monsieur le Lieutenant civil et Monsieur le Procureur du Roy au Chatelet 
de Paris, leurs Protecteurs, conformément aux anciens Statuts dudit Art et Métier 
accordés par le Roy Louis XI en sa ville de Chartres le 24 juin 1467, qui est le tems de 
près de deux cens ans qu'ils n'ont point été renouveliez ; Pour en jouir par eux et leurs 
successeurs, et de tous leurs Droits et Privilèges pleinement et paisiblement. » — Ces 
statuts furent confirmés par Louis XIV par ses lettres patentes données à Saint-Gcrmain- 
en-Laye le 22 février 1666. 



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l58 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

de Sainte-Croix, sis rue de la Bretonnerie, une messe perpétuelle pour 
ses membres passés, présents et à venir, laquelle devait être célébrée, 
chaque année, le lendemain de la fête de saint Marc, leur patron. J'ai 
retrouvé l'acte passé par les maîtres de la corporation avec le prieur et 
les religieux de Sainte-Croix, etjj'en publie ici le texte : 

Furent présens honnorables personnes Gratian Des- 
champs, maistre victrier du Roy, demourant à Paris rue 
Sainct Honoré, et Françoys Porcher, aussy maistre vic- 
trier des bastimentz dudit sieur Roy, demourant à Paris en 
la rue Sainct Honoré, disans que pour la grande et fervante 
dévotion qu'ilz ont tousjours eue avec leurs compaignons 
dudit estât de victrier en ceste ville de Paris en l'église et 
monnastaire du prieuré et couvent de Saincte Croix, fondé 
à Paris rue de la Bretonnerye, et considérans la bonne vye 
des religieulx d'icelluy couvent et estre participans aux 
bonnes prières et oraisons qui se dient journellement tant 
de jour que de nuit, ilz auroient et ont volunté et affection 
de fonder à perpetuitté, tant pour eulx que pour toute la 
communaulté dudit estât et de leurs successeurs, par chas- 
cun an le lendemain du jour et solempnité de la feste de 
monsieur sainct Marc, évangéliste et Tun des quatre secré- 
taires de Dieu, leur patron, ung service qui est vigilles à 
trois laiçons, avec une messe haulte de requen à diacre et 
soubz diacre et de mettre la représentation au cœur d'icelle 
église avec le poille destiné pour les trespassez et quatre 
pointe de cire à Tentour d'icelle représentation. Pour à quoy 
satisfaire eulx voulans mettre du tout à leur pouvoir de 
exécuter leur si bonne volunté, iceulx Deschamps et Porcher 
dessus nommez, en la présence de Nicolas Penegrier (i), 
Quantin Turtier (2) et Sezard Bouet (3), jurez, et de Jehan 

(1) Nicolas Pi naigrier. 

(2) Tourtier, comme l'indique sa signature. 

(3) Il n'a pas signé l'acte. 



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LA CORPORATION DES PEINTRES VERRIERS DE PARIS l5g 

Duboys, bascheller dudit estât de victrier, se seroient et sont 
retirez par devers vénérables et religieuses personnes frères 
Joseph Chermoulin (i), prieur, Anthoine Larcher, soubz 
prieur, Adrien Desgreulz (2), Nicolas Diguet, Pierre Ruffec, 
Nicolas Dumort, Jherosme Le Roulx, provincial (?), 
Lucyan Du Fref (3), Daniel Lapye, Michel Prévost (4), 
Pierre Hinard, Estienne de Guemeneuc (5), Françoys 
Surgère (6), Nicolas Chauvel, Simon Palory et Loys Petit, 
tous religieulx profes d'icelluy prieuré et couvent, par ce 
deuement assemblez et congregiez en leur chappitre au son 
de la close, auquel lieu ilz ont acoustumez de eulx asembler 
pour leurs affaires d'icelluy couvent, sçavoir si sest leur bon 
plaisir de acepter icelle fondation, desquelz après en avoir 
par eulx communiqué à tous les autres religieulx d'icelluy 
couvent et en considéracion de la bonne volunté et dévotion 
des dessusdictz victriers, se seroient et se sont à ce condes- 
sendeuz et acordez. Partant iceulx religieulx dessus nommez 
tant pour eulx que leurs successeurs religieulx d'icelluy 
couvent, ont promis et seront tenuz de dire, chanter et 
célébrer par chascun an à tousjours à perpétuité ledit jour 
lendemain Sainct Marc, pourveu qu'il ne soit jour de 
feste, ou bien le premier jour ouvrable d'après ledit ser- 
vice qui est vigille à trois laiçons, avec une messe haulte de 
requen à diacre et soubz diacre, et en la fin d 'icelle dire de 
profundis et oraisons acoustumées pour les trespassez, et de 
fournir une représentation au cœur de ladicte église avec le 
poille des trespassez et quatre pointes de cire à Pentour 
d'icelle représentation, le tout pour le remède des âmes des 
dessusdictz et de leurs successeurs victriers présens et 

(1) Le prieur n'a pas signé l'acte . 
(a) Il n'a pas signé l'acte. 

(3) Il signe Dufray. 

(4) Il n'a pas signé l'acte. 

(5) D n'a pas signé l'acte. 

(6) François de Suggères. 



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IÔO REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

advenir et de leurs parens et amys. En faveur de laquelle 
réception et pour Pentretenement d'icelle fondation lesdictz 
Deschamps et Porcher ont présentement baillé et payé de 
leurs propres deniers ausdictz religieulx, qui d'eulx ont 
confessé et confessent avoir eu et receu la somme de vingt 
escuz d'or soleil, pour icelle somme estre convertye et em- 
ployée par iceulx religieulx à Tachapt et constitution de ung 
escu deux tiers de rente annuelle et perpétuelle pour l'entre- 
tenement d'icelle fondation, ce qu'ilz ont promis et sont 
tenuz faire, car ainsy a esté acordé entre eulx, promettant, 
obligeant, renonçant, etc. Fait et passé double audit prieuré 
le douziesme jour de septembre mil cinq cens quatre vingtz 
cinq. 

QUANTIN TOURTIER. — F. L ARCHER. — N. DlGUET. — 
P. RUFFEC. — F. N. DUMOR. — PlNAIGRIER. — LEROULX. 
— L. DUFRAY. — J. DUBOYS. — P. HYNART. — 

F. de Suggères. — Deschampz. — Symon Pallory. — 
F. D. Lapie. — F. L. Petit. — F. N. Chauvel. — 
F. Porcher. 

Pageon (?). Maheut (i). 

Dans cet acte figurent un maître vitrier du Roi, Gratien Deschamps ; 
un maître vitrier des bâtiments du Roi , François Porcher ; trois 
jurés : Nicolas Pinaigrier, Quentin Tourtier et Sezard Bouet; un bache- 
lier, Jean Duboys. C'étaient là, à n'en pas douter, des artistes de talent, 
et les quelques verrières du xvi e siècle, que nos églises parisiennes ou 
nos musées possèdent encore, sont peut-être sorties de leurs fabriques. 
Au xviii 6 siècle, Pierre Levieil consacra un chapitre de son Art de la 
peinture sur verre aux « très beaux ouvrages de peinture sur verre du 
seizième siècle, dont les auteurs sont inconnus », et il cita les vitraux 
de Tégiise du Temple à Paris, de la chapelle d'Harcourt à Notre-Dame 
et de l'église des Cordeliers (a). Depuis, combien de ces chefs-d'œuvre 
ont encore disparu. Rien n'est plus sujet à la destruction que ces vitres 
peintes, ornements merveilleux de nos églises et de nos palais. Le vent, 

(i) Ces deux signatures sont celles des notaires, 
(a) Levieil, p. 55. 



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IÔ2 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

la grêle, la foudre, sont autant de dangers incessants; sans compter 
que, dans les temps d'émeutes et de révolutions, la populace n'aime 
pas moins jeter des pierres dans les vitres que brûler les papiers. Aussi 
connaît-on peu de noms de peintres verriers. Parmi les six qte men- 
tionne l'acte ci-dessus, je n'ai retrouvé la trace que de François Porcher 
et de Nicolas Pinaigrier. 

François Porcher est cité par Sauvai (1) parmi les émules du célèbre 
peintre verrier Nicolas Desangives, mais sans autre renseignement. Il 
paraît qu'il laissa des fils qui n'abandonnèrent pas la profession pater- 
nelle, car en 1677 un autre François Porcher était juré de la corpo- 
ration, et au xvin* siècle il y avait encore à Paris des maîtres vitriers 
de ce nom (2). 

Nicolas Pinaigrier appartenait à une famille qui s'est illustrée dans 
l'art de la peinture sur verre. Le premier de ce nom, Robert, exécuta, 
en 1527 et en i53o, les magnifiques vitraux de l'église paroissiale de 
Saint-Hilaire, à Chartres (3), et fut le contemporain et l'émule de Jean 
Cousin. Il eut, au dire des biographes (4), quatre fils : Robert, Nicolas, 
Jean et Louis, et une fille, Geneviève- De Robert, on ne sait rien. 
Nicolas, dit Jal (5), qui a recueilli plusieurs documents sur les Pinai- 
grier, eut un fils en i6o3, et mourut le 2 décembre 1606. Jean eut un 
fils le 17 mars 1601. Louis mourut le 29 novembre 1627. Geneviève, 
mariée à un peintre verrier, nommé Toussaint Le Blond, eut plusieurs 
enfants, de 1606 à 161 1. A mon avis, il y a dans cette généa- 

(1) Cf. Histoire et recherches sur les antiquités de la ville de Paris, par Henri San- 
rtl; Paris, 1724, 3 vol. in-fol. 
(s) Levicil, p. 66. 

(3) Lcvieil, p. 4a et 43. 

(4) Cf. article d'Emeric David dans la Biographie Michaud, et les Pinaigrier -par 
Doublet de Botsthibault ; 1854, in-4. 

(5) Dictionnaire critique de biographie et d'histoire; Parii, Pion, 1867, in-4. — Ce 
livre, constitué à l'aide des registres des paroisses de Paris et des actes conservés dans 
les éludes de notaires, est d'autant plus précieux qu'une partie des documents utilisés a 
péri dans l'incendie des annexes de l'Hôtel de Ville. Seulement Jal a publié ses rensei- 
gnements sans ordre et sans méthode, et souvent il est difficile de se reconnaître au milieu 
de faits et de dates jetés là pêle-mêle, sans classement et sans critique. L'article sur 
les Pinaigrier est un modèle du genre. Ainsi, après avoir dit que Robert exécuta, en 
1537, les vitraux de Saint-Hilaire de Chartres, il ajoute gravement: « Je n'ai pu 
apprendre où et quand Robert Pinaigrier mourut. On dit que ce fut à Tours ou près 
de Tours; ce que je vois, c'est qu'il n'était point à Paris au commencement de Tannée 
1601. En effet il ne fut point parrain du premier enfant de Jean, son fils, qui, époux de 
Marie Ourdet, fit baptiser, le 17 mars 1601, Louis. » Jal n*a pas remarqué qu'en 1601 
Robert Pinaigrier eût été plus que centenaire t 




LA CORPORATION DES PEINTRES VERRIERS DE PARIS l63 

logie, adoptée par Jal, une confusion qui confine à l'étourderie. 
Ces diverses naissances, arrivées dans la famille Pinaigrier, de 1601 
à 161 1, permettent de supposer que Nicolas, Jean et Louis étaient 
frères et que Geneviève était leur sœur ou leur cousine. Elles semblent 
prouver, d'autre part, que ces artistes étaient jeunes et assez récemment 
mariés. Or, quand Robert Pinaigrier peignit les vitraux de Saint-Hilaire 
de Chartres, en 1527, il n'était pas un novice; il devait alors avoir 
trente-cinq ou quarante ans. Déjà peut-être avait-il des enfants. En 
admettant même que ces derniers fussent nés plus tard, de 1 53o à 1 545, 
ils étaient déjà trop vieux au commencement du xvu* siècle pour qu'on 
leur attribue la fécondité dont leur famille fit preuve à cette époque. 
Je crois que les Pinaigrier cités par Jal sont les petits-fils de Robert, et 
je propose la généalogie suivante, qui, sans être appuyée sur des faits 
certains, a plus de vraisemblance que celle si malencontreusement res- 
tituée par Jal. 

ROBERT 

né vers 1490, mort vert i55o (1). 



NICOLAS ROBERT 

né ver* i53o, mort le s décembre 1606 (2). I 

I 1 1 1 . 

NICOLAS JEAN LOUIS GENEVIEVE 

époux de époux de époux de femme de 

Renée Bertolt. Mane Ourdet. Geneviève Fauchct, Toussaint Leblond 

| I mort le en i6o3. 



NICOLAS I *9 n°*- 1637. 

né le 17 août i6o3 (3). I 

I 1 

LOUIS ROBERT 

baptisé le 17 mare 1601. né le 21 mai i6o3. 

Dans mon hypothèse, le Nicolas Pinaigrier, qui figure dans l'acte de 
i585, publié ci-dessus, serait le fils de Robert. C'est à lui que des actes 
de i566 à i58i, recueillis par Jal, se rapporteraient, et non à un frère 
de Robert, ainsi que le supposait le même Jal. Ce Nicolas demeurait 

(1) Emeric David a placé, non sans vraisemblance, la date de naissance de Robert Pi- 
naigrier vers 1490, et M. Doublet de Boisthibault, moins affirmatif, a dit que cet artiste 
naquit i la fin du zv« siècle. Ce dernier biographe pense que Robert mourut vers i55o- 
—Jal, dans son irréflexion, combat l'assertion d'Emeric David, mais sans proposer de date. 

(2) Cette date a été attribuée par Jal au Nicolas, époux de Renée Bérault, que je consi- 
dère comme un petit-fils de Robert. 

(3) M. Herluison, dans son intéressant ouvrage sur les Actes de l'état civil, cite le 
mention suivante : « Le vendredy 17 jour (novembre i6s3) le corps de Nicolas, filz de 
Nicolas Pinaigrier, pris rue Saint-Germain, proche 1a Vallée de Misère (reg. de la pa- 
roisse de Saint-Germain rAuxerrois). » 11 s'agit peut-être là de reniant né le 17 
aoêt iéo3. 



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164 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

à Paris, en 1 566, sur le territoire de Saint-Jacques de la Boucherie ; il 
avait épousé Nicole Arrent, dont il eut quatre filles, de 1567 à 1572. 
Il est qualifié de vitrier dans les actes de naissance de ses enfants. Il 
perdit sa femme vers 1 57 5, et, le 8 juillet 1 58 1, il fit publier son mariage 
avec Marie Fallois. On le retrouve ensuite dans l'acte de i585, en sa 
qualité de juré de la corporation, titre que son nom et ses talents lui 
avaient mérité. Il mourut le 2 décembre 1606. 

Nicolas, on Ta vu, n'eut que des filles. Cest donc à un frère de 
Nicolas, nommé Robert, qu'il faut attribuer la paternité des trois 
artistes, Nicolas, Louis et Jean, qui exécutèrent, de 1608 à i635, plu- 
sieurs des vitraux des charniers de l'église Saint-Paul à Paris. Nicolas 
surtout fut célèbre par l'éclat et la beauté des émaux qu'il employa. 
Sauvai l'a appelé l'inventeur des émaux; Levieil a vanté ses talents et 
cité comme ses œuvres, dans l'église Saint-Paul, les vitraux représen- 
tant saint Paul battu par les orfèvres' du temple de Diane à Éphèse, 
le départ de saint Paul de cette ville et la résurrection d'Eutyque dans 
la même ville. Ce Nicolas Pinaigrier, le plus connu de sa famille après 
Robert, avait pour marque un compas ouvert, posé sur ses deux poin- 
tes, entrelassé d'une branche de laurier. On ignore la date de sa mort. 

Comme on le voit, la généalogie et la biographie des Pinaigrier sont 
très obscures. Je n'ai pas la prétention d'y avoir apporté la lumière; 
j'ai seulement voulu, puisque la découverte d'un document m'avait 
conduit à des recherches sur les peintres verriers, signaler l'invraisem- 
blance des généalogies adoptées par les biographes les plus récents, et 
en établir une nouvelle ; je livre cet essai aux critiques, en souhaitant que 
des documents inconnus viennent éclairer une question si embrouillée, 
mon hypothèse dût-elle en souffrir. 

Un dernier mot. L'acte que j'ai publié ci-dessus appartient actuelle- 
ment à la corporation des artistes peintres verriers de France, restaurée 
en 1877 par des artistes amoureux de leur art et fidèles aux vieilles tra- 
ditions (1). Les membres de la nouvelle communauté ont tenu à hon- 
neur de recueillir pieusement ce document , émané de ceux qu'elle 
revendique justement pour ses ancêtres et dont elle veut suivre les 
glorieuses traces. 

(1) Cette nouvelle corporation, qui comprend des membres honoraires, titulaires 
et agrégéi, a été créée, le 2 février 1877, à l'instigation de M. Claudia* Lavergne, qui a 
été élu syndic, avec trois de ses confrères, M. Lobin de Tours, et MM. Nicod et GselU 
Laurent, de Paris. Elle a son siège à Paris, rue d'Assas, 74. Ses statuts comprennent six 
articles, d'où il ressort que la corporation a pour but d'établir une démarcation entre les 
artistes qui exercent la profession de Peintres-Verriers et les industriels qui l'exploitent. 



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LOUIS XI 



ROI I>E FRANCE 



En 1468 Louis XI négocia le mariage de sa belle-sœur, Bonne de 
Savoie, fille du duc Louis I er et d'Anne de Lusignan , avec Galéas- 
Marie Sforce, duc de Milan. Ce dernier était veuf de Dorothée de 
Gonzague, qu'on le soupçonnait d'avoir empoisonnée. C'est à cène 
négociation que se rapporte le document ci-après, que j'ai copié dans 
les archives de Milan. 



Loys, par la grâce deDieu roy de France, à tous ceulx qui 
ces présentes lectres verront, salut. Comme en faisant et 
traictant le mariage de nostre très cher et très amé frère et 
cousin le duc de Milan avecques nostre très chère et très 
amée seur et cousine Bonne de Savoye, plusieurs dons, pa- 
rtions et promesses aient esté faictes à nostredit frère et 
cousin, plus à plain contenues et déclairées ou contract dudit 
mariage, et ayons esté requis de la part d'icellui nostre frère 
et cousin de luy faire entretenir et accomplir le contenu 
oudit traicté, savoir faisons que nous, voulans user en ceste 
partie de bonne foy et considérans que en faveur de nous 
ledit mariage a esté fait et accordé, avons pour ces causes et 
autres à ce nous mouvans promis et promettons de bonne 
foy et en parolle de Roy de donner à nostredit frère et cousin 
toute la faveur, conseil, confort et aide que faire et donner 
lui pourrons pour l'entretenement et accomplissement de 
toutes et chàcunes les choses qui promises et accordées luy 
ont esté par ledict traicté de mariage et de tenir à nostre 



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l66 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

povoir son parti à rencontre de nostre frère le duc de 
Savoye (i) pour le faire paier dudit mariage, ou cas que 
icelluy nostre frère de Savoye en seroit reffusant. En tes- 
moing de ce nous avons fait mettre nostre scel à cesdictes 
présentes. Donné à Amboise le xvn e jour de may Tan de 
grâce mil cccc soixante huit et de nostre règne le septiesme. 

Par le Roy 

Bourré. 

Le mariage eut lieu le 6 juillet 1468. Galéas fut assassiné huit «n 
plus tard, et Bonne de Savoie mourut en 1485. 

(1) Àmédét CC, qui «Tait épousé, en 145s, Yolande do Fraaot, tœur da U>uie XL 



, 



LE GÉNÉRAL JEAN-VICTOR MOREAU 



Après le Coup d'État du 18 fructidor, le général Moreau fut appelé 
a taris par le Directoire pour rendre compte de sa conduite. On le 
tenait pour suspect, à cause de la vieille amitié qui l'unissait à Pichegru, 
proscrit fjour avoir entretenu de coupables intelligences avec l'ennemi. 
Ayant eu connaissance, en effet, de la trahison de son ami, il n'en avait 
que tardivement informé le gouvernement. Aussi resta-t-il en disgrâce 
pendant près d'un an. Dans sa retraite forcée, Moreau conçut le projet 
d'écrire la relation de ses campagnes. Il intéressa à cette œuvre ses 
collègues Kleber, Desaix et Reynier. Ce dernier avait été le chef d'état- 
ttajor 4e Moreau dans la mémorable campagne de 1796. Aussi était-il 
désigné d'avance pour le collaborateur le plus actif de son ancien 
général. Kleber tenait particulièrement à publier avec ses trois amis 
l'histoire des campagnes de 1794 à 1797, où ils avaient, de concert, 
joué un rôle si important. Moreau était d'autant plus dévoué à cette 
idée qu'il avait en médiocre estime les historiographes. C'est ce qu'il 
écrivit, le 17 vendémiaire an VI, au général Reynier : 

17 vendémiaire (1). 
Au général Reynier. 

Je n'ai reçu, mon cher ami, que depuis deux jours ta lettre 
du I er vendémiaire; elle a un peu couru les champs. 

Il paraît que vous allez guerroyer. Tant pis, car k saison 
est bien avancée, . et il faut des souillers et des capot». 
J'espère que tu me donneras de tes nouvelles et des opéra- 
tions. 

Tu auras ma division, et par conséquent moins de peine. 

(1) An VI (8 octobre 1797.) 



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l68 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

C'est un plaisir quand on a son instruction dans sa poche et 
qu'on n'a qu'à se battre. 

Avant d'entrer en campagne fais-moi le plaisir de mettre 
de côté ce que tu as fait sur l'armée du Nord et la dernière 
campagne en cartes et notes. Si tu veux me les envoyer, je 
mettrai tout cela d'ordre et ferai intercaller les opérations de 
ma division avec celles de la tienne. 

Kleber tient beaucoup à ce que toi, Desaix, lui et moi, 
nous joignons tout ce que nous avons sur les campagnes 
de 94, 95, 96 et 97, du Nord au Rhin. Il est très bien monté 
et a de bons mémoires sur la Vendée. Il est important que 
nous fassions quelque chose de bien militaire et de bien 
vrai, car si on laisse tout cela entre les mains des historio- 
graphes, tu conçois que nous y serons fort mal traités et 
notre besogne très défigurée. 

Nous sommes décidés à travailler à tout cela pendant 
l'hiver et je t'assure que nous avancerons. Desaix nous est 
indispensable pour le Rhin jusqu'en 96. 

Adieu, mon ami. Je n'ai pas le temps de t'en dire davan- 
tage. Le départ de la poste me presse. 

Moreau. 

Au général de division Reynier, armée de Rhin et Moselle, 
à Strasbourg. 

L'année suivante, Moreau fut rappelé à l'activité et Kleber, Desaix 
et Reynier partirent pour l'Egypte. La triste destinée de Moreau et la 
fin prématurée de Kleber et de Desaix empêchèrent malheureusement 
la réalisation du projet qu'ils avaient conçu. Reynier, qui mourut le 
dernier (27 février 18 14), à l'âge de 43 ans, n'eut pas le loisir d'écrire 
l'histoire de ses campagnes; il se borna à publier, en 1802, un ouvrage 
intitulé De l'Egypte après la bataille d 1 Héliopolis. 



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IIJ 14*1, ■. i. 



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BREVET DE L'ORDRE DU PORC-EPIC 



L'ordre du Porc-Épic fut fondé, en 1 394, par Louis de France, duc 
d'Orléans, à l'occasion du baptême de son fils Charles. Ce nom venait 
de ce que le duc donnait aux chevaliers une bague d'or, garnie d'une 
agate où était gravé un porc-épic. La pièce suivante confère le collier 
de l'ordre du Porc-Épic à Giraud Adhémar, seigneur de Grignan, un 
des ancêtres du comte de Grignan, qui épousa la fille de madame de 
. Sévigné. Cest le célèbre comte de Dunois qui figure dans cet acte, 
comme représentant de son frère, le duc d'Orléans, ce même Charles, 
dont la naissance avait coïncidé avec la fondation de Tordre du 
Porc-Épic, 

Jehan, bastart d'Orléans, conte de Dunoys, à tous ceulx 
qui ces présentes lettres verront, salut. Savoir faisons que, à 
la prière et supplicacion de Giraut Esmart, escuier, seigneur 
de Grigne, et pour considération de ses sens, loyauté, 
preudommie, vaillance, à icelui Giraut, par vertu du povoir 
à nous donné par mon très redoubté seigneur Monsieur le 
duc d'Orléans, avons donné et donnons par ces présentes 
congié et licence de porter le collier de Tordre de mandit 
sieur le duc avecques le porcespy, fait premièrement par 
ledit Giraut le serrement acoustumé ès-mains de nostre bien 
amé escuier Bernart de Rogent, à ce par nous commis. 
Donné en Avignon le xi° jour de mars Pan de grâce mil 
CCCC et quarante (1). 

Par Monseigneur le conte 
Pkrrœr. 

(I) I44I, B- •• 

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LES BIJOUX DU CARDINAL DE LORRAINE 



Charles, cardinal de Lorraine, né à Joinville, le 17 février 1524, était 
fils de Claude de Lorraine, premier duc de Guise. Il fut le premier 
ministre du roi François II et mourut à Avignon le 26 décembre 1574, 
entre les bras de son frère Louis, cardinal de Guise (1), qu'il nomma 
son exécuteur testamentaire. Le i #r janvier suivant, celui-ci prit pos- 
session de la boîte contenant les papiers du défunt, et d'un saphir et de 
bagues léguées par le cardinal à son neveu, le marquis d'Elbeuf (2), et il 
donna de ces objets la décharge dont voici le texte : 



Nous Loys, cardinal de Guyse, evesque de Metz, es noms 
et comme exécuteur du testament de feu monsieur le car- 
dinal de Lorraine, nostre frère, et tuteur de monsieur le 
marquis d'Elbeuf, nostre neveu, confessons que le sieur de 
La Chague a mis entre noz mains la bouette de nostredit feu 
sieur et frère, dans laquelle estoient ses papiers, ensemble 
ung grand saphy et toutes les bagues apartenans à nostredit 
neveu le marquis d'Elbeuf, qui estoient dans les coffres de 



(1) Né le ai octobre 1597, il fat successivement évique de Troyes (i545-i55o), d'Albi 
(i55o-i56i), archevêque de Sens (i56i-i56a) et évoque de Metz (1 568-1578). Il mourut 
le 34 mars 1578. On l'avait surnommé, à cause de son intempérance, le cardinal des 
bouteilles. 

(3) Charles de Lorraine, marquis d'Elbeuf, était fils de René de Lorraine, frère de 
cardinaux de Lorraine et de Guise. Henri III érigea, en novembre i58i, le marquisa 
d'Elbeuf en duché-pairie. Leduc d'Elbeuf mourut en 1606. 



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LES BIJOUX DU CARDINAL DE LORRAINE 1 7 I 

nostredit feu sieur et frère suyvant l'inventaire qui y a esté 
trouvé après son trespas; dont nous deschargeons et tenons 
quitte ledit sieur de la Chague et promectons es diz noms 
d'exécuteur et de tuteur l'en descharger contre et envers tous 
par la présente que nous avons signée de nostre main. 
A Avignon le premier jour de janvier l'an mil cinq cens 
soixante quinze. 




Le 20 février suivant Henri de Lorraine, duc de Guise, dit le 
Balafré (1), neveu et héritier du cardinal de Lorraine, reçut des 
diamants, qui provenaient de son illustre père François (2), et des bagues 
que le cardinal avait coutume de porter à ses doigts. Il en délivra là 
quittance suivante : 

Nous Henry de Lorraine, duc de Guyse, prince de Join- 
ville, héritier de feu Monsieur le cardinal de Lorraine, nostre 
oncle, certifiions avoir eu et receu du s r de La Chague trois 
dyamens, ung rubis, ung saphir, deux petitz dyamens, que 
soulloit porter feu nostre très cher sieur et père, une tur- 
quoise, quatre petites bagues cornallines, que portoit aussi 
en ses doigts feu nostredit sieur et oncle, avec ung cachet 
d'or, emmanché de jaspe, estans de ses meubles, dont nous 
l'avons deschargé et deschargeons par ceste présente, affin 
qu'il n'en soit recherché ny molesté à Padvenir par quelque 

Ci) Né le 3 1 décembre i55o, assassiné à Blois, le a3 décembre i588. 

(2) L'illustre capitaine était le frère des cardinaux de Lorraine et de Guise. 



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I72 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

personne que ce soit, voullans et consentons, pour nostre 
regard, que ledit la Chague joysse du don à luy faict par le 
codicille du feu nostredit sieur et oncle. En tesmoing de 
quoy nous avons signé cestedicte présente de nostre main et 
faict contresigner par nostre secrétaire. A Reims, le xx f jour 
de febvrier mil cinq cens soixante quinze. 




Leseurre. 




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JEAN DE LA RIVIERE 

PREMIER MÉDECIN DU ROI HENRI IV 



Certificat délivré par ce personnage et constatant qu'à la cour de 
Henri IV l'apothicaire du Roi fournissait, par trimestre, tant pour sa 
Majesté que pour les officiers de sa maison, des drogues et médecines 
d'une valeur de 600 écus. 

Nous Jehan de La Rivière, conseiller et premier médecin 
du Roy, certifiions à tous qu'il appartiendra que René Tru- 
chon, appotticaire et vallet de chambre du Roy, a fourny, 
baillé et livré, tant pour la personne du Roy que pour le faict 
de sa chambre et officiers domesticques, plusieurs drogues, 
médecines et autres parties de sondict estât, qu'il a faictes et 
fournies durant le quartier d'apvril, may et juin dernier passé, 
montans ensemble la somme de six cents escus, lesquelles 
parties, après avoir esté par nous deuement calcullées, modé- 
rées et arrestées à ladite somme r de six cents escus, nous 
avons icelles cancellées et rompues par le commandement 
d'icelluy sieur, à cause qu'il n'a vouleu ny ne veult que autres 
en ayentla congnoissance. En tesmoing de quoy j'ay signé le 
présent certificat le mi* jour de juillet mil cinq cens quatre 
vingt dix neuf. 

De La Rivière. 

Ce Jean de la Rivière est-il le même que l'astrologue Roch le 
Baillif, sieur de la Rivière, né à Falaise, qui devint, en 1594, premier 
médecin du Roi, et mourut à Paris, le 5 novembre i6o5, après avoir 
abjuré le protestantisme? C'est ce que je n'ai pu déterminer. 



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JEAN-FRANÇOIS COLLIN D'HARLEVILLE 



Jean-François Collin d'Harleville, né en 1755 à Maintenon (Eure- 
et-Loir), jouissait, au commencement de la Révolution, d'une bril- 
lante réputation de poète comique. Le Vieux célibataire, qui fut joué 
en 1792, augmenta encore sa renommée. 

A cette époque, le poète résidait le plus souvent dans le départe- 
ment d'Eure-et-Loir : il y habitait une petite propriété, venant de son 
père, M é voisins, située dans le hameau d'Harleville, dont il avait 
ajouté le nom au sien. Là il exerçait une certaine autorité et en profi- 
tait pour venir en aide aux malheureux. En 1793, trois prêtres non 
assermentés, qui n'avaient pu quitter la France, avaient été enfermés 
dans la prison d'arrêt de Chartres. Mis en jugement et acquittés, ils 
furent retenus en captivité par le directoire du district de la ville. 
Collin-Harleville, se souvenant qu'il avait, dans sa jeunesse, passé, 
par ordre paternel, cinq ans comme clerc chez un procureur au Parle- 
ment, rédigea, au mois d'avril 1793, en faveur de ces prêtres, ses com- 
patriotes, un mémoire dont voici le texte : 

Au Citoyen Ministre de PIntérieur. 

Mémoire pour Pierre Le Dantel, Mathurin Jannet et Jean 
Baptiste Charamond, prêtres. 

La loi du 26 août 1792 ordonne que tous les prêtres non 
sermentés seront déportés, et leur donne 8 jours pour sortir 
de leur département et i5 pour quitter le royaume. 

En exécution de cette loi, les exposans ont déclaré à la 
municipalité de Chartres qu'ils entendoient se retirer en 
Grande Bretagne et ont obtenu un passeport avec toutes les 
formalités requises par l'article 2 de la loi susdattée. 



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JEAN-FRANÇOIS COLLIN d'HARLEVILLE ^5 

Ils sont partis le 4 septembre, mais, à 3 lieues de Chartres, 
des dangers trop réels et une juste terreur ne leur ont pas 
permis de passer outre. Un arrêté et une lettre des trois 
corps administratifs les ont invités à revenir à Chartres. Là, 
le péril s'est renouvelé; des volontaires, armés pour un 
autre usage, couroient les rues, menaçant les prêtres. 
Ceux ci ont eu peur et se sont cachés, attendant les nou- 
veaux ordres du département et la réponse de deux députés 
à l'Assemblée législative qui, se trouvant à Chartres lors de 
leur retour, avoient promis de solliciter à l'Assemblée une 
loi protectrice. Cette lettre, ces ordres du département sont 
encore à venir. Seulement, le récit des massacres du 2 sep- 
tembre, en justifiant leur retraite, ne les a qu'engagés de 
plus en plus à s'y tenir. Ils ont passé ainsi cinq mois, sans 
donner le moindre signe de vie. On a fait sonner bien haut 
quelques messes dites à huis clos, devant une ou deux per- 
sonnes de la maison, exercices [si] peu propres àtroubler l'ordre 
public, que le voisinage même n'en a pas été instruit. Cepen- 
dant on les a découverts et dénoncés, et, le 23 février 1793, 
ils ont été arrêtés et conduits dans la maison d'arrêt, de là 
dans celle de justice. 

Après 2 mois de captivité, le i5 avril présent mois, sur 
la déclaration des jurés que la lettre et l'arrêté des corps 
administratifs étoient pour les accusés une excuse suffisante 
de n'avoir pas obéi à la loi du 26 août, un jugement les a 
déclarés innocens et a ordonné qu'ils seroient mis en liberté. 
Ce jugement a excité dans tout l'auditoire, et de là dans 
la ville entière, une joie universelle, qui annonce l'estime 
qu'on avoit pour les exposans et l'intérêt qu'on prenoit à 
leur sort. 

Maintenant ils déclarent qu'ils sont prêts à obéir à la loi 
du 26 août, qu'ils entendent se retirer en Suisse et qu'ils 
vont à cet effet obtenir un passeport. 

Le directeur du district, qui les a fait enfermer dans la 



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LE MARÉCHAL DE VILLARS 



En 1723, le maréchal de Villa» entra au Conseil royal en qualité de 
ministre d'État et acquit bientôt une grande influence sur Louis XV. 
Dix ans plus tard, en prévision de la guerre contre l'Autriche, le Roi 
fit demander au maréchal son opinion sur l'équipement de la cavalerie 
et sur les réformes à y apporter. Celui-ci répondit au désir de 
Louis XV par la consultation suivante adressée â M. d'Angervilliers : 

A Paris, le 29 avril 1733. 

Je reçois, monsieur, la lettre que vous mefaittes l'honneur 
de m'écrire, et celuy que le Roy me fait de vouloir bien 
sçavoir ce que je pense sur l'habillement, les armes et les 
bottes de sa cavalerie. 

J'ay eu l'honneur de la commander pendant plusieurs 
années, et avant que de vous dire mes sentiments, je vous 
parleray de ceux d'un général bien respectable, lequel estoit 
en mesme temps colonel général de la cavalerie. 

C'estoit M. de Turenne, sous les ordres duquel j'ay servy 
trois ans, et l'ay très étudié dans les mouvements de guerre 
et les pensées hautes et nobles, aussi bien que celles du 
Grand Condé, et, par le respect que j'ay pour ces deux 
grands hommes, j'avoue sans peine quelques années pour 
parler des campagnes que j'ay eu le bonheur de servir 
sous eux. 

Vous avez entendu ce que je dis dans un grand conseil 
chez M. le cardinal de Fleury. Laissons ces grandes ma- 
tières et passons tout d'un coup à celles dont vous me 
parlez. 

Comme les paniers dans les habits des hommes n'étoientpas 



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I.E MARÉCHAL DE VILLARS I79 

à la mode du temps de M. de Turenne, il n'a pas blâmé les 
divers plis que Ton met à un just' au corps; je suis persuadé 
qu'il faut les supprimer entièrement. 

Quant aux plastrons, c'est moy qui les ay établi dans la 
cavalerie. Ne vous relâchez point sur cela; M. de Turenne 
fit acheter toutes les cuirasses qui se trouvèrent à Francfort, 
Mayence, Spire et Vorms pour en donner à tous les officiers 
de cavalerie, et huit par compagnie, voulant que le premier 
«rang au moins fut armé, disant que, lorsque Ton deffend aux 
cavaliers de tirer, ils n'ont pas beau jeu en attaquant sans 
armes un cuirassier. Àinsy, monsieur, des plastrons préféra- 
blement à tout. 

M. de Turenne haissoit le mousqueton, ne songeant qu'à 
Parme nécessaire pour une bataille ; je n'oserois proposer de 
les oster à la cavalerie. Ne les faittes pas fusils, mais du calibre 
de l'infanterie. 

Quant aux bottes, je tiens encore de M. de Turenne l'a- 
version pour les grosses bottes. Le feu Roy, sur mes repré- 
sentations, ordonna qu'elles seroient molles, mais Ton n'y tint 
pas rigueur. 

M. de Turenne citoit toujours un exemple, c'est qu'au 
combat de Fribourg, l'infanterie de France, ayant emporté 
un retranchement, deux mil cavaliers impériaux, pied à terre, 
le regagnèrent sur notre infanterie. 

Pour moy, qui ay veu que nos cavaliers, ayant derrière 
eux deux ou trois besaces, ne peuvent monter à cheval 
qu'avec une extrême peine, indépendamment des occasions où 
l'on peut faire mettre pied à terre à la cavalerie, je dis que les 
grosses bottes sont d'un mauvais usage, et ceux qui avancent 
qu'il faut de grosses bottes et de grands chevaux pour rompre 
des escadrons n'en ont guères veu charger. Je dis donc qu'il 
faut conserver les plastrons. 

L'on peut laisser les mousquetons, ainsyque je Tay dit cy- 
devant. 



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l8o REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

Ne pas s'attacher aux grands chevaux, par la raison qu'en 
temps de guerre ils sont trop chers. N'estre pas difficile sur 
les grands hommes. Quant aux buffles, n'y pas obliger les 
capitaines et oster les apparences de panier dans les just 1 aux 
corps. 

De bonnes épées. Que la garde couvre un peu la main et 
que les lames ne soyent pas si longues. 

Voilà, monsieur, pour obéir à Tordre de Sa Majesté, duquel 
je me tiens très honoré, ce que je pense sur les diverses 
questions que contient votre lettre. 

En temps de guerre je ne voudrais pas de grands chevaux, 
mais un petit bidet par chambrée pour porter la tente, la 
marmite et une partie des besaces. 

Le cavalier est plus en état de servir; quand on fait un 
détachement dans la marche, ce qui est assez fréquent, on 
voit les régiments entiers obligés de faire alte pour donner 
le temps aux cavaliers détachés de mettre pied à terre, oster 
partie de ses besaces, la tente et la marmite pour en charger 
ses camarades. 

Mais cet article d'un bidet par chambrée, gardons-le pour 
le premier quartier d'hyver que nous prendrons en pays 
ennemy. 

Je suis toujours, avec les mesmes sentiments, plus parfai- 
tement que personne de monde, monsieur, votre très-humble 
et très-obéissant serviteur. 




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LE COMTE D'HAUSSONVILLÊ 



Charles-Louis-Bernard de Cléron, comte d'Haussonville, né à Paris 
en 1770, lut chambellan de l'Empereur et devint pair de France le 
17 août 181 5. A la nouvelle de la révolution de juillet i83o, il accourut 
à Paris et, le 2 août, il adressa au duc d'Orléans la lettre suivante où il 
conseilla au prince de défendre la royauté légitime et d'accepter la ré- 
gence pendant la minorité du duc de Bordeaux. 

Paris, 2 aoust i83o. 
Monseigneur, 

J'arrive à Paris et j'accours offrir à Votre Altesse Royale 
tout le dévouement et les faibles services d'un vrai Roya- 
liste. 

Beaucoup de Princes, placés près de la couronne, ont su 
s'en emparer. L'histoire n'en cite guère qui ayent eu le noble 
courage de la deffendre, pour la remettre intacte au jeune 
rejetton apellé un jour à la posséder ; c'est cette superbe 
tâche, si grande et si difficille, qui vous est réservé, Mon- 
seigneur, et pour l'accomplissement de laquelle les honnêtes 
gens doivent vous seconder de tous leurs efforts. Déjà un 
de vos ancêtres, en protégeant l'enfance de Louis quinze, 
vous a légué un bel exemple qu'il vous est donné de sur- 
passer en méritant l'admiration et la reconnaissance de votre 
Patrie. 

J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect, 
De Votre Altesse Royale, 
Le très humble et très obéissant serviteur, 

Le Comte d'Haussonville, 
Pair de France. 

Après l'avènement de Louis-Philippe, le comte d'Haussonville prêta 
serment au nouveau gouvernement; il mourut au château de Gurcy 
(Seine-et-Marne), en novembre 1846. Son fils est membre de l'Académie 
française et sénateur inamovible. 



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LE DRAPEAU 
DE LA GENDARMERIE NATIONALE 



Le 3o septembre 1792, la séance delà Convention nationale s'ouvrit 
par la lecture d'adresses d'adhésion au décret d'abolition de la royauté. 
Le secrétaire annonça ensuite que le district de l'Aigle envoyait 1 17 li- 
vres pour les veuves et les orphelins du 10 août et lut une lettre du 
ministre Roland, réfutant les accusations portées contre lui. Puis on 
introduisit les députations. Une compagnie de gendarmes nationaux, 
chargée du service de rassemblée, défila dans la salle et fut fort applau- 
die. Un des gendarmes parla en ces termes : 

« Citoyens législateurs, vous voyez devant vous une compagnie des- 
tinée à faire respecter l'enceinte où vous préparez le bonheur de la 
République et à garder les archives. Cette troupe, qui assista au ser- 
ment du jeu de paume en 1789, vient d'être augmentée d'une partie des 
braves Gardes-Françaises et Cent-Suisses qui, constamment fidèles à 
la nation, ont rejeté avec horreur toute proposition de suivre les traîtres 
de Coblentz. (On applaudit.) Nous n'avons point de drapeau, nous 
n'osons en solliciter un de vos mains ; mais le signe de la liberté sera 
toujours notre point de ralliement. (Nouveaux applaudissements.) » 

Calon, député de l'Oise, s'écria : « Je demande que l'assemblée donne 
un drapeau à ces braves gens. » Cette proposition fut aussitôt décrétée, 
au milieu des applaudissements. 

Cette gendarmerie avait été créée par les décrets de l'Assemblée 
Constituante, du 22 décembre 1790 et du 16 février 1791, pour rem- 
placer l'ancienne maréchaussée, supprimée par les décrets du 18 août 
et du 21 septembre 1790. Elle avait pris le nom de gendarmerie natio- 
nale et adopté cette devise : Valeur et discipline. Le décret, qui lui 
accordait un drapeau, reçut son exécution. On dessina un projet qui 
fut soumis au célèbre peintre David et approuvé par lui. J'ai retrouvé 
l'original de ce dessin, qui porte les signatures des représentants Beau- 
vais, Calon et Besson et l'approbation de leur collègue David. J'offre 
la reproduction de ce curieux document à nos lecteurs. 



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LA CONFRÉRIE DE SAINT-FIACRE A PARIS 



L'ordonnance de Villers-Colleréts, promulguée en août i53ç), abolit 
les confréries, instituées depuis si longtemps en France. Les abus, qui 
se commettaient dans ces sociétés, avaient été la cause de cette suppres- 
sion, qui souleva de nombreuses réclamations. Plusieurs confréries 
sollicitèrent leur rétablissement et obtinrent gain de cause. La con- 
frérie de Saint-Fiacre, fondée en l'église de Saint-Jacques, de la 
Boucherie, à Paris, fut au nombre de celle-ci. François I er la rétablit 
et lui restitua ses biens par ses lettres du 27 février 1544, dont voici le 
texte : 

Françoys, par la grâce de Dieu roy de France, à nostre 
amé et féal conseiller, lieutenant criminel de nostre prévosté 
de Paris, maistre Jehan Morin, par nous commis et depputé 
à l'exécucion de nostre ordonnance faicte sur le faict des 
confraryes des mestiers de nostre ville de Paris, salut et 
dillection. Noz chers et bien amez les maistres et gouver- 
neurs de la confrarye sainct Fiacre, fondée en l'église sainct 
Jaques de la Boucherye, à Paris, nous ont faict dire et 
remonstrer que de bien long temps ladicte confrarye estoyt 
fondée en l'honneur de nostre saulveur Jhucrist et dudit 
sainct Fiacre et composée de plusieurs et notables bourgeois, 
manans et habitans de divers estatz et qualitez, marchans et 
autres citoyens de nostredicte ville, qui ont donné à ladicte 
confrarie plusieurs biens immeubles et rentes, à la charge 
de plusieurs messes et services qui depuis ont esté con- 
tinuez à dire en ladicte chappelle sainct Fiacre en ladicte 
église sainct Jaques à l'intencion de nous et desdiz bienffaic- 
teurs; aussi y ont donnez plusieurs relicques, calices, tappis- 
series et autres meubles pour décorer ladicte chappelle et 
entretenir ledit service; laquelle confrarie a esté louée, 



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184 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

confirmée et approuvée par noz prédécesseurs roys de France 
de bonne mémoire, que Dieu absoulle, qui en ont octroyé 
leurs lettres de confirmacion et approbacion aux prédéces- 
seurs desdiz supplians et gouverneurs d'icelle. Et combien 
que, en faisant par nous noz dernières ordonnances sur le 
faict des confraries, ayons seulement voulu estaindre les 
abbuz qui se sont commys cy devant par les artisans et gens 
des mestiers jurez de nostre royaulme, et que nostre vou- 
loir ayt esté que lesdiz services feussent entretenus, aussi 
que ladicte confrarie sainct Fiacre soit composée de toutes 
sortes de gens, tant marchans que autres de tous estatz et 
qualitez, et que à ce moyen ne se puissent commectre au- 
cuns monopolles ne faire assemblées illicites qui feussent 
dommageables ou préjudiciables à nous et à la chose pu- 
blicque de nostredit royaume, ce néantmoings en procédant 
par vous à l'exécution de nostredicte ordonnance auriez faict 
saisir et mectre en nostre main tous et chascuns les relicques, 
calices, ornemens, chasubles, tappisseries, cens, rentes, re- 
gistres, papiers et autres biens meubles et immeubles quel- 
conques appartenais à ladicte confrarie, et d'iceulx faict faire 
inventaire, et le tout faict mectre ès-mains de nostre receveur 
ordinaire dudit Paris, au moyen de quoy n'ayt depuis esté 
continué ledit service et partant est demouré l'intencion des 
fondateurs et bienfaiteurs de ladicte confrarie souferte à 
nostre très grant regrect, préjudice et dommaige desdiz sup- 
plians requérans sur ce nostre provision. Pour ce est-il que 
nous, ce que dessus considéré, voulans subvenir à noz sub- 
jectz, désirans l'intencion desdiz fondateurs estre observée et 
le service divin estre entretenu en ladicte chappelle sainct 
Fiacre en l'église dudit sainct Jaques, vous mandons et, 
pour ce que de telles matières vous avons jà attribue la 
congnoissance, commettons et enjoignons par ces présentes 
que si appelle nostre procureur en nostredicte prévosté de 
Paris et autres qui pour ce seront à appeller, il vous est 



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JEAN-FRANÇOIS DE SAINT-LAMBERT 187 

vanité de publier le bien qu'il dit de moi ; elles ne paroitront 
jamais. 

Je vous suis très obligé, Monsieur, du présan de votre 
livre (1). Je le lirai avec attention et sûrement avec plaisir. En 
le parcourant v je vois que vous pensés comme moi, et cela 
me confirmeroit encor dans mon opinion, si quelque chose 
pouvoit l'ébranler. 

J'ai Thonneur d'être avec toute la considération possible) 
Monsieur, 




*S&»S*ri&tr <^£#g~ 



3^ 



A Monsieur, Monsieur De Croix, secrétaire du Roi, ancien 
hôtel d'Hollande, vieille rue du Temple. 

Saint-Lambert tint parole : il ne livra pas lès lettres que lui avait 
adressées Voltaire. La correspondance générale n'en contient que six, 
portant les dates suivantes : 9 juillet 1758; — novembre 1760; — 
7 mars et 4 avril 1769; — 7 avril 1771 ; — i w septembre 1773. Où 
est le reste de cette correspondance, qui devait être assez étendue, car 
Voltaire, loin de tenir rigueur à son rival, lui prodigua lés éloges à 
l'occasion de son poème des Saisons et le fit admettre à l'Académie. Il 
est désirable qu'un chercheur heureux découvre les lettres de Voltaire 
à Saint-Lambert et les mette au jour. 

(j) n s'agit peut-ttre de l'ouvrage publié par De Croix, eo 1776, sous ce titre : L'ami 
des arts, ou justification de plusieurs grands hommes* 



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L'ABBÉ DE MONTESQUIOU 



Le i5 février 1820, deux jours après l'assassinat du duc de Berry, 
le comte Decazes, président du Conseil des ministres, présenta à la 
Chambre des Députés un projet de loi établissant deux sortes de 
collèges pour la nomination des députés. Le 20 février, il donna sa 
démission et fut remplacé par le duc de Richelieu. Le projet de loi 
donna lieu à de vives discussions au sein de la Chambre des députés, 
qui l'adopta enfin le 12 juin. Le 28 du même mois la Chambre des 
Pairs ratifia ce vote. Le 11 octobre suivant une ordonnance de 
Louis XVIII convoqua les collèges d'arrondissement pour le 4 novem- 
bre et les collèges départementaux pour le 1 3 du même mois. La lutte 
fut ardente : les amis du gouvernement allèrent, dans les départe- 
ments, soutenir les candidats royalistes et combattre ceux des libéraux. 
L'abbé de Montesquiou, ministre d'état et pair de France, se rendit 
dans le département du Gers, où il était né (1) et où habitaient plusieurs 
membres de sa famille. Il mit au service des candidats royalistes son 
influence et celle des siens; il essaya d'attirer a lui les modérés et 
combattit les Ultra. Ces derniers avaient pour chef le vicomte de 
Castelbajac (2), ex-membre de la Chambre introuvable, et qui siégeait 
alors à côté de MM. de Villèle et de Corbière. Malgré les efforts du 
vicomte, MM. de Grossoles-Flamarens et Duplan, que soutenait 



(1) François-Xavier-Marc-Antoine, abbé de Montesquiou, était né au château de Mar- 
san, prèaAuch, le 3 août 1755.il mourut au château de G rey, prèsdeTroyes, le 4 février 1 83a. 

(3) Marie- Barthélémy, vicomte de Castelbajac, né près de Rabastens-en-Bigorre 
Hautes-Pyrénées), en 1776, avait été élu député de la Haute-Garonne avec le comte de 
Villèle en 18 18. Lorsque ce dernier devint ministre, en i8a3, le vicomte obtint la 
direction générale des haras, puis celle des douanes, et il devint pair de France le 
5 novembre 1827. Il fut révoqué par le gouvernement de juiJ/et. 



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l'abbé de montesquiou 189 

l'abbé de Montesquiou, furent élus. Celui-ci écrivit, le 20 novembre, 
au baron Mounier (1), directeur-général de la police, la lettre suivante, 
où il lui rendit compte des élections et de l'état des esprits dans le 
département du Gers. 

Plaisance (Gers), ce 20 novembre (1820). 

Vous avez sçu , Monsieur, le [résultat des votes de notre 
collège. Nous vous donnons deux députés de la droite qui ne 
seront pas des orateurs, mais qui seront fidèles au gouverne- 
ment, et qui sont d'ailleurs de fort honnêtes gens. 

Je vous dois maintenant les observations que j'ay pu faire 
sur ce collège et sur l'esprit de ce département. Le collège 
étoit à peu près complet. Il y avoit 25 1 électeurs, sur lesquels 
il y en avoit environ 98 de libéraux. Nous leur en avons 
enlevé 12. Ainsi on peut en compter 86 qu'on ne peut 
ramener. Ce nombre est effrayant pour les collèges d'aron- 
dissement qui s'assemblent dans deux ans, et où ils se flattent 
de bien prendre leur revanche. Cependant je n'hésite pas à pro- 
noncer que, si l'on sçait se conduire, ils n'y seront pas plus 
heureux que dans le haut collège , et c'est l'opinion de toutes 
les personnes éclairées que j'ay consultées. L'influence sur 
les petits électeurs est dans ce qu'on appelle le centre du haut 
collège. Nous les avons tous réunis, à l'exeption cependant 
de M. De Long, mais qui est sans crédit. Cette fusion m'avoit 
été fort recommandée par vous et j'en sentois tellement l'im- 
portance que j'en ay fait l'objet unique de mes soins. Le 
préfet y a bien contribué, et j 'a vois quelques avantages parce 
que ma famille et mes amis ont toujours accueilli ces hommes 
du centre et qu'ils passent pour modérés. L'<essentiel est donc 
de se bien conduire avec eux et on est sûr de les avoir à ce 
prix. Il faut pour cela leur montrer confiance et leur accorder 

(1) Claude-Edouard-Philippe, baron Mounier, fils du constituant, né à Grenoble le 
2 décembre 1784, avait été nommé pair de France le 5 mars 1 819 et directeur-général 
de la police le 20 février 1820. Il mourut à Paasy le 11 mai 1843. 



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jgO REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

faveur. Mais la chose est délicate, car ils ont tous de grandes 
relations avec les libéraux et ils s'approchent plus ou moins 
de leurs sistèmes. On peut s'attendre qu'ils demanderont 
souvent des places pour eux et qu'on rentrèrent ainsi dans la 
mauvaise ligne dont vous nous avés heureusement fait sortir. 
Il faudroit donc leur répéter sans cesse qu'on ne veut que 
des royalistes et leur dire franchement dans l'occasion que. 
leurs protégés ne le sont pas. Cette conduite loyale ne leur 
déplairoit point, car elle ne diminueroit point leur crédit, et 
elle leur apprendroit d'ailleurs ce qu'on entend par royalistes, 
ce qu'ils ne comprenent pas assés. 

Mais, d'un autre côté, les Ultra présentent une véritable 
difficulté. Ces gens -là n'admettent que leur monde pour 
royalistes. Ils ont pour chef M. Castelbajac , qui n'est ici 
qu'un intriguant. Il vient de nous en donner une preuve 
dans ce collège qui s'entendoit à merveilles avant son arrivée 
et qu'il a cherché à diviser de manière à assurer le succès 
des libéraux, s'il avoit réussi. Il est détesté de tout ce qui 
compose le centre, et je dois dire que ce qui m'a le plus servi 
est d'être connu pour lui être fort opposé. Le plus grand 
mal qu'il nous fait est de donner la couleur d'Ultra à tous les 
francs royalistes, quoique les gens à lui soient peu nombreux. 
Il en a même perdu plusieurs par la conduite qu'il vient 
d'avoir dans ce collège, tandis qu'il a indigné tous les francs 
royalistes qui n'ont pas d'intimité avec lui. Le gouvernement 
doit fort éviter de lui donner crédit, <t la chose n'est pas 
facile, car il est député et les demandes qu'il peut faire doivent 
être en général pour de francs royalistes. J'indiquerois bien 
un moyen, s'il ne répugnoit pas autant. On le regarde ici 
comme un homme très vil et fort susceptible d'être acheté ; 
mais, en laissant cet indigne moyen de côté, je conseillerais 
au moins de ne lui donner aucun crédit, de ne point admettre 
ses protégés, si ils n'étoient présentés par un autre, parce que 
le centre a toujours les yeux ouverts sur tout ce qu'on fait 



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l'abbé de montesquiou 191 

pour lui , et que d'ailleurs ses gens s'en vantent de manière 
à éveiller toujours leur attention. 

Mais à qui vous adresserés-vous pour tenir cette conduite. 
Les préfets ne sont pas suffisants. Ils ont trop d'affaires, 
trop, d'embarras ; peut-être même sont-ils trop nombreux 
pour que cette action sur l'esprit public soit uniforme et 
également habile. Il me semble qu'il manque dans la machine 
du gouvernement un ressort qui agisse sur les provinces. 
Elles étoient autrefois abandonnées aux parlements , mais 
aujourd'hui nous n'avons plus rien qui agisse sur elles, et 
cependant nous en avons plus besoin que jamais. Mes idées 
ne sont pas arrêtées sur le moyen à employer , mais il est 
certain qu'il faut plus d'influence que n'en a le gouverne- 
ment, et je ne vois pas qu'on puisse l'augmenter avec les 
seuls moyens* qu'on a. Je concevrois bien d'une manière 
vague des espèces de gouverneurs de plusieurs départemens, 
mais sous un autre nom, qui, sans rien oter à l'autorité des 
préfets, séroient des hommes entre le peuple et [le] Roi ; qui 
n'auroient d'autre charge que d'améliorer l'esprit public, ni 
d'autre autorité que des grâces à répandre. Il faudroit des 
gens riches, qui habitassent les provinces, et dont les maisons 
fussent ouvertes à tous les royalistes. Enfin, Monsieur, c'est 
une idée confuse que je ne présente que pour faire mieux 
entendre ce dont je viens d'être très frappé , c'est qu'il n'y a 
rien pour les élections entre le Roi et les peuples ; que , ces 
élections étant une chose de bienveillance et de faveur, l'au- 
torité des préfets ne peut y suffire parce qu'elle est d'un 
autre genre, qu'il faudroit quelque chose de plus adapté, qui 
réunit d'avance tous les royalistes , en augmentât le nombre 
et profitât pour cela de tous les moyens que le gouvernement 
a dans ses mairis. 

Je vous livre, Monsieur, ces réflexions incohérentes, 
sachant bien que votre bon esprit en jugera mieux que tout 
autre, et n'y mettant pour mon compte d'autre importance 



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ICI REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 

que le désir de faciliter une des opérations les plus essentielles 
et les plus difficiles du gouvernement. 

Vous jugés bien, Monsieur, que j'ay quelques grâces à vous 
demander à la suite des élections du Gers. Permettés-moi 
d'attendre le courier prochain pour vous en envoyer la note, 
car j'ay attrapé dans ce collège un mauvais rhume qui ne me 
permet pas d'en écrire davantage. 

Agréés , je vous prie , les assurances de la haute considé- 
ration avec laquelle j'ay l'honneur d'être votre très humble 
et très obéissant serviteur 



Le 2 S novembre l'abbé de Montesquiou écrivit de nouveau au 
baron Mounier. Il sollicita la place de secrétaire-général du départe- 
ment du Gers pour M. Sintex fils. « C'est ici, dit-il, un homme hors 
de pair par sa sagesse et ses talents. Il est, d'ailleurs, très bon roya- 
liste. » Il demanda la croix de la légion d'honneur pour M. Boussés 
de Fourcaud, maire de Beaumarchais, une des plus grosses communes 
du département, a C'est un homme capable, le modèle de tous nos 
maires et qui sera infailliblement député aux élections prochaines. Il 
nous a parfaitement servi dans celles-ci, et il en a d'autant plus de 
mérite que bien des gens vouloient le porter; mais la crainte de faire 
une division dans le collège lui a fait rejeter toutes ces offres, pour ne 
demander aux électeurs que la réunion la plus complette. » 



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TABLE DES PIÈCES INÉDITES 



CONTENUES DANS CE VOLUME 



Académies. — Leur suppression en 
1793, p. 27. , 

Alberoni (le cardinal). — Lettre de 
lui, p. 76. 

Allemagne. — Voyage du prince de 
Dombes en Hongrie, p. 43. — 
Lettre de Frédéric-Guillaume III, 
roi de Prusse, p. 74. — Lettre de 
l'empereur Joseph II, p. 78. 

Alsace. — Passage du prince de 
Dombes â Strasbourg, p. 47. — Les 
Guerin, p. 114-135. 

Amiens. — ChartedeLouisVII,p. 107.1 

Angleterre. — Opinion du duc de 
Wellington sur la lutte contre Na- 
poléon pendant les Cent -Jours , 
p. 71. — Expédition au Canada en 
iô3o, p. 109. 

Angerviluers (M. d'). — Lettre du 
maréchal de Villars, p. 178. 

Anne de Bretagne,, reine de France. 

— Lettre du roi de Naples Frédé- 
ric III à elle adressée, p. 11. 

Armée. — Lettre de Chamillart sur 
la campagne de 1708. p. 7. — Pri- 
vilèges des artilleurs de Paris, p. 33. 

— Condamnation d'un soldat pour 
blasphème, p. 56. — Lettre du 
maréchal Brune, p. 80. — Lettre 
de Bernadotte, p. 86. — Lettre du 



général Moreau, p. 167. — Lettre 
u maréchal de Villars, p. 178. 

Art. — Suppression des Académies 
en 1793. p. 27. — Les Guerin. 
p. ii4-i$5. — Lettre du cardinal 
Consalvi, p. 1 39. — La corporation 
des peintres verriers de Paris en 
i585, p. i56. — Généalogie de la 
famille Pinaigrier, p. 162-1 63. — 
Modèle du drapeau de la gendar- 
merie nationale, approuvé par 
David, p. 182. 

Auvergne. — Quittance de Gabrielle 
de Bourbon, princesse de La Tré- 
moille, p. 100. — Lettre de Jean II, 
duc de Bourbon, p. i38. 

Balzac (Honoré de). — Lettre de lui, 
p. 58. 

Barere (Bertrand). — Signataire 
d'une lettre sur le but moral des 
théâtres, p. 3i. 

Beaune. — Charte de Jean sans Peur 
sur les vins de cette ville, p. 88. 

Beauvais. — Charte de Louis VII 
p. 107. 

Bbffroy db Reigny (Louis-Abel). — 
Certificat délivré par lui, p. 98. 

Belgique. — Lettre du prince dePoli- 

fnac sur le séjour de Louis XVIII 
Gand, p. 69. 

25 



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194 



REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 



Belsunce (Emilie de). — Lettre du 
baron de Grimm en sa faveur, 
p. 63. 

Bernadotte (le général). — Lettre de 
lui, p. 86. 

Bksknval (le baron de). — Lettres de 
Mademoiselle Clairon à lui adres- 
sées, p. 14. 

BiLLAUD-VABENNE(J.-Nic). — Signa- 
taire d'une lettre sur le but moral 
des théâtres, p. 3 1 . 

Bouet (Sezard). — Juré de la corpo- 
ration des peintres verriers de Paris 
en i585, p. i58. 

Bourbon (Jean II, duc de). — Lettre 
de lui, p. 1 38. 

Bourbon (Charles II, cardinal de). — 
Lettre sur sa mort, p. 67. 

Bourbon [Charles III, cardinal de). — 
Lettre de lui, p. 67. 

Bourdelot (l'abbé). — Lettre de lui, 
p. 1. 

Bourgogne. — Charte de Jean sans 
Peur sur les vins de Beaune, p. 88. 

Bréard, conventionnel. — Signa- 
taire d'une lettre sur le but moral 
des théâtres, p. 3i. 

Bretagne. — Lettre du général Mo- 
reau, p. 167. 

Brunb (le maréchal). — Lettre de 
lui, p. 80. 

Buonaparte (Petronilla), cousine de 
Napoléon I« r . — Lettre d'elle, 
p. i5o. 

Calon, député de l'Oise à la Conven- 
tion. — Propose de donner un 
drapeau à la gendarmerie nationale, 
p. 182. 

Canada. — Expédition des Français 
en i63o, p. 109. 

Carraud (Madame Zulma). — Lettres 
de Balzac à elle adressées, p. 58. 

Carré (Pierre), évèque d'Orange. — 
Lettre de Charles VIII à lui rela- 
tive, p. 148. 

Castelbajac (M.-Barth., vicomte de). 



— Son rôle dans le département du 
Gers en 1820, p. 190. 

Cauchois-Lemaire. — Lettre à lui 
adressée par Ad. Thiers, p. 55. 

Chamillart (Michel de). — Lettre de 
lui, p. 5. 

Champagne. — Les reliques de sainte 
Hélène dans l'abbaye a'Hautvillers, 
p. 82. — Pièce de Louis XIII, datée 
de Troyes, p. 11 3. — Lettre de 
saint Vincent de Paul, p. 137. 

Champlain (Samuel de). — Pièce de 
Louis XIII le concernant, p. 109. 

Chaptal, ministre de l'intérieur. — 
Lettre du cardinal Consalvi â lui 
adressée, p. 139. 

Charles VI, roi de France. — 
Charte sur les reliaues de sainte 
Hélène, p. 82. — Charte de Jean 
sans Peur, p. 88. 

Charles VII, roi de France. — Pri- 
vilèges des artilleurs de Paris en 
1442, p. 33. — Brevet de l'ordre 
du Porc- Épie, p. 169. 

Charles VIII, roi de France. — 
Quittance de la princesse de La 
Trémoille, p. 100. — Lettre de 
lui, p. 148. 

Charles IX, roi de France.— Bijoux 
du cardinal de Lorraine, p. 170. 

Charles X, roi de France. — Lettre 
d'Adolphe Thiers, p. 55. — Lettre 
de Frédéric-Guillaume III, roi de 
Prusse, à lui adressée, p. 74. 

Charrier de la Roche (Louis), évè- 
que de Versailles. — Circulaire et 
lettre de lui, p. i5a-i55. 

Chartres. — Mémoire de Collin 
d'Harleville pour des prêtres de 
cette ville, p. 174. 

Chavigni (le comte dej. — Lettre de 
saint Vincent de Paul à lui adressée, 
p. i36. 

ChénierJ (Elisabeth). — Lettres d'elle, 
p. 143-146. 

Chénier (André de). — Lettres de sa 
mère, p. 143. 



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TABLE DES PIECES INEDITES 



195 



Chenier (Marie-Joseph de). — Lettres 
de sa mère à lui relatives, p. 143. 

Christine, reine de Suède. — Fait 
tuer Monaldeschi, p. 3. 

Clairon (Mademoiselle). — Lettres 
d'elle, p. 13-19. 

Clergé. — Condamnation d'un sol* 
dat pour blasphème en i63i, p. 56. 

— Reliques de sainte Hélène, 

§.82. — Lettre de saint Vincent 
e Paul, p. 1 36. — Lettre de Charles 
VIII sur Tévèché d'Orange, p. 148. 

— Circulaire et lettre de Charrier 
de La Roche, évêque de Versailles, 
p. 1 52-i 55. — Fondation d'une 
messe perpétuelle dans l'église 
Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie par 
la corporation des peintres verriers 
de Paris en i585, p. 1 58. 

Collin d'Harleville (J.-Fr.). — 
Pièce de lui, p. 1 74. 

Condé (le grand). — Son opinion 
sur l'équipement de la cavalerie, 
p. 178-9. 

Confréries. — Rétablissement de la 
confrérie de Saint-Fiacre par Fran- 
çois I er en 1544, p. i83. 

Consalvi fie cardinal). — Lettre de 
lui, p. 139. 

Corse. — Lettre de Pétronilla Buona- 
parte, p. i5o. 

Costar (Pierre). — Christine de Suède 
reçoit une lettre de lui, p. 3. 

Cramaud- (Simon de), archevêque de 
Reims. — Charte de lui, p. 82. 

Dauphiné. — Lettre de l'abbé de 
Montesquiou au baron Mounier, 
p. 189. 

David (Louis). — Ses tableaux de 
Brutus et du Serment du jeu de 
paume, p. 122-123. — Approuve le 
modèle du drapeau de la gendar- 
merie nationale, p. 182. 

Davout (le maréchal). — Lettre du 
maréchal Brune à lui adressée, 
p. 80. 

Db Croix, éditeur de Voltaire. — 
Lettre de Saint-Lambert à lui 
adres&ée, p. 186. 



Desaix (le général). — Sauve la vie à 
Jean Guerin, p. 127. — Cité dans 
une lettre de Kleber. p. 129. — 
Doit écrire l'histoire de ses campa- 
gnes, p. 168. 

Deschamps (Gratien), maître vitrier 
du roi. — Figure dans l'acte de la 
corporation des peintres verriers en 
1 585, p. 1 58. 

Devienne (Mademoiselle). — Certi- 
ficat à elle délivré par Beffroy de 
Reigny, p. 98. 

Dombes (L.-A. de Bourbon, prince 
de).. — Son voyage v en Hongrie, 
p. 43. 

Duboys (Jean). — Figure, comme 
bachelier de l'état de vitrier, dans 
Pacte de la corporation des peintres 
verriers de Paris en i585, p. 159. 

Do Chastellbt (la marquise). — Son 
épitaphe attribuée à Voltaire, p. 186. 

Dunois (Jean, bâtard d'Orléans, 
comte de). — Confère l'ordre du 
Porc-Épic à un seigneur de Gri- 
gnan, p. 169. 

Elbeuf (Charles de Lorraine, mar- 
quis d'). — Héritier de son oncle le 
cardinal de Lorraine, p. 170. 

Épernon (Jean-Louis de Nogaret,duc 
d'). — Pièce de lui, p. 5b. 

Epinay (la comtesse d'). — Lettre de 
Grimm sur la petite fille de la com- 
tesse, p. 63. 

Eschassériaux, conventionnel. — 
Signataire d'une lettre sur le but 
moral des théâtres, p. 3i. 

Espagne. — Lettre du roi Philippe V, 

Ï>. 26. — Lettre du maréchal Vil- 
eroy sur les fêtes données à l'occa- 
sion de l'arrivée à Paris de l'infante 
d'Espagne destinée à Louis XV, 
p. 35. — Lettre du cardinal Albe- 
roni, p. 76. 
Estrades (Louis-Geoffroy, comte d*). 
— Gouverneur du prince de Dom- 
bes, p. 44. 
> Eugène de Savoie (le prince). — 
Visite que lui rend le prince de 
Dombes en 171 7, p. 48. 



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196 



REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 



Eure-et-Loir (département <T). - 
Mémoire de Collin d'Harleville 
pour des prêtres de Chartres, p. 1 74. 

Fauconnerie. — Lettre de Jean II, 
duc de Bourbon, p. i38. 

Fiesinger (Gabriel). — Ami de Jean 
Guerin, entreprend la collection 
des portraits des membres de l'As- 
semblée nationale, p. 122. — 
Lettre de lui, p. 1 28. — Entreprend 
la collection des portraits des géné- 
raux de la République, p. 128. 

Fillastre (Guillaume), cardinal. — 
Acte signé par lui, p. 84. 

Flandre. — Lettre de Chamillart 
sur la campagne de 1 708, p. 7. — 
Lettres de M"« Clairon, née à Saint- 
Wanon de Condé, p. 13-19. 

Fontainebleau. — Meurtre de Mo- 
naldeschi dans le palais de cette 
ville, p. 3. — Lettre de M IU » Clai- 
ron, datée de cette ville, p. 16. 

Fouché (Joseph). — Rapport de lui, 
p. 102. 

Foucquet (le surintendant). — Pri- 
sonnier à Pignerol, p. 71. 

François I er , roi de France. — 
Lettres-patentes de 1 544, rétablis- 
sant la confrérie de Saint-Fiacre, 
p. i83. 

Frédéric III, roi de Naples. — 
Lettre de lui, p. 11. 

Frédéric-Guillaume III,roidePrusse. 
Lettre de lui, p. 74. 

Gendarmerie nationale. — Son dra- 
peau, p. 182. 

Gérard (lé baron François). — Cer- 
tificat donné à Gabriel Guerin, 
p. 134. 

Gers (département du). — Lettre de 
l'abbé de Montesquiou sur les élec- 
tions dans ce département, en 1 820, 
p. 189. 

Gilbert (Gabriel), poète dramatique. 
— Répond à Costar par ordre de 
Christme de Suède, p. 3. 

Gisquet, préfet de police. — Rap- 



ports de lui sur les bals masqués, 
p. 90. 

Goupillon (Etienne), évêque de Seez. 
— Refuse l'évêché d'Orange en 1483, 
p. 148. 

Grignan (Giraud-Adhémar, seigneur 
de). — Reçoit le collier de 1 ordre 
du Porc-Épic, en 1441, p. 169. 

Grimm (le baron de). — Lettre de 
lui, p. 63. 

Guerin (Jean I). — Sa biographie, 
p. 114. 

Guerin (Christophe). — Sa biogra- 
phie, p. 11 5. 

Guerin (Jean-Urbain). — Sa biogra- 
phie et son journal, p. 1 1 6-1 33. 

Guerin (Gabriel). — Sa biographie, 
p. i33. 

Guise (Louis de Lorraine, cardinal 
de). — Donne reçu des diamants 
de son frère, le cardinal de Lor- 
raine, p. 170. 

Guise (Henri I» r de Lorraine, duc de). 
— Donne reçu de diamants venant 
de son père et de son oncle, p. 171. 

Guyenne. — Élections dans le dé- 
partement du Gers en 1 820, p. 1 89. 

Hassenfratz (Jean-Henri). — Pou- 
voir à lui donné par le ministre 
Paré, p. 28. 

Haussonvillb (le comte d'). — Lettre 
de lui, p. 181. 

Hélène (Sainte). — Ses reliques, 
p. 82. 

Henri III, roi de France. — La cor- 
poration des peintres verriers de 
Paris en i585, p. i56. 

Henri IV, roi de France. — Lettre 
du cardinal de Bourbon, p. 67. — 
Quittance de son premier médecin, 
P. '73. 

Ile de France. — Charte de Louis VII, 
p. 106. — Circulaire et lettre de 
Charrier de La Roche, évêque de 
Versailles, p. i52-i55. 



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TABLE DES PIECES INEDITES 



197 



Italie. — Lettre du roi de Naples 
Frédéric III, p. 11. — Lettre du 
général Miollis sur l'Académie des 
Arcades, p. 29. — Lettre du duc 
de Bourbon au duc de Milan, p. 1 38. 

— Lettre du cardinal Consalvi, 

Î>. 1 39. — Lettre de Louis XI sur 
e mariage de sa belle-sœur Bonne 
de Savoie avec le duc de Milan, 
p. i65. 

Jean sans Peur, duc de Bourgogne. 

— Charte de lui, p. 88. 

Joseph II, empereur d'Allemagne. — 
Lettre de lui, p. 78. 

Joséphine (l'impératrice). — Son por- 
trait par Jean Guerin, p. i3i. 

Kellermann (le maréchal). — Lettre 
de Bernadotte à lui adressée, p. 86. 

Klkber (le général). — Son portrait 

Sar Jean Guerin. p. 128. — Lettres 
e lui, p. 128-00. — Doit écrire 
l'histoire de ses campagnes, p. 168. 

La Rivière (Jean de), premier méde- 
cin de Henri IV. — Quittance de 
lui, p. 173. 

La Tremoille (Gabrielle de Bour- 
bon, princesse de). — Quittance 
d'elle, p. 100. 

La Vallette (Bernard de Nocaret, 
duc de). — Pièce de lui, p. 5o. 

Lenoir, lieutenant de police. — 
Lettre de lui, p. 41. 

Lorraine (Charles, cardinal de). — 
Ses bijoux, p. 170. 

Lorraine. — Passage du prince de 
Dombes à Metz, p. 45. — Les 
bijoux du cardinal de Lorraine, 
p. 1 70. — Lettre de Saint-Lambert, 
p. 186. 

Louis VII, roi de France. — Charte 
de lui, p. 106. 

Louis IX, roi de France. — Charte 
d'Aimeri IX de Rochechouart, 
p. 39. 

^ Louis XI, roi de France. — Exécu- 
tions de brigands, p. 20. — Lettre 
délai, p. i65. 



Louis XII. roi de France. — Lettre 
de Frédéric III, roi de Naples, 
p. 11. 

Louis XIII, roi de France. — Con- 
damnation d'un soldat pour blas- 
phème, en i63i, p. 56. — Le Ca- 
nada en i63o, p. 109. 

Louis XIV, roi de France. — Lettre 
de l'abbé Bourdelot, p. 1 . — Lettre 
de Chamillart, p. 5. — Lettre de 
Philippe V, p. 26. — Foucquet, 
prisonnier à Pîgnerol, p. 71. — 
Condoléances du cardinal Alberoni 
sur sa mort, p. 76. — Lettre de 
saint Vincent de Paul, p. 1 36. 

Louis XV, roi de France. — Lettres 
de M»« Clairon, p. i3-iq. — Dé- 
penses de la duchesse d'Orléans, 
p. 22. — Lettre du maréchal de 
Villeroy, p. 35. — Voyage du 
prince de Dombes en Hongrie, 
p. 43. — Lettre du cardinal Albe- 
roni, p. 76. — Lettre de l'empe- 
reur Joseph II à lui adressée, 
p. 78. 

Louis XVI, roi de France. — Le 
théâtre italien en 1784, p. 41. — 
Lettre du baron de Grimm, p. 63. 

— Jean Guerin peint son portrait 
et ceux de beaucoup de person- 
nages de sa cour, p. 117-120. — 
Son attitude dans la journée du 
20 juin, p. 126. 

Louis XVIII, roi de France. — Lettre 
du prince Jules de Polignac. p. 60. 

— Les élections de 1820 dans Te 
département du Gers, p. 188. 

Louis-Philippe I er , roi des Français. 

— Lettres d'Honoré de Balzac, 
p. 58. — Les bals masqués à Paris 
en 1834, p. 00. — Lettre du comte 
d'Haussonville, à lui adressée, 
p. 181. 

Lyonnais. — Certificat délivré à 
Miie Devienne, née à Lyon, p. 08. 

— Lettre de Charrier de La Roche, 
évêque de Versailles, né à Lyon, 
p. i53. 

Maine (L.-A. de Bourbon, duc du). 

— Voyage de son fils, le prince de 
Dombes, en Hongrie, p. 43. 



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198 



REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 



Maintenon (la marquise de). — Lettre 
de Philippe V, à elle adressée, 
p. 26. 

Mame (M.), éditeur. — Lettre de 
Balzac le concernant, p. 60. 

Marie- Antoinette, reine de France. 
— Son portrait par Jean Guerin, 
p. 117. — Son attitude dans la 
journée du 20 juin, p. 125. 

Marine. — Expédition au Canada en 
i63o, p. 109. 

Marseille. — Lettre du maréchal 
Brune sur l'état des esprits dans 
cette ville pendant les Cent-Jours, 
p. 80. 

Mauléon (Savari de). — Charte con- 
cernant son héritage, p. 39. 

Médecine. — Lettre de l'abbé Bour- 
delot , p. 1 . — Lettre de Charrier 
de La Roche, évèque de Versailles, 
sur la vaccine, p. i53. — Quittance 
de Jean de La Rivière, premier 
médecin de Henri IV, p. 173. 

Mslun. — Blasphème commis par 
un soldat, en i63i, dans l'église 
Notre-Dame, p. 56. 

Ménage (Gilles). — Lettre de l'abbé 
Bourdelot à lui adressée, p. a. 

Metz. — Séjour du prince de Dom- 
bes dans cette ville, p. 45. 

Miollis (le général). — Lettre de lui, 
p. 29. 

Mirabeau (le comte de). — Ses funé- 
railles, p. 123. 

Monaldeschi, grand-écuyer de Chris- 
tine de Suède. — Son meurtre, 

P . 3. 

Montauvet (le comte de). — Lettre 
du général Miollis à lui adressée, 
p. 29. 

Montesquiou (l'abbé de) — Lettre de 
lui, p. 188. 

Moreau (le général). — Lettre de lui, 
p. 189. 

Mounier (Cl.-Ed.-Ph., baron). — 
Lettre de l'abbé de Montesquiou à 
lui adressée, p. 000. 



Napoléon I er , empereur des Fran- 
çais. — Lettre du prince Jules de 
Polignac, p. 69. — Lettre du ma- 
réchal Brune, p. 80. — Lettre de 
Bernadotte, p. 86. — Rapport de 
Fouché, p. 102. — Son portrait 
par Jean Guerin, p. 129. — Lettre 
du cardinal Consalvi, p. 139.— 
Lettre de sa cousine Petronilla 
Buonaparte, p. 1 5o. 

Noblesse. — Brevet de Tordre du 
Porc-Épic, p. 169. 

Normandie. — Mort du cardinal de 
Bourbon, archevêque de Rouen, 
p. 67. — Etienne Goupillon, évè- 
que de Seez, p. 148. 

Oise (département de H. — Le dé- 
puté Calon propose ae donner un 
drapeau à la gendarmerie nationale, 
p. 182. 

Orange. — Pierre Carré , évèque de 
cette ville, p. 148. 

Orléans (Charles, duc d*J. — Donne 
pouvoir à son frère, le comte de 
Dunois, de conférer l'ordre du Porc- 
Épic à Giraut Adhémar de Grignan, 
p. 169. 

Orléans (Philippe, duc d*), régent de 
France. — Lettre du cardinal Albe- 
roni à lui adressée, p. 76. 

Orléans (Louise-Henriette de Bour- 
bon -Conti, duchesse d*). — Ses 
dépenses en 1751 et 1756, p. 22. 

Paré, ministre de l'intérieur. — 
Pièce signée par lui, p. 28. 

Paris. — Les théâtres sous la Répu- 
blique, p. 3i. — Privilèges des 
artilleurs de Paris en 1442, p. 33. 
— Le théâtre Italien en 1784, 
p. 41. — Les bals masqués en 1834, 
p. 90. — La corporation des pein- 
tres-verriers de Paris en i583, 
p. i56. — La confrérie de Saint-Fia- 
cre est rétablie par François I« r , 
p. i83. 

Philippe V, roi d'Espagne. — Lettre 
de lui, p. 26. 



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TABLE DES PIÈCES INEDITES 



199 



I>icardib. — Certificat délivré par Révolution française. — Suppres- 

Beflroy de Reigny, né à Laon, p. —- A - — n—~ - o 

98. — Charte de Louis VII, p. 107. 
— Lettre de saint Vincent de Paul, 
p. i$ 7% _ Calon, député de l'Oise, 
propose de donner un drapeau à la 
gendarmerie nationale, p. 182. 

Pis VII, oape. — Lettre du cardinal 
Consalvi, p. 139. 

Pignbrol. — Foucquet y est prison- 
nier, p. 71. 

Pinaigrier (Nicolas). — Juré de la 
corporation des peintres- verriers de 
Paris en 1 585, p. i58. — Généalo- 
gie de sa famille, p. 162-163. 

Poitou. — Charte d'Aimeri IX de 
Rochechouart , p. 3o. — Charte 
signée par Simon de Cramaud, 
évêque de Poitiers, p. 84. —Quit- 
tance de la princesse de la Tré- 
moille, p. 100. 

Pouce. — Rapport de Fouché sur 
son organisation en 1799, p. 102. 

Pougnac (le prince Jules de). — 
Lettre de lui, p. 69. 

Pontoise. — Charte de Louis VII, 
datée de cette ville, p. 107. 

Porcher (François), maître vitrier 
des bâtiments du Roi. — Figure 
dans l'acte de la corporation des 
peintres verriers en 1 585, p. 1 58. 

Provence. — Lettre du général 
Miollis, né à Aix, p. 29. — Lettre 
du maréchal Brune sur l'état des 
esprits à Marseille pendant les 
Cent-Jours, p. 80. — Charte si- 
gnée par Guillaume Fillastre, ar- 
chevêque d'Aix, p. 85. — Lettre 
de Charles VIII sur l'évèché d'O- 
raagfi P» J48. — Brevet de l'ordre 
du Porc-Epic conféré au seigneur 
de Grignan en 144 1, p. 169. — Le 
cardinal de Lorraine meurt à Avi- 
gnon, p. 170. 

Recamier (Mme). — Lettres d'elle, 
p. i3o-i3i. 

Reims. — Acte signé par Simon de 
Cramaud, archevêque de Reims, 
p. 84. 



sion des académies en 1793, p. 27. 
— Les théâtres en 1794, p. 5i. — 
Lettre du général Bernadette, 
p. 86. — Certificat de Beffroy de 
Reigny, p. 98. — Organisation de 
la police par Fouché, p. 102. — 
Meurtre de Foullon et Bertier, 
p. 121. — Jean Guerin fait les 
portraits de plusieurs membres de 
l'Assemblée nationale, p. 122. — 
Funérailles du comte de Mirabeau, 
p. 123. — Envahissement du châ- 
teau des Tuileries, le 20 juin 1 792, 
p. 124. — Lettre du cardinal Con- 
salvi, p. i3o. — ; Lettres de Ma- 
dame Chénier, p. 143. — Circu- 
laire et lettre de l'évêque de Ver- 
sailles, p. 1 52-i 55. — Lettre du 
général Aloreau, 167. — Mémoire 
e Collin d'Harleville, p. 174. — 
Drapeau de la gendarmerie natio- 
nale, p. 182. 

Retnier (le général). — Lettre du 
général Moreau à lui adressée, 
p. 167. 

Rochechouart (Aimeri IX, vicomte 
de). — Charte de lui, p. 38. 

Rouen. — Mort du cardinal de 
Bourbon, archevêque de cette 
ville, p. 07. 

Russie. — Lettre 'de M 11 * Clairon au 
comte Schouvalof, p. 1 7* 

Saillant (le comte de), gouverneur 
de Metz. — Le prince de Dombes 
loge chez lui |en 1717, p. 45. 

Saint-Lambert (J.-Fr. de). — Lettre 
de lui, p. 186. 

Saint-Mars (Bénigne de). — Gar- 
dien de Foucquet à Pignerol,p.7i. 

Savoie (Bonne de), belle-sœur de 
Louis XI. — Épouse Galéas-Marie 
Sforce, duc de Milan, p. i65. 

Schouvalof (le comte André de). — 
Lettre de M |U Clairon à lui adres- 
sée, p. 17. 

Seine-et-Marne (département de). — 
Meurtre de Monaldeschi à Fontai- 
nebleau, p. 3. — Blasphème com- 



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200 



REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES 



mis par un soldat, en i63i, dans 
l'église Notre-Dame de Melun, 
p. 56. 

Sforce (François), duc de Milan. — 
Lettre de Jean II, duc de Bourbon, 
à lui adressée, p. i38. 

Sforce (Galéas-Marie), duc de Milan. 
— Épouse Bonne ae Savoie, belle- 
sœur de Louis XI, p. i65. 

Strasbourg. — Passage du prince 
de Dombes dans cette ville, p. 47. 

Suède. — Lettre de l'abbé Bourde- 
lot sur le meurtre de Monaldeschi, 
ordonné par Christine de Suède, 
p. 3. 

Tasso (Torquato). — Lettre du gé- 
néral Miollis sur le couvent de 
San-Onofrio où sont conservés les 
restes du Tasse, p. 29. 

Théâtre. — Lettres de M I,e Clairon, 
p. 13-19. — Les théâtres sous la 
République, p. 3i. — Le théâtre 
italien en 1704, p. 41. — Les bals 
masqués en 1834, p. 90. — Certi- 
ficat délivré par Beffroy de Reigny 
à M 110 Devienne, p. 98. 

Thiers (Adolphe). — Lettre de lui, 
p. 55. 

Thouars (Aimeri IX, vicomte de). — 
Charte le concernant, p. 39. 

Touraine. — Lettre du roi de Naples 
Frédéric III , datée de Plessis-les- 
Tours, p. 12. 

Tourtier (Quentin). — Juré de la 
corporation des peintres verriers 
de Paris, en x585, p. i58. 

Treilhard (le comte). — Signataire 
d'une lettre sur le but moral des 
théâtres, p. 3i. 



Turenne (le vicomte de). — Son opi- 
nion sur l'équipement de la cava- 
lerie, p. 1 78-9. 

Vaudemont (le prince de). — Lettre 
, du maréchal de Vilteroy à lui 
adressée, p. 35. 

Vendée. — Charte d'Aimeri IX de 
Rochechouart, p. 39. 

Vendôme (Louis-Joseph, duc de). — 
Lettre de Chamillart à lui adres- 
sée, p. 7. 

Vergennes (le comte de). — Lettre 
de Grimm à lui adressée, p. 63. 

Vermandois. — Exécution de bri- 
gands en 1479 et 1480, p. 20. 

Versailles. — Circulaire et lettre de 
Charrier de La Roche, évéque de 
cette ville, p. i5a-i55. 

Villars (le maréchal de). — Lettre 
de lui, p. 178. 

Villeroy (le maréchal de) — Lettre 
de lui, p. 35. 

Vincent de Paul (saint), — Lettre de 
lui, p. i36. 

Voltaire (F.-M. Arouet de) . — 
Saint-Lambert refuse de commu- 
niquer les lettres qui lui ont été 
adressées par Voltaire, p. 1 86. 

Wellington (le duc de). — Une opi- 
nion de lui citée dans une lettre du 
prince de Polignac, p. 71. 

Yonne (département de Y). — Lettre 
de l'abbé Bourdelot, né à Sens, 
p. 1. 



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TABLE DES FAC-SIMILE 



CONTENUS DANS CE VOLUME 



Albbroni (le cardinal). — Compli- 
ment et signature, p. 77. 

Balzac (Honoré de). — Signature, 
p. 60. 

Barère (Bertrand). — Signature, 

p. 32. 

Beauvais (Ch.-Nic). — Sa signature 
sur le modèle du drapeau de la 
gendarmerie nationale, p. 182. 

Bkffroy db Reigny (Louis- Abel). — 
Certificat, p. 99. ' 

Bernadotte (le général). — Signa- 
ture, p. 87. 

Besson, conventionnel. — Sa signa- 
ture sur le modèle du drapeau de 
la gendarmerie nationale, p. 182. 

Billaud-Varenne (J.-Nic). — Signa- 
ture, p. 32. 

Bourbon (Charles III, cardinal de). 
— Lettre, p. 67. 

Bourdelot (l'abbé). — Écriture et 
signature de lui, p. 4. 

Bréard, conventionnel. — Signature, 
p. 32. 

Buonaparte (Petronilla). — Compli- 
ment et signature, p. i5i. 

Calon, député de l'Oise à la Conven- 
tion. — Sa signature sur le modèle 
du drapeau de la gendarmerie na- 
tionale, p. 182. 



Chamill art (Michel de). — Signature, 
p. 8. 

Chénier (Elisabeth). — Lettre, p. 146. 

Clairon (Mademoiselle). — Lettre, 
p. i5. — Signature, p. 19. 

Collin d'Harleville (J.-P.). — Si- 
gnature, p. 177. 

Cramaud (Simon de), archevêque de 
Reims. — Signature, p. 83. 

David (Louis), le peintre. — Sa si- 
gnature sur le modèle du drapeau 
de la gendarmerie nationale, p. 182. 

Deschamps (Gratien), maître vitrier. 

— Signature, p. 161. 

Duboys (Jean), bachelier de l'état de 
vitrier. — Signature, p. 161. 

Epernon (J.-L. de Nogaret, duc d'). 

— Signature, p. 57. 

Eschassériaux , conventionnel. — 
Signature, p. 32. 

Fiésinger (Gabriel). — Signature, 
p. 129. 

Fillastre (Guillaume). — Signature, 
p. 83. 

Frédéric III, roi de Naples. — Com- 
pliment et signature, p. 12. 

Frédéric- Guillaume III, roi de 
Prusse. — Compliment et signa- 
ture, p. 73. 

26 



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202 



TABLE DES FAC-SIMILE 



Gendarmerie nationale. — Modèle 
de son drapeau, p. 182. 

Grimm (le baron de), — Écriture et si- 
gnature, p. 66. 

Guerin (Jean I er ). — Signature et 
portrait, p. 114. 

Guerin (Christophe). — Signature, 
p. u5. 

Guerin (Jean-Urbain). — Signature 
et portrait, p. i33. 

Guerin (Gabriel). — Signature, p. 1 35. 

Guise (Louis, cardinal de). — Signa- 
ture, p. 171. 

Guise (Henri I er de Lorraine, duc de). 
— Signature, p. 172. 

Hélène (sainte). — Charte concer- 
nant ses reliques, p. 83. 

Joseph II, empereur d'Allemagne. — 
Compliment et signature, p. 79. 

La Tremoille (Gabrielle de Bourbon, 
princesse de). — Signature, p. 101. 

La Vallette (Bernard de Nogaret, 
duc de). — Signature, p. 5y. 

Lenoir, lieutenant de police.— Signa- 
ture, p. 41 . 

Louis VII, roi de France. — Charte, 
p. 107. 

Miollis (le général). — Signature, 
p. 3o. 



Montesquiou (l'abbé de). — Signa- 
ture de lui, p. 192. 

Ordre du Porc-Épic. — Brevet, 
p. 169. 

Orléans (Louise- Henriette de Bour- 
bon-Conti, duchesse d'). — Signa- 
ture, p. 24. 

Philippe V, roi d'Espagne. — Lettre, 
p. 26. 

Pinaigrier (Nicolas). — Signature, 
p. 161. 

Porcher (François), maître vitrier.— 
Signature, p. 161. 

Rochechouart (Aimeri IX, vicomte 
de). — Charte, p. 39. 

Saint-Lambert (J.-Fr. de). — Signa- 
ture de lui, p. 187. 

Saint-Mars (Bénigne de). — Quit- 
tance, p. 72. 

Thiers (Adolphe). — Lettre, p. 55. 

Tourtier (Quentin), juré de la corpo- 
ration des peintres verriers de 
Paris. — Signature, p. 161. 

Treilhard (le comte). — Signature, 
p. 32. 

Villars (le maréchal de). — Signa- 



ture, p. 180 



Villeroy [le maréchal de). • 
ture, 



:roy (le 1 

e, p. 37. 



Signa- 



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INDEX DES ARCHIVES 
DES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES 

ET DES COLLECTIONS PARTICULIÈRES 
d'où proviennent les pièces publiées dans ce volume. 



Archives de Milan. 

Lettre de Jean II, duc de Bourbon, 
p. i38 ; — Lettre de Louis XI, 
p. i65. 

Archives de Venise. 
Lettre de Charles VIII, p. 148. 

M. Luigi Atfolini. 

Lettre de saint Vincent de Paul, 
p. 137; — Lettre de Petronilla 
Buonaparte, p. 1 5o. 

M. le docteur Bonnejoy. 
Charte de Louis VII, p. 106. 

M. Armand Dufour. 

Voyage du prince de Dombes en 
Hongrie, p. 43. 

M. Benjamin Fillon. 
Charte d'Aimeri IX, vicomte de 



Rochechouart , 38 ; — Charte con- 
cernant les reliques de sainte Hé- 
lène, p. 82; — Lettre de Fiesinger, 
p. 128. 

M. le baron de Girardot. 

Pièce concernant la condamnation 
d'un soldat pour blasphème, p. 56 ; 
— Lettres de Balzac, p. 58. 

M. Jules Guerin. 

Documents sur sa famille, p. 1 14-1 35. 

M. Mahérault. 

Lettres de M* 6 Chénier, p. 143. 

M. Alfred Morrison. 

Lettres de M ,ta Clairon, p. 14. 

M. Antonin Voisin. 

Charte de Jean sans Peur, p. 88. 



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STANFORD, CAIIFORNIA 94305 



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